Face aux défis sociaux, démographiques, économiques et environnementaux, l’Afrique doit aujourd’hui plus que jamais accélérer son industrialisation et développer des filières économiques différenciantes, à avantage concurrentiel, qui lui permettront de financer une transition durable.
Selon les projections des Nations Unies, l’Afrique devrait compter d’ici 2050, 2,5 milliards d’habitants et son PIB devrait passer de 2.900 milliards de dollars en 2022 à 4.700 milliards en 2027 selon le FMI.
Une croissance qui sera irrémédiablement à l’origine de grands défis qui porteront notamment sur : l’énergie, l’urbanisation, le développement de l’industrialisation et la digitalisation des administrations et des politiques publiques. La mise en place de mesures de développement industriel est donc un enjeu de taille pour stimuler l’activité économique et encourager la transformation structurelle.
Cependant, plusieurs questions se posent : Quelle infrastructure numérique doit être mise en place ? Quels sont les nouveaux services et le « business models » à développer ? Quelle utilisation de la donnée publique pour le développement ? Quelles technologies et quelle décarbonation doit être mise en place en Afrique ? Quels modèles de transition énergétique et d’industrialisation ? Quelles solutions innovantes ?…
Pour répondre à ces questions, TNP consultants a organisé le 22 juin 2023 la troisième saison de son programme « les Histoires de demain » sous le thème « Accélérer et financer l’industrialisation durable de l’Afrique ». Un événement qui a réuni de nombreux experts du Maroc, de France, de Mauritanie et de Côte d’ivoire pour débattre autour de trois thématiques clés à savoir : la transition digitale et l’e-gouv, le développement de l’industrie verte en Afrique, la mobilité et les smart cities.
Transition digitale et e-gouvernement
Chantier essentiel pour la vie démocratique, l’e-gouvernement est incontestablement un instrument qui va changer de manière considérable la façon d’adresser les crises globales dans le monde et de fournir des services publics avec plus d’efficience et de transparence vis-à-vis des usagers. La digitalisation des administration et des politiques publiques à travers le développement de l’e-gouvernement permettra une gouvernance transparente des pays et un meilleur pilotage des investissements gouvernementaux et de la stratégie publique.
«L’e-gouvernement est un véritable Game-changer en particulier pour les risques liés aux changements climatiques et l’Afrique reste un laboratoire prodigieux qui a une grande capacité à délivrer de l’innovation et à s’adapter à des contextes complexes. L’e-gouv aura donc toute sa place», a précisé Stéphane Gaudechon, executive VP France Africa et Government Servicaes du Bureau Veritas lors de la première table ronde.
Plusieurs pays ont en effet déjà lancé le chantier de la transition digitale, à titre d’exemple : le Rwanda, le Burkina Faso ainsi que la Côte d’ivoire, la Mauritanie et le Maroc qui a enclenché sa transition dés 2016. Toutefois, pour réussir et accélérer cette transition, Abdel Aziz Dahi, ancien ministre de l’économie et transformation digitale de la Mauritanie, a beaucoup insisté « sur la nécessité de travailler sur la méthodologie, la gouvernance et la conduite du changement notamment au sein des administrations publiques afin d’éviter une nouvelle fracture numérique en Afrique ».
Pour une industrie plus verte en Afrique
Aussi, face aux défis sociaux, démographiques, économiques et environnementaux, l’Afrique doit aujourd’hui plus que jamais accélérer son industrialisation et développer des filières économiques différenciantes, à avantage concurrentiel, qui lui permettront de financer une transition durable tout en intégrant les enjeux climatiques et écologiques, d’innovation et de recherche, de qualité et d’accessibilité. Tel a été l’objet de la deuxième table ronde portant sur le développement de l’industrie verte en Afrique et qui a mis l’accent sur le rôle clé du Maroc dans l’industrialisation du continent.
En effet, comme l’a précisé Bennoit Ranini, président de TNP : « Le Maroc est un champion industriel pour l’Afrique et leader dans la greenification grâce à une politique très forte du photovoltaïque, de l’éolien et de l’hydrogène vert », ce qui lui permet de distancer d’autres pays africains qui n’ont pas encore la maturité, les compétences et les capitaux nécessaires pour accélérer leur industrialisation.
Un constat mis également en avant par Eric Bonnel, conseiller à la Chambre française de commerce d’industrie au Maroc qui a déclaré que le Maroc est le seul exemple en Afrique à avoir une vraie stratégie industrielle et des écosystèmes notamment automobiles, aéronautiques, et également en termes d’infrastructures, comme Tanger Med qui est devenu le 1er port africain et le 23ème au niveau mondial, ce qui a permis au pays de réussir son industrialisation.
Cependant, si le Maroc se hisse en tête de liste, ce n’est pas le cas de plusieurs pays des pays africains où l’industrialisation fait encore défaut.
Aussi, au regard des projections économiques du continent, à savoir une population et un PIB qui vont tripler dans les 30 prochaines années, trois conditions sont nécessaires pour accompagner l’accélération de l’industrie durable africaine, selon Benoit Ranini : une énergie abondante pas chère et verte, la formation de plus d’ingénieurs et de techniciens, et des financements.
Toutefois, ce dernier recommande de trouver un juste équilibre entre une accélération structurelle de l’industrialisation de l’Afrique et sa greenification. Car comme il le précise : « greenifier une industrie coûte plus cher que la construction d’une industrie carbonée. D’où l’importance de créer des centres de recherche et de développement et de nouvelles chaines de valeur qui répondent aux besoins de l’Afrique pour les africains et faire émerger des champions africains qui vont pouvoir porter haut le savoir-faire africain et la vraie puissance industrielle du continent ».
De son côté Brahim Maftah, directeur des transports à la Société Nationale des Transports et de la Logistique (SNTL) insiste sur le fait que l’on ne peut réfléchir à une décarbonation de l’industrie sans prendre en compte la chaine logistique qui représente 15 à 20% des coûts, et sur l’importance de créer des modèles propres et spécifiques à l’Afrique, comme cela a été le cas au Maroc.
Selon lui, il faut également réfléchir sur les nouveaux schémas d’investissements et adopter des standards africains si l’on souhaite accélérer l’industrialisation du continent et notamment l’industrialisation durable, ainsi que des schémas industriels destinées à l’export mais également destinés aux marchés africains.
Hatim Senhaji, directeur général de Maghreb Steel a pour sa part appelé à la création d’un climat d’affaires favorable en Afrique pour attirer les investissements étrangers.
La mobilité et les smart cities, leviers indéniables du développement
Au cours des dernières décennies, l’Afrique a connu d’importants changements sur les plans démographique, urbain et économique. La population africaine a connu une croissance rapide passant d’environ 633 millions en 1990 à plus de 1,3 milliard en 2021.
Parallèlement l’urbanisation s’est accélérée avec un nombre croisant de personnes quittant les zones rurales pour s’installer dans les centres urbains en quête de meilleurs opportunités économiques et d’un meilleur accès aux services. Il est estimé qu’en 2060 plus de 60% de la population africaine sera urbanisée ce qui entrainera une pression sur les infrastructures urbaines et les services publiques, et soulèvera des enjeux de mobilité, de logement, de construction, et d’accès aux ressources (eau potable, énergie…).
Aussi, pour remédier à cette urbanisation rapide, tous les experts réunis autour la troisième table ronde organisée par TNP consultants dans le cadre de la troisième saison du programme « Les histoires de demain » ont insisté sur la nécessité de penser, d’imaginer et de mettre en œuvre les fondamentaux de la ville africaine de demain pour assurer les bons investissements urbains afin de maximiser les effets négatifs.
Et dans ce sens, les smart cities sont selon eux un bon exemple de l’avenir urbain africain de par leur concept et leur fonctionnement.
Plusieurs exemples de pays du continent qui ont déjà commencé à poser les bases de ces villes intelligentes ont été cité en exemple, dont le Maroc comme le rappelle Louis Dubois, avocat à Asafo&co en se référant à Casablanca smart city et aux différentes règlementations et législations mises en place par le pays pour répondre aux enjeux futurs de la mobilité.