Les dispositions de la règlementation des changes régissant les importations de biens comprennent deux principaux volets. Le premier volet porte sur la définition des opérations d’importation de biens. Ce volet a été traité lors du précédent entretien. Quant au second volet, il porte sur la fixation des conditions de réalisation des opérations d’importation de biens.
Ces conditions comprennent celles communes à toutes les opérations économiques extérieures et celles spécifiques aux opérations d’importation. Les conditions communes à toutes les opérations économiques extérieures (qu’on appellera conditions générales) englobent un ensemble de dispositions consignées dans les chapitres I et II de l’IGOC- 24.
Ces dispositions feront l’objet du présent entretien.
Pourriez-vous nous donner un aperçu sur les conditions générales de réalisation des opérations d’importation de biens ?
Les conditions générales prévues par la règlementation des changes en matière de réalisation des importations de biens désignent les conditions communes à toutes les transactions extérieures librement réalisables en vertu de cette règlementation.
Ces conditions s’appliquent bien entendu aux opérations d’importation de biens, car ces opérations constituent des transactions extérieures librement réalisables en vertu de la règlementation des changes.
Concrètement, quelles sont ces conditions ?
Les conditions générales de réalisation des opérations d’importation de biens consistent en un ensemble de dispositions consignées dans la section 2 du chapitre I de l’IGOC-24.
Ces dispositions peuvent être différenciées, à priori, en trois catégories.
La première catégorie consiste dans un principe fondamental sur lequel repose tout le dispositif de la règlementation des changes.
Ce principe réside dans l’effectivité des transactions extérieures librement réalisables.
S’agissant de la deuxième catégorie, elle réside dans les modalités de règlement des transactions.
Ces modaliés comprennent globalement les opérations d’achats de devises et de transfert de ces devises à l’étranger par virement bancaire.
Quant à la troisième catégorie, elle consiste dans les « formalités post règlements » .
Ces formalités englobent la conservation des documents justificatifs des transactions et la déclaration de ces transactions par les banques à l’Office des Changes.
Si j’ai bien compris, l’IGOC-24 définit les transactions extérieures librement réalisables, puis elle fixe les conditions générales de réalisation de ces transactions ( modalités de paiement et formalités post règlements), et ce, dans l’objectif de s’assurer de l’effectivité de ces transactions, n’est-ce pas ?
Oui effectivement, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je vous ai indiqué ci-dessus que le principe de l’effectivité est « la branche sur laquelle est assis tout le dispositif de la règlementation des changes ».
Pourriez-vous nous parler davantage de ce principe de l’effectivité ?
Ce principe est régi par l’article 5 de l’IGOC-24, intitulé « Effectivité et prix des transactions ».
Cet article se présente comme suit : « Les règlements au titre des opérations courantes ou en capital prévues par la présente Instruction, doivent porter sur des transactions effectives rémunérées au prix du marché. Le respect des conditions du prix du marché ainsi que de l’effectivité demeure de la responsabilité de l’opérateur ».
Qu’est-ce qu’on entend par transactions effectives ?
Cela signifie que les paiements au titre de toutes les transactions librement réalisables doivent correspondre à des transactions réelles (et non pas fictives).
Et qu’est-ce qu’on entend par transactions rémunérées au prix du marché ?
Cela signifie que les paiements au titre de toutes les transactions librement réalisables ne doivent pas être effectués à des prix qui dépassent les valeurs réelles de ces transactions.
Si j’ai bien compris l’article précité prévoit deux principes (l’effectivité et le prix du marché) et non pas un seul comme vous l’avez indiqué ci-dessus !
On peut considérer qu’il s’agit d’un seul principe, à savoir celui de l’effectivité, laquelle effectivité peut être absolue ou relative.
L’effectivité absolue signifie que le paiement ne doit pas être effectuée pour une opération fictive (effectivité dans le sens de l’IGOC-24).
Quant à l’effectivité relative, elle signifie que le paiement ne doit pas dépasser la valeur réelle de la transaction (prix du marché dans les sens de l’IGOC-24).
Et quel serait la finalité de ce principe de l’effectivité que ce soit en termes absolues ou relatifs ?
La finalité est d’éviter que les paiements au titre des transactions ne soient un canal de contournement de la règlementation des changes.
Canal de contournement de la règlementation des changes ?
En fait, en dépit du processus important de libéralisation du contrôle des changes, certaines transactions économiques demeurent soumises à l’autorisation de l’Office des Changes.
Ces transactions englobent toutes les opérations non-définies par l’IGOC-24, notamment l’acquisition par les marocains résidents de biens immeubles situés à l’étranger , la réalisation d’investissements à l’étranger au-delà de certains seuils par les marocains résidents, etc.
Ces restrictions peuvent pousser certains marocains résidents à réaliser ces opérations non définies par l’IGOC-24 (donc soumises à l’autorisation de l’Office des Changes) ,et ce, à travers l’opération de paiement des transactions définies par cette instruction.
Comment ?
Deux techniques peuvent être utilisées dans le cas des paiements au titre des transactions relatives aux importation de biens, à savoir :
-Le paiement de l’opération d’importation sans que la marchandise rentre au Maroc ;
-Le paiement de l’opération d’importation pour une valeur supérieure à celle effective de la marchandise importée (surfacturation).
Comment un importateur peut-il payer une importation sans que la marchandise rentre au Maroc ?
Généralement les fournisseurs étrangers exigent dans plusieurs cas qu’une avance leur soit versée préalablement à la livraison de la marchandise.
Cette avance figure dans le contrat commercial établi entre l’importateur et le fournisseur étranger.
Cet état de fait a poussé les règlementations des changes de la majorité des pays du monde( y compris celle marocaine) à prévoir un cadre libéral pour les paiements anticipés au titre des opérations d’importation de marchandises.
Ces paiements peuvent être utilisés par certains importateurs mal intentionnés pour réaliser des opérations soumises à l’autorisation de l’Office des Changes : ils peuvent présenter des contrats fictifs ( falsifiés ou de complaisance ) et procéder par la suite au virement de l’argent à l’étranger , et ce, sans que la marchandise objet du contrat ne rentre au Maroc.
Et comment un importateur peut-il surfacturer une importation ?
Généralement, cette technique est la plus utilisée au niveau mondial pour deux principales raisons :
La première raison est qu’elle demeure difficile à détecter par les autorités en charge du contrôle des changes.
La seconde raison est qu’elle est de moins en moins coûteuse suite au processus de libéralisation du commerce extérieur.
Difficile à détecter par les autorités en charge du contrôle des changes ?
Oui parce que le montant indiqué dans la facture sert de base à l’imputation douanière et que cette imputation ne peut pas être contestée par les autorités en charge du contrôle des changes.
Vous insinuez que l’Administration des Douanes et Impôts Indirects ne peut pas revoir la valeur indiquée dans la facture ?
Non, l’Administration des Douanes et Impôts Indirects peut revoir les factures sous-évaluées , car cela agit négativement sur les recettes douanières.
En revanche, cette administration est moins regardante en théorie , lorsque les factures sont surévaluées car cela impacte positivement les recettes de ladite administration.
Vous avez dit que la surfacturation est moins coûteuse suite au processus de libéralisation du commerce extérieur. Pourriez-vous nous expliquer davantage cet aspect ?
Effectivement, les accords de libre-échange se traduisent généralement par l’exonération de certaines catégories d’importation du paiement des taxes douanières.
Cela a pour conséquence que l’importateur qui procède à la surfacturation ne supporte pas le coût de cette surfacturation en termes de taxes douanières.