Interviewé par Lamiae Boumahrou I
Le retard des pluies commence à inquiéter et met sous pression l’économie marocaine, les agriculteurs, les consommateurs et la tutelle bien entendue. Pour trouver réponses aux questions qui s’imposent dans la conjoncture actuelle, l’équipe de EcoActu.ma est partie à la rencontre de Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts. Invité de l’émission « Hiwar », le ministre s’est prêté au jeu des questions réponses dans l’optique d’éclairer l’opinion publique sur la situation du secteur agricole, pilier de l’économie marocaine.
La pluie se fait toujours attendre. Déjà le mois de décembre et les précipitations ne sont pas encore au rendez-vous. Est-ce les prémisses d’une nouvelle année de sécheresse ? Il est encore tôt pour se prononcer sur la question. Mais ce qui est certain, c’est que ce retard commence à inquiéter et à alarmer Exécutif, agriculteurs, opérateurs économiques et citoyens.
En effet, alors que l’année commençait sur une note positive grâce aux précipitations qui ont atteint depuis le début de la campagne agricole (15 septembre) 51 mm ce qui a encouragé les agriculteurs à semer les terres, l’enthousiasme d’une bonne campagne agricole a laissé place à l’attentisme. Depuis le 10 novembre, plus de pluie.
Quels risques du retard des précipitations sur la campagne agricole 2023-2024 ? Quels risques sur les prévisions de croissance ? Quels risques sur le niveau de vie des Marocains ? Quels risques sur la hausse des prix des produits agricoles ? Quelles sont les mesures mises en place par la tutelle pour atténuer l’impact de cette conjoncture aussi bien sur les citoyens que sur l’économie ? Quel est l’impact du démarrage de la réforme de la décompensation sur le secteur agricole et sur les prix ?
Autant de questions que nous avons posées à l’invité de l’émission « Hiwar » de EcoActu.ma, Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts.
Dans cette interview, le ministre est revenu sur le contexte actuel et ses répercussions sur le secteur agricole. « Nous sommes encore dans un contexte difficile et historique de polycrises qui impacte le secteur agricole de manière globale. Depuis l’année dernière, l’inflation a atteint toutes les chaînes de valeur du secteur agricole », a-t-il précisé.
Les 51 mm de pluies tombées durant environ 1 mois du lancement de la campagne représentent seulement 34% des besoins d’une année normale (moyenne des 30 dernières années). C’est pourquoi le retard des précipitations commence à peser notamment sur les agriculteurs qui ont semé environ 900.000 hectares.
Interpellé sur les mesures prévues par la tutelle pour atténuer l’impact sur l’économie et le marché, le ministre a affirmé qu’à condition exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Ainsi, le ministère de l’Agriculture a prévu des mesures supplémentaires, que M. Sadiki a qualifié d’historiques et d’exceptionnelles. Parmi ces mesures, celles relatives à la baisse des coûts de production afin de réduire le prix de vente des produits au consommateur finale.
Pour les semences, le ministre a souligné que l’Etat va subventionner à hauteur de 30%, 1,1 million de quintaux dont 50% ont déjà été vendues. « Cette subvention va concerner, pour la première fois dans l’histoire du secteur agricole marocain, 3 cultures maraîchères à savoir la tomate, la pomme de terre et les oignons. Ces produits seront subventionnés à hauteur de 50% », nous a confié le ministre.
Pour les engrais azotés, l’Etat va subventionner à hauteur de 2 Mds de DH la totalité du volume des engrais azotés importés et utilisés dans l’agriculture marocaine soit 500.000 tonnes. Cet appui permet d’atténuer l’impact de la hausse du prix de ces engrais à l’international ayant augmenté, l’année dernière, de 5 fois.
Les filières animales ont également été appuyées avec une nouvelle approche de la subvention basée sur l’augmentation du volume et sur un guichet ouvert accessible à tous les agriculteurs. Seule condition, selon le ministre, le bénéficiaire doit être agriculteur ou éleveur.
Parallèlement à ces mesures d’aide directe pour faire face à cette situation exceptionnelle, le ministère maintient sa stratégie d’encouragement à l’investissement aussi bien à travers le Fonds de développement agricole que l’agriculture solidaire plus destinée aux petits et moyens agriculteurs.
Quid de la hausse des prix des produits agricoles ?
Lors de cette interview nous avons également interpellé le ministre sur un sujet qui préoccupe tous les Marocains à savoir la hausse des prix des produits agricoles notamment sur les mesures pour maîtriser les fluctuations qui ne sont pas uniquement dues à la pluie mais également à d’autres facteurs pour ne citer que les intermédiaires, les transporteurs et les exportations.
Le ministre a précisé que la maîtrise des prix des produits agricoles figure parmi les priorités de son département qui a mis en place des mesures qui interviennent dans la maîtrise des coûts de production.
« 8 Mds de DH ont été dépensés pour réduire les coûts de production et par conséquence maintenir les prix des produits à des niveaux acceptables. Toutefois, il y a des chocs, notamment la hausse des températures en août, qui ne sont pas prévisibles et qui impactent d’une manière ou d’une autre les prix », a-t-il expliqué.
Concernant les intermédiaires, le ministre a confirmé qu’il y a un travail à faire à ce niveau pour rendre la chaîne de commrcialisation plus transparente et moins coûteuse. « Il n’est pas normal que le circuit de commercialisation des produits agricoles coûte plus cher que le coût de production », a-t-il noté.
Pour remédier à cette situation, la tutelle ainsi que tous les autres départements concernés par cette question, travaillent sur l’organisation du circuit de la commercialisation. Cela permettra de mettre fin à l’anarchie et de mieux contrôler et organiser les intermédiaires.
D’autres sujets ont été abordés notamment la décompensation, la souveraineté alimentaire, les stratégies agricoles, l’investissement dans le secteur…, que vous retrouverez dans l’intégralité de l’entretien accordé par le ministre à EcoActu.ma dans l’émission Hiwar.