Ecrit par I. Bouhrara |
Quel avenir pour l’industrie automobile au Maroc dans un contexte mondial en forte évolution avec de nouvelles tendances mondiales marquées par un durcissement des réglementations environnementales mais aussi avec une concurrence de pays voisins qui ont emprunté le même modèle ?
L’Institut Royal des Etudes stratégiques (IRES) s’est livré à l’exercice d’analyser les pistes d’avenir des métiers mondiaux du Maroc (MMM) dont celui de l’automobile, avec comme objectif d’explorer leur avenir à l’échelle internationale et d’en cerner les enjeux pour le Royaume, ainsi que d’identifier de nouvelles chaînes de valeur mondiales/régionales, auxquelles le Maroc pourrait s’y intégrer à moyen et long terme.
Mais également de proposer des actions opérationnelles pour y parvenir. Et c’est un véritable diagnostic que livre l’étude de l’IRES qui relève que le Maroc se positionne comme étant un pays « Best Cost ». Tout en notant une remontée progressive de la chaîne de valeur à travers le développement des produits finis, l’IRES révèle un manque de compétences et de personnel qualifié et de financement.
Par ailleurs, on souligne que les marques installées ne sont pas bien intégrées dans les nouvelles chaînes de valeur technologiques et sur le plan de la compétitivité, le Maroc affiche un déficit d’attractivité.
Pour affiner son diagnostic, l’IRES a élaboré un benchmark avec la Turquie et le Mexique.
Pour le premier pays, l’analyse montre l’existence d’opportunités de ventes sur le marché local et des réallocations des ressources vers des branches nouvelles.
Par ailleurs, la Turquie déploie une véritable stratégie de soutien aux petites et moyennes entreprises dans le domaine de l’innovation.
La destination se caractérise par sa compétitivité à travers la qualité de la main d’œuvre, les infrastructures, avantages fiscaux et subventions aux entreprises et le respect des normes internationales. Aussi, la qualité des institutions se manifeste-t-elle à travers une stratégie de montée en gamme basée sur le transfert de technologie.
Pour le cas mexicain, le secteur automobile profite d’une véritable promotion de la recherche & développement et exige le transfert de technologie.
Le pays s’informe sur les marchés et les partenaires potentiels pour bénéficier des redéploiements industriels. Afin d’assurer une montée en puissance de son secteur automobile, le Mexique a renforcé le capital humain pour attirer les investisseurs du secteur et a développé le marché domestique pour augmenter la résilience aux chocs extérieurs.
Ce benchmark fait, le Maroc doit, pour se différencier des destinations concurrentes, également prendre en considération les tendances lourdes sur le marché mondial et qui se caractérisent par une baisse des coûts de production et une sophistication de la construction des véhicules ; personnification ; digitalisation ; Intelligence artificielle.
On note également une accélération des investissements dans les chaînes d’approvisionnement et chaînes de valeur régionales. Sans oublier les exigences environnementales qui ont imposé un changement de paradigme de la mobilité (voiture hybride et autonome) et que le Maroc ne doit pas perdre de vue.
Un tel contexte, le Maroc continue de présenter des atouts certains notamment la présence d’un grand nombre d’acteurs internationaux et nationaux ; une position géographique stratégique ; des infrastructures de connectivité et d’accès au marché, un cadre réglementaire favorable, des coûts de production parmi les plus faibles au niveau mondial, et une position concurrentielle favorable quant au durcissement réglementaire lié à l’aspect environnemental.
Néanmoins, son capital humain se caractérise par un nombre de diplômés élevé mais qui manque de formation pratique. La faiblesse de la Recherche & Développement diminue également l’attractivité du Maroc.
Cela dit, l’augmentation du coût de la main d’œuvre en Asie, permet potentiellement au Maroc d’attirer des usines automobiles de grande capacité avec des possibilités de montée en gamme.
A contrario, de nouveaux pays peuvent concurrencer le Maroc dans le créneau « Low cost » de la chaîne de valeur mondiale. Le Maroc abrite essentiellement des industriels historiques qui vont se convertir pour faire face à la concurrence en adoptant des stratégies de création-destruction, souligne l’IRES.
Quel scénario d’avenir pour l’industrie automobile au Maroc ?
En tout état de cause, le Maroc devra continuer à développer l’attractivité globale comme choix de localisation ; renforcer sa capabilité technologique, d’innovation et de recherche appliquée. Le Maroc doit user de son cadre réglementaire favorable et de sa stratégie des énergies renouvelables pour répondre aux exigences environnementales.
Mais des choix s’imposent. Le Maroc maintiendra-t-il une position forte de destination Best Cost ou bien opérera-t-il une montée en gamme dans le secteur automobile mondial ?
Pour l’IRES, le Royaume doit redéfinir sa position sur la chaine de valeur mondiale automobile, en développant notamment des écosystèmes des batteries électriques.
Aussi, le pays devra-t-il favoriser le développement des énergies renouvelables pour contourner la taxe carbone et de ce fait relocaliser des ressources vers des branches nouvelles.
Ce qui passe inéluctablement par une formation des ressources humaines dans les nouvelles activités. S’impose ainsi l’impératif de renforcement du capital humain à travers le soutien des instituts de formation et l’implication des entreprises du secteur.
L’IRES propose également de mettre en place une veille permanente, d’allouer un budget conséquent pour la recherche & développement. Mais également de soutenir les petites et moyennes entreprises et les Start-up dans le domaine de l’innovation, tout en développant la coopération entre les grands groupes étrangers.
Bien évidemment le tout doit être contenu dans une stratégie claire de montée en gamme basée sur le transfert de technologie et de savoir pour passer de la sous-traitance à la fabrication de produits de grande valeur ajoutée et par ricochet augmenter le taux d’intégration industrielle locale.
Par ailleurs, et à l’instar de la Turquie et le Mexique, le Maroc gagne à diversifier le marché d’exportation et d’approvisionnement en mettant à profit les redéploiements industriels des grands groupes en jouant la carte de la compétitivité par l’amélioration de la qualité de la main d’œuvre, des infrastructures, des avantages fiscaux, des subventions aux entreprises et du respect des normes internationales techniques et sociales.
Et pourquoi pas redéfinir, réviser et multiplier les accords de libre-échange. Et pour une résilience également aux chocs externes, le développement du marché domestique est un élément qu’il faut développer à l’avenir.
Les acquis du Maroc dans ce secteur sont très importants, qu’il faut les consolider avec une bonne capacité d’anticipation des tendances actuelles et futures.