Ecrit par Imane Bouhrara I
L’informel a toujours été prépondérant dans l’économie marocaine mais au lieu de se résorber sous le coup de mesures ou du moins par le vœu exprimé des autorités publiques, le phénomène se développe davantage. Et certaines mesures douanières contenues dans la LF 2024 risquent de favoriser davantage les circuits souterrains, au détriment des acteurs du formel. Le secteur privé pris dans l’étau de la pression fiscale et le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, déplore un jeu économique biaisé et une compétitivité mise à mal.
C’est toujours la même rengaine. À l’heure de dresser des bilans et de dévoiler les chantiers à venir, la lutte contre l’informel est toujours présente… depuis plusieurs décennies. Même si l’on admet qu’il existe une démarche progressive de la formalisation du travail et d’intégration dans le formel, cela commence à faire très lent et trop long.
D’ailleurs, la persistance, voire la progression du phénomène, est une réelle aberration pour une économie qui tend à devenir émergente, l’informel biaisant les règles de jeu économique pénalisant à la fois les acteurs locaux que repoussant les investisseurs, et pour un État qui aspire être social, l’informel ne garantissant aucune protection ni filet social pour les travailleurs.
«L’informel, on le vit depuis toujours mais là il va falloir atténuer. Si on voit le phénomène se développer, c’est qu’il y a un problème. D’un autre côté, la pression fiscale est subie par les mêmes entreprises, puisque 2% payent 80%. On comprend que pour l’État, il va falloir des ressources pour financer ses projets, mais pour cela il faut élargir l’assiette fiscale et intégrer l’informel avec les mesures nécessaires de mise en confiance et qu’aiguiser l’intérêt économique du formel. C’est le travail que nous demandons », estime Chakib Alj, le président de la CGEM. Pour lui, il n’est plus question de reporter la résolution de ce phénomène rampant.
Intervenant lors d’une conférence consacrée à la LF 2024, il donne l’exemple de la hausse des droits d’importations de certaines produits comme les smartphones.
« En matière douanière, si la baisse des droits de douane de 40 à 30% pour un ensemble de produits, demandée par notre Confédération depuis un certain temps, a été saluée et accueillie par tous, nous avons estimé que l’augmentation de la TIC et des droits de douane de 2,5% à 30% pour un ensemble d’autres produits, n’avait pas de pertinence économique puisqu’elle ne fera que renforcer l’informel au lieu de l’intégrer. Nous avons donc milité et réussi à limiter ces effets pour un ensemble de produits, mais des distorsions persistent », soutient Chakib Alj.
« L’informel est un sujet délicat parce qu’il y a un côté social, donc il faut une démarche progressive, mais ce qui est inquiétant c’est que le phénomène progresse », déplore le président de la CGEM.
Pour sa part, Mehdi Tazi, le vice-président de la CGEM précise que « le petit informel social ce n’est pas notre objectif mais c’est l’informel structuré qui refuse de s’acquitter des impôts, et qui constitue une concurrence déloyale pour les entreprises formelles et les emplois formels. À un moment, c’en est de trop et je citerais un passage d’un discours de Ahmed Chami lors des journées de l’industrie, il faut respecter la loi. L’informel n’est pas légal, pas juste envers les autres contribuables ».
La crainte ce n’est pas tant l’obstination de l’informel à échapper aux filets économiques et sociaux ni que la LF accentue quelques faits pervers, mais de voir la pression exercée sur le formel s’accentuer.
Et c’est justement ce qui a été relevé par le secteur privé pour cette LF 2024 avec la Solidarité en matière de TVA. Une disposition qui a créé un vent de panique puisque la disposition laissait à la DGI la libre appréciation d’une fraude à la TVA, et fort heureusement des modifications ont été apportées et une circulaire détaillée va préciser les cas et la décision définitive doit être prise pas un tribunal.
Et là encore l’entreprise gardera la possibilité de régulariser sa situation, la solidarité n’est active que si l’entreprise se désolidarise.
Ce type de tour vis a déjà été à l’origine notamment d’une migration en sens inverse, du formel vers l’informel, tellement les charges sur les mêmes contribuables ne cessent de peser, dans un contexte qui n’est pas des plus faciles.
Le cas de la volte-face sur le statut de l’autoentrepreneur de la LF 2022, OTRAGO avait d’ailleurs souligné dans son dernier rapport la migration massive d’un grand nombre, plus de 600.000 bénéficiaires du système d’auto-entrepreneur, vers l’économie informelle, dans l’espoir d’obtenir un accès gratuit aux programmes de protection sociale, particulièrement face aux mesures fiscales prises par le gouvernement à l’encontre de cette catégorie.
Une politique fiscale plus efficace, à même de permettre la mobilisation de ressources supplémentaires, dont le potentiel est estimé entre 2 et 3% passe par l’amélioration de l’équité fiscale, l’élargissement de l’assiette fiscale, l’intégration du secteur informel, sans oublier l’optimisation des dépenses fiscales au sens large, notamment les niches d’exonération fiscales qui ne sont plus justifiées.
Aujourd’hui c’est encore loin d’être le cas, au grand dam du secteur privé.
1 comment
POUR UNE REELLE EQUITE FISCALE LE REGIME FISCAL FORFAITAIRE DOIT ETRE SUPPRIME.POUIR L INFORMEL IL FAUT COMBATTRE LES VENTES PAR INTERNET, LES MARCHANDS AMBULANTS ET C’EST FACILE A REALISER CAR SEUL LE GOUVERNEMENT PEUT LE FAIRE SI IL LE VEUT