Lors du précédent entretien, l’économiste Omar Bakkou nous a présenté les principales propositions de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement (CSMD) pour favoriser le développement de quatre principaux secteurs, à savoir l’économie bleue, l’économie verte, le numérique et la logistique.
Dans le présent entretien, Omar Bakkou revient sur les propositions de la CSMD concernant deux autres importants secteurs, à savoir le tourisme et l’agriculture.
Quelles sont alors les principales propositions émises par le rapport de la CSMD pour développer le secteur du tourisme ?
Le tourisme occupe une place importante dans l’économie nationale, il représentait 7% du PIB et plus de 550 000 emplois directs en 2019.
Cette place pourrait être renforcée davantage, selon le rapport sur le NMD, et ce, au regard de deux principales considérations.
La première réside dans le potentiel important de l’offre touristique du Maroc.
La seconde réside dans le potentiel important de la demande touristique (nationale et internationale).
Pour la réalisation de cet objectif, le rapport sur le NMD prône l’adoption d’une multitude de mesures.
Ces mesures peuvent être scindées en deux catégories : celles visant à promouvoir l’offre et celles visant à promouvoir la demande.
Quelles sont les propositions visant le développement de l’offre touristique ?
Pour favoriser le développement de l’offre touristique, la CSMD suggère l’activation de trois principaux leviers :
-La diversification de l’offre touristique ;
-Le soutien à l’entrepreneuriat dans les services touristiques ;
– La favorisation de l’innovation et de la digitalisation du secteur.
Diversification de l’offre touristique, comment ?
La CSMD suggère la diversification de l’offre touristique nationale ( le tourisme culturel, sportif, médical, écologique, etc.) et également l’ amélioration de la qualité de cette offre.
Cet objectif pourra être réalisé par le biais de trois principales actions d’envergure .
La première action consiste dans la réorientation d’une partie des incitations vers l’appui au développement des services d’animations touristiques.
La deuxième action consiste dans le renforcement de la valorisation du patrimoine culturel, musical, historique et naturel dans tous les territoires.
La troisième action consiste dans l’initiation d’une étroite coordination entre l’ensemble des acteurs concernés par le secteur du tourisme (centraux et territoriaux), à travers la mise en place d’une taskforce au niveau de l’exécutif.
Et quelles sont les propositions de la CSMD en matière de soutien à l’entreprenariat dans les services touristiques ?
La CSMD suggère le soutien à l’entrepreneuriat dans les services touristiques et animations touristiques particulièrement les TPME à portée locale.
Cet objectif doit être réalisé à travers la réalisation d’une multitude d’actions, notamment :
-l’accompagnement technique et financier adapté à ces acteurs,
-la mise en relation desdits acteurs pour faire émerger des offres intégrées (hébergement, activités…etc.),
-l’élaboration d’un plan de formation spécifique aux nouveaux métiers du tourisme en faveur de leur professionnalisation.
Quid de la digitalisation ?
La CSMD suggère de favoriser la digitalisation et l’innovation dans le secteur afin d’appuyer la conception de nouvelles offres et leur intégration dans les nouveaux canaux de commercialisation, notamment sur les grandes plateformes.
Quid des propositions visant la dynamisation de la demande touristique ?
Pour la dynamisation de la demande touristique interne, le NMD a émis deux principales propositions :
– L’instauration de la régionalisation des vacances scolaires ;
-Le renforcement des campagnes promotionnelles pour inciter les touristes nationaux à découvrir de nouvelles destinations locales.
Quelles sont les principales propositions émises par le rapport de la CSMD pour développer le secteur de l’agriculture ?
Le secteur agricole occupe une place importante dans l’économie nationale, au vu de sa contribution au PIB et à l’emploi.
Cette place devrait être renforcée, selon le rapport sur le NMD, en tenant compte des nouveaux enjeux stratégiques qui entourent ce secteur.
Ces enjeux résident dans l’obligation de conciliation entre deux contraintes à priori contradictoires.
Ces contraintes concernent les deux principales composantes de la politique agricole, à savoir les objectifs de cette politique et les modalités de sa mise en œuvre .
Quelles sont les contraintes majeures qui pèsent sur les objectifs de la politique agricole ?
Les contraintes majeures qui pèsent sur les objectifs de la politique agricole sont de deux ordres.
La première contrainte est d’ordre sécuritaire.
Cette contrainte réside dans l’obligation d’assurer la sécurité alimentaire des Marocains.
Cette obligation devient urgente dans un contexte mondial marqué par la survenance de chocs permanents menaçant pour la disponibilité des produits alimentaires de base.
S’agissant de la seconde contrainte, elle est d’ordre disons « développementaliste ».
Cette contrainte réside dans la nécessité de consolider les bases d’une agriculture moderne orientée vers l’export.
Cette nécessité devient indispensable dans un contexte mondial marqué par le développement d’une demande pour des produits agricoles et agro-industriels à forte valeur ajoutée.
Quelles sont les contraintes majeures qui pèsent sur les modalités de mise en œuvre de la politique agricole ?
La contrainte contradictoire majeure réside dans l’obligation de conciliation entre la productivité et la durabilité.
Quelles sont alors les propositions pour relever les défis que vous venez de citer ?
Pour relever ces défis, le rapport sur le NMD prône l’adoption d’une politique de valorisation du secteur agricole s’articulant autour d’une « stratégie intégrante ».
Qu’est-ce que vous entendez par stratégie intégrante ?
La stratégie suggérée est qualifiée d’intégrante pour une principale raison.
Cette raison réside dans ce que cette stratégie doit être abordée selon une approche de gouvernance fondée sur la coordination stratégique et opérationnelle.
Cette coordination doit concerner les départements étatiques et les composantes de la filière agricole.
Les départements agricoles étatiques englobent ceux chargés de l’agriculture, l’industrie, l’eau, la recherche scientifique, la formation professionnelle, ainsi que les territoires.
Quant aux composantes de la filière agricole, il s’agit de toute la chaîne de valeur des filières agricoles de l’amont à l’aval.
Concrètement cela doit déboucher sur la conception de modèles coopératifs et d’agrégation visant le renforcement de la complémentarité et de l’intégration entre opérateurs des secteurs agricoles, agroindustriels et ceux relevant des circuits de commercialisation (conditionnement, marchés, plateformes, stockage frigorifique, etc.).
Mis à part ces aspects de forme, quelles sont les propositions concrètes émises par le rapport de la CSMD pour le développement du secteur agricole ?
Le rapport de la CSMD suggère bon nombre de recommandations pour la valorisation du secteur agricole.
Ces recommandations visent, en définitive, à agir sur les trois principaux déterminants de la production agricole à savoir le capital, le travail et le processus de production.
Quelles sont les propositions pour le développement du capital ?
Le rapport sur le NMD a émis trois principales recommandations à ce titre.
La première consiste dans l’intensification des efforts visant le renforcement des capacités des petites exploitations, notamment à travers le regroupement et l’agrégation.
La seconde consiste dans la promotion d’outils de financement accessibles et adaptés destinés aux écosystèmes agricoles.
La troisième consiste dans la mobilisation des technologies les plus avancées en matière d’économie d’eau.
Quid des propositions visant la valorisation du capital humain?
Le rapport sur le NMD prône les deux principales recommandations suivantes :
– La première consiste dans le renforcement des compétences humaines des agriculteurs.
Cet objectif doit être réalisé à travers l’encouragement et la territorialisation de la formation supérieure et professionnelle dans les métiers connexes à l’agriculture et l’agro-industrie.
-La seconde consiste dans l’amélioration des conditions de vie des agriculteurs.
Cet objectif doit être réalisé à travers la facilitation de l’accès à la protection sociale généralisée et l’amélioration des infrastructures rurales.
Et quelles sont les propositions pour l’optimisation des processus de production ?
Pour l’optimisation des processus de production agricole, le rapport sur le NMD prône les trois principales recommandations suivantes :
La première consiste dans l’élargissement de l’accès aux procédés de production innovants qui permettent d’améliorer les rendements, à travers une agriculture de précision.
La seconde consiste dans le renforcement de la recherche et l’innovation dans le domaine agricole et agro-industriel.
La troisième consiste dans la facilitation de l’accès aux intrants agricoles adaptés (semences climato résilientes, fertilisation intelligente et raisonnée, préservation des variétés locales adaptées, etc.).