Ecrit par Imane Bouhrara I
Les premiers instants après la survenance d’un risque ou d’une catastrophe naturelle, comme ce fût le cas au Maroc avec le séisme d’Al Haouz, sont cruciaux et impactent directement le bilan des pertes aussi bien humaines que matérielles. Ce ne sont pas seulement les autorités qui sont appelées à réagir, mais aussi les citoyens dont la démarche peut être salutaire ou lourde de conséquence pour leur sécurité. D’où l’importance des systèmes d’alerte directs aux citoyens pour réduire le risque. Malheureusement le Maroc n’en dispose pas encore, comme beaucoup de pays, pourtant, il peut capitaliser sur le système d’alerte pour la vaccination contre le Covid-19 qui avisait directement les Marocains via un SMS.
Le séisme d’Al Haouz a touché plusieurs villes du Maroc, Marrakech, Casablanca, Rabat, Kénitra, Fès… Les conséquences auraient pu être dramatiques si l’épicentre était décalé un peu plus vers Marrakech ou Casablanca… Autant dire que dans notre malheur, nous avons eu beaucoup de chance comparativement à la zone sinistrée.
Et bien que dans certaines villes comme Casablanca par exemple, le déroulement de la nuit du 8 septembre est mille fois mieux que le cauchemar qu’ont vécu nos concitoyens dans le noir et sous les décombres près de l’épicentre, les citoyens des villes citées ont néanmoins eu une grande frayeur au point que beaucoup ont décidé de passer la nuit dehors loin des bâtiments, dans le flou et la confusion, ne sachant quelle attitude adopter.
Cette frayeur a été amplifiée lorsque les appels téléphoniques étaient coupés et qu’on ne pouvait plus communiquer que via WhatsApp.
Autant dire que c’est le système de survie qui s’est déclenché tout seul durant les premiers instants après les secousses puisque des milliers de citoyens dans différentes villes ont dû se débrouiller en l’absence d’une aide ou orientation de la part des autorités.
Auprès du complexe Mohammed V dans la ville de Casablanca par exemple, c’était un triste spectacle de détresse, les gens affluaient et attendaient sur place jusqu’aux premières heures du 9 septembre, ne sachant s’ils pouvaient renter chez eux puisque traumatisés par le séisme lui-même ou rester à l’extérieur en raison du risque d’autres secousses. Ni quel numéro spécial joindre en cas de besoin.
Cette nuit-là, le trafic était digne des heures de pointe dans un quartier comptant des centaines d’immeubles et des dizaines de chantiers de construction qui pouvaient être source de grands risques. Les gens le regard hagard, en état de traumatisme avaient souvent tendance à se rassembler et échanger sur ce qui arrive et sur ce qui va suivre.
En effet, durant les premières minutes, les citoyens pris au dépourvu sont en proie aux informations qui circulaient dans les réseaux sociaux, dont certaines sont erronées, d’autres non vérifiées… Ils vivent un moment de grande solitude et ils sont appelés à prendre des décisions pour leur sécurité et celle de leurs proches. Ce n’est que plus tard que les médias officiels prendront le relais pour informer la population.
C’est ce scénario qu’il faudrait éviter à l’avenir par la mise en place d’un système d’alerte en cas d’événement exceptionnel, un système que le Maroc n’a pas encore ou pas totalement.
La méthode de la vaccination anti-Covid, un début de réponse
Le Maroc n’est pas le seul dans ce cas car une majorité des pays ne possèdent que peu ou pas de systèmes aux capacités opérationnelles dans l’urgence. Encore moins des SAP, les systèmes d’alerte précoce, qui tendent à prévenir les populations avant même que le risque ne survienne pour en réduire les conséquences. D’ailleurs la semaine ayant suivi le séisme d’Al Haouz au Maroc plusieurs test d’alertes ont été rapportés dans des pays européens.
Le cas de l’Allemagne ce 14 septembre à 11h où s’est déroulé un exercice d’alerte avec sirènes déployées, sms envoyés sur les téléphones portables, messages diffusés sur les radios et les télévisions. C’est devenu un rendez-vous chaque deuxième jeudi de septembre depuis 2020.
Si le Maroc n’est pas le seul à ne pas avoir un SAP, notre pays a su développer sa propre méthode de gestion de la crise sanitaire qu’il est tout à fait possible de développer un système d’alerte propre à lui incluant les citoyens dans cette stratégie de lutte contre les catastrophes naturelle et dans la gestion des risques afin d’en réduire les conséquences.
En effet, selon les experts en la matière, si l’intérêt des systèmes d’alerte précoce est de diminuer le risque encouru par une population, amoindrir sa vulnérabilité, il est exigé que le type de système soit adapté au contexte local. Joindre les connaissances scientifiques au savoir local peut contribuer à cibler les besoins réels et faciliter la transmission des connaissances pour l’ensemble des acteurs.
Certes pour le cas Covid, on n’est pas dans la même configuration qu’une catastrophe naturelle, souvent imprévue puisque impossible à anticiper, intervient en quelques secondes, et cause de graves dégâts qui compliquent d’ailleurs les interventions, mais la méthode développée par le ministère de l’Intérieur en partenariat avec le ministère de la Santé est un bon point de départ pour élaborer un modèle conceptuel pour diminuer la vulnérabilité des populations face aux risques.
Il faut remonter donc à la fin de l’année 2020 lorsqu’en pleine crise sanitaire et que les puissances se disputaient les vaccins et les masques, le Maroc préparait déjà sa campagne de vaccination pour les citoyens et les outils aussi bien logistiques que technologiques pour en assurer le bon déroulement.
Pour vous rafraîchir la mémoire, le ministère de l’Intérieur le ministère avait procédé à une collecte des données personnelles des bénéficiaires, la même méthodologie que celle appliquée pour l’élaboration du registre social unifié (RSU), pour identifier la population éligible au vaccin et celle prioritaire.
En plus de la data dont disposait les autorités, le ministère de la Santé avait annoncé la mise en place d’une plateforme de prise de RDV pour la vaccination et un sms (le 1717) pour s’inscrire sur les listes et par la suite un numéro spécial (SuiviCovid) informait quand les doses seront administrées.
Autant dire, que le Maroc dispose déjà d’une grande base de données, qu’il pourra étoffer avec le Recensement général de la population et de l’habitat prévu en 2024.
Cela semble la parfaite opportunité pour générer des données au service d’un SAP qui pourrait également avoir des déclinaisons territoriales selon la cartographie des risques.
Imaginons une seconde qu’un tel système existait durant les pluies torrentielles qui peuvent survenir dans différentes régions. Le cas de Casablanca où un simple sms aurait pu conseiller aux automobilistes de ne pas garder leur véhicules dans les zones et les lieux inondables comme un quartier à risque ou le garage d’un immeuble. Que de tracas administratifs pour les usagers et de millions de DH pour les compagnies d’assurances épargnés !
De manière générale, un SAP est généralement formé de quatre sous-systèmes intégrés indépendamment du type d’aléa : une connaissance du risque, un suivi, prévision et alerte, une communication de l’alerte, et une capacité de réponse. Et c’est cette communication d’alerte qui se pose aujourd’hui avec acuité, pour une réponse intégrée quel que soit le danger.