Ecrit par Soubha Es-Siari I
Ce 2 janvier 2024 est entrée en vigueur la seconde phase de la loi 69-21 relative aux délais de paiement. Cette phase concerne les entreprises réalisant un chiffre d’affaires compris entre 10 et 50 MDH. Contrairement à la loi 32-10, cette nouvelle loi est susceptible à travers l’application des sanctions à remédier à la problématique des délais de paiement, principal goulet d’étranglement des TPME. 40% des TPE-PME disparaissent à cause de cette problématique.
La deuxième tranche de la loi 69-21, complétant le code de commerce 15-95, sur les délais de paiement est entrée en vigueur ce 2 janvier 2024. A rappeler qu’il existait déjà la loi 32-10 sur les délais de paiement applicable à partir de 2013 et qui 10 ans après a montré ses limites. Et pour cause : le non recours systématique aux indemnités de retard. Le fournisseur préfère récupérer la totalité de la facture au lieu de demander l’indemnisation des intérêts de retard à cause de la position de force du client.
A ce titre, en sus des deux parties privées (client et fournisseur), dans la présente loi, un autre acteur public vient s’ajouter à la partie à savoir l’administration publique notamment le trésor. L’objectif est de réguler la relation entre le client et le fournisseur et de faire respecter le paiement des indemnités de retard dont le paiement se fait au trésor via la plateforme de l’administration fiscale.
A rappeler que le délai de paiement est identique à celui de la loi 32-10 lorsque le délai entre les deux parties n’est pas convenu à l’avance à savoir 60 jours. En revanche, le délai convenu est prolongé de 90 jours à 120 jours voire même 180 jours pour certaines secteurs d’activités.
Un premier bilan positif
De prime abord, cette loi se veut progressive s’étalant sur trois périodes. A partir du 1er juillet, elle concerne les entreprises réalisant un chiffres d’affaires de plus de 50 MDH. En 2024, elle est destinée aux entreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre 10 et 50 MDH. En 2025, seront concernées les entreprises ayant un chiffre d’affaires entre 2 et 10 MDH. Au-delà de 2025, elle sera généralisée à l’ensemble du tissu économique national.
Intervenant lors d’une émission sur Medi1TV sur la nouvelle loi sur les délais de paiement, Youssf Guerraoui Filali, président du CMGM a annoncé qu’avec l’application de la première tranche de la nouvelle loi, les comportements des entreprises ont changé, elles sont devenues plus vigilantes sur les dates dépôt, de facturation, de livraison… Ce qui, selon ses propos, ne serait pas exempt d’impact sur la trésorerie des entreprises étant donné le fonds de roulement en question qui circule. Il rappelle dans la foulée que l’une des principales causes du taux élevé des défaillances n’est autre que le retard des paiements.
A titre d’exemple, le crédit interentreprises au Maroc caracole les 28% en 2023 par rapport à l’ensemble des crédits des entreprises, comparativement aux 11% en France.
Dans un contexte de plus en plus contraignant, empreint d’incertitudes… où les entreprises nationales sont appelées à agir sur plusieurs fronts, il est inadmissible qu’elles continuent à souffrir de l’allongement des délais de paiement.
Interrogé sur le bilan de cette première phase, le président de CMGM note avec satisfaction que le premier bilan est positif. Mais ce n’est qu’à partir de 2024 voire même 2025 qu’une bonne évaluation pourrait être faite. Le principe de progressivité adopté obéit à la logique de roder d’abord le système avec des grandes entreprises dont le CA est supérieur à 50 MDH.
Encore faut-il admettre que dans un contexte marqué par une stagflation, attendre jusqu’à 2025 pour les petites entreprises est très pernicieux face à un manque de visibilité, de faibles commandes…
Les chiffres dévoilés par l’Observatoire des TPME montre que les très petites entreprises sont les plus menacées par les faillites. Ce sont elles qui ont le plus de créances clients à l’extérieur comparativement aux grandes entreprises. Idem pour les fournisseurs, les grandes entreprises ont plus de dettes fournisseurs qu’elle reçoit que les petites entreprises. Autrement dit, lorsque l’entreprise ne peut financer ses créances client par le crédit fournisseur ou la vente au comptant, le recours à la banque est systématique avec tous les frais et intérêts qu’ils génèrent et qui pèsent lourdement sur le résultat.
Pis encore, lorsque l’entreprise essuie un refus de la banque si elle manque de cautions ou garanties à présenter. L’un des objectifs de cette loi est de rompre définitivement avec le crédit fournisseur comme alternative au crédit bancaire.
Une chose est cependant sûre : le bilan de cette première phase est positif, des changements de comportements sont même perceptibles à cause d’une procédure de contrôle instaurée également au sein de l’entreprise pour payer et éviter les sanctions de l’Administration fiscale. Aussi, le rôle de l’expert-comptable n’est pas à négliger.
La loi est venue consacrer l’Expert-comptable comme tiers de confiance dans la déclaration que doit faire l’entreprise avec à la clé une mission de vérification. Ce dernier doit ainsi mener des diligences qu’il estime nécessaire dans le cadre de la directive de l’OEC et par la suite formuler un visa, avec ou sans observations. Il peut même accompagner l’entreprise à sa demande pour une meilleure application de la loi.
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