Ecrit par S.E. |
Tout en félicitant la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement sur la qualité du travail fourni, le Patronat reste sur sa faim sur certaines questions et pas des moindres. La CSMD rassure que l’objectif du taux 6% de croissance escompté est réalisable. Pour ce faire le Maroc a besoin de task force.
Ce jeudi 03 juin la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) présidée par Chakib Benmoussa a rencontré la CGEM pour débattre des axes stratégiques du nouveau modèle de développement (NMD). Un modèle où le secteur privé est appelé à jouer un rôle très capital pour créer des emplois de qualité et une richesse inclusive.
Après avoir présenté les pistes contenues dans le NMD, Ahmed Reda Chami, membre de la CSMD et président du CESE est parti d’un indicateur qu’est le taux de croissance de 6% en moyenne à l’horizon 2035. Il rappelle à ce titre qu’au cours des dernières années, le Maroc affichait bon an mal an des taux de croissance en moyenne de 3,5%. Un taux très insuffisant pour réaliser et fiancer les ambitions du nouveau modèle. Autrement dit, un taux de croissance en moyenne de 6% est désormais une nécessité impérieuse. La bonne nouvelle selon le président du CESE est que les 6% sont accessibles et donc l’objectif est réalisable.
Le Maroc dispose d’une marge de manœuvre
D’aucuns diront qu’est-ce qui empêchait le Maroc de réaliser les 6% en moyenne de croissance durant les années passées sachant que le Maroc a mené une foultitude de réformes pour y parvenir. R. Chami répond tout en étant confiant que le Maroc dispose de différents gisements inexploités. Il ressort ainsi que jusqu’à présent et au fil de l’eau, le Maroc n’a fait que de l’accumulation du capital. D’où l’urgence d’améliorer la productivité pour aller de l’avant et intégrer le fameux cercle des pays émergents. A rappeler que le Maroc a beaucoup investi dans le développement des infrastructures comme en atteste l’indice ICOR (indicateur mesurant l’efficacité du capital) qui tout simplement n’est pas bon.
Dans son diagnostic, le président du CESE exhorte le privé à être plus fort dans la mesure où comparativement à d’autres pays, la part du secteur privé dans la création de richesses représente 40 à 50%. Un pays comme la Turquie, le secteur privé contribue à hauteur de 80%. C’est pour dire que le Maroc a encore de la marge à exploiter.
Toutefois au-delà de 6%, le Maroc a besoin d’une croissance de qualité, une croissance résiliente à même de créer des emplois formalisés, qualitatifs et féminins. Le Maroc a besoin d’une croissance bien répartie entre la population et les territoires. Autrement, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Mais de quels gisements parlons-nous ?
Tout d’abord du capital naturel (mines et carrières) , les phospahates, les ressources énergétiques… En matière d’énergie, il s’est avéré que le Maroc dispose de capacités énergétiques équivalentes à des pays comme le Nigéria ou la Malaisie mais qui restent inexploitées.
Le Maroc a également un capital important dans les domaines du tourisme, les océans, l’économie circulaire, les industries culturelles et créatives… Bref, le Maroc a à son actif différentes sortes de gisements mais qui pour une raison ou une autre restent peu exploitées.
Face à cette situation, la commission appelle à une véritable révolution de l’entrepreneuriat. Sinon, le Maroc ne peut se défaire d’un tissu économique très fragile où prédomine l’informel. Un tissu très peu diversifié à l’export. A noter que sur 5.000 références, le Maroc exporte 1350 au moment où la Turquie exporte 3000.
En ce qui concerne la sophistication du tissu économique, 6% des entreprises font de la R&D, 50 brevets par an… Des indicateurs à faire rougir lorsqu’on se compare à des pays à développement comparable.
S’agissant de l’indice de complexité (une mesure holiste se basant sur le panier d’exportations de chaque pays), le Maroc occupe le 99 e rang sur 121 pays. Autre indicateur et pas des moindres c’est le nombre de cadre moyens ou supérieurs dans les entreprises soit 8% (60% dans les pays développés, 30% dans les pays émergents). Des gaps qui dénotent que le Maroc a vraiment du pain sur la planche.
En ce qui concerne l’internationalisation des entreprises, nous avons 6000 entreprises exportatrices dont plus de la moitié a plus de 20 ans d’existence. Le renouvellement des entreprises exportatrices est très timide.
Cette révolution de l’entrepreneuriat doit être portée par les PME et surtout les grandes entreprises qui peuvent explorer, courir le risque parce qu’elles ont les reins solides.
Une fois les obstacles identifiés, la commission expose les solutions. Entre autres solutions, la commission parle du défenseur de l’entreprise chargé d’identifier les nœuds systémiques pour y remédier au moment opportun. En matière de compétitivité essentiellement dans les secteurs non protégés, il faut une réduction du coût de la logistique et de l’énergie qui pèsent lourdement sur les charges d’entreprises et impactant par là les prix (voir tableau).

Source : CSMD
Quid des contrats-programmes ?
Les opérateurs se sont interrogés sur l’utilité des contrats-programmes sectoriels à la lumière du NMD. La commission les rassure qu’il ne s’agit nullement de jeter le bébé avec l’eau du bain. Mais ce qui va changer c’est la manière de faire. Que l’on parle plus d’une stratégie de mise en cohérence dans les mesures transverses et partant de là réajuster les contrats-programmes. Il faut absolument ailleurs de revoir les modalités de gouvernance pour éviter les déperditions et les dérapages. Pour cela il faut créer des task-force à même d’identifier les nœuds, faire preuve d’agilité et débloquer rapidement la situation. Dans les prochaines années le Maroc a besoin d’un Etat fort et d’un secteur privé jouant le rôle de vraie locomotive de développement pour réaliser un taux de croissance à même de rendre réelles les ambitions du NMD et non pas de vœux pieux.