Ecrit par Lamiae Boumahrou |
La problématique de la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) a fait l’objet d’une table ronde organisée par le FMI et Bank AL Maghrib. Bien que l’émission de cette monnaie soit inévitable, beaucoup reste à faire.
La Monnaie Numérique de Banque Centrale est de plus en plus au centre des discussions internationales eu égard aux contraintes que cette problématique suscite dans un marché monétaire en pleine mutation.
Plus que jamais les banques centrales sont appelées à s’adapter aux changements qu’impose le contexte actuel. Bien que l’émission de MNBC soit inévitable, l’implication de toutes les banques centrales dans ce chantier est impérative pour relever tous les défis. Les banques centrales africaines sont également appelées à s’inscrire dans ce changement.
C’est l’un des constats relevés en marge de la Table ronde de haut niveau sur les Monnaies Numériques de Banque centrale (MNBC) organisée ce lundi 19 juin à Rabat sous le thème « Rôle du secteur public dans la monnaie et les paiements-Une nouvelle vision ».
Organisée par le Fonds Monture International (FMI) et Bank Al Maghrib, cette table ronde s’inscrit dans le cadre des activités programmées dans la perspective des Assemblées Annuelles du FMI et de la Banque Mondiale qui auront lieu cette année à Marrakech.
Concernant l’intérêt que suscite cette problématique, Abdelatif JOUAHRI, Wali de Bank Al-Maghrib, a précisé qu’il s’agit du reflet de la proactivité et de la capacité des banques à s’adapter aux mutations et aux changements de paradigmes qui marquent leur environnement.
« Si au lendemain du lancement du Bitcoin, plusieurs régulateurs avaient adopté une attitude prudente, les banques centrales ont rapidement compris que le statu quo n’est plus une option si elles veulent préserver leur rôle central d’Emetteur de la monnaie. L’ambition était aussi d’explorer les opportunités qu’offrent les innovations technologiques et de les mobiliser au service de leurs missions tout en appréhendant les risques dont elles sont porteuses », a-t-il rappelé.
Le Wali de BAM a souligné que malgré les réflexions menées sur l’émission de MNBC et les travaux qui se sont vite accélérés avec l’implication d’organisations internationales comme le FMI ou la BRI (Banque de règlements internationaux) ou encore la constitution de groupes de réflexion Adhoc réunissant des banques centrales et d’autres institutions financières, plusieurs questions fondamentales persistent.
« Des questions fondamentales, notamment sur les apports de la MNBC et sur ses impacts sur les missions fondamentales des banques centrales, restent toujours objet de débat. Il va sans dire à cet égard que les motivations et les défis d’une MNBC diffèrent d’un pays à l’autre, en particulier entre les économies avancées d’un côté et celles émergentes et en développement de l’autre », a-t-il souligné.
C’est le cas du continent noir où plusieurs banques centrales sont soit en phase de réflexion (grande majorité) soit bien avancées dans l’exploration des MNBC.
Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, a précisé de son côté que ses discutions avec A. Jouahri en marge de cette table ronde ont porté sur les MNBC en Afrique.
« Nous sommes convenus de la nécessité de poursuivre le dialogue sur la MNBC et de rassembler et partager les connaissances et les informations au profit de nos pays membres en Afrique, au Moyen-Orient et au-delà. Nous avons également souligné l’intérêt de renforcer nos efforts de coordination sur les liens entre la numérisation, la fintech et la réforme économique », a-t-elle précisé.
Selon Kristalina Georgieva, les MNBC pourraient contribuer à accroître l’inclusion en permettant à un plus grand nombre de personnes d’accéder aux services financiers, et ce à moindre coût, à renforcer la résilience et l’efficacité des systèmes de paiement, et à rendre les paiements et les envois de fonds transfrontaliers moins coûteux et plus rapides.
A condition qu’elles soient bien conçues car les MNBC pourraient entraîner des risques pour la stabilité financière, des problèmes juridiques et de confidentialité des données, des risques pour l’intégrité financière et des cyber-risques, ainsi que des risques opérationnels pour les banques centrales.
Le FMI qui est mandaté pour veiller à ce que la monnaie numérique, y compris les MBC, favorise la stabilité économique et financière à l’échelle nationale et internationale, veille sur plusieurs considérations. Le but étant d’éviter les risques de substitution de devises et de volatilité des flux de capitaux en cas d’accès facile aux MNBC.
Où en est le Maroc dans la MNBC ?
Pour le cas du Maroc, pays en développement, la réflexion autour du développement d’une banque centrale numérique ne peut être étrangère à ce que vont devenir les missions fondamentales de la Banque centrale qui sont la politique monétaire, la stabilité monétaire, les moyens de paiement… C’est ce qu’a précisé A. Jouahri en rappelant qu’un comité de réflexion a été mis en place en 2021.
La Maroc est donc encore en phase de réflexion et d’étude de cette voie de transition imposée par les changements de paradigme et les innovations technologiques. « Autrement la fracture numérique et digitale entre pays développés et ceux en voie de développement va s’élargir davantage », a rappelé le Wali de BAM en rajoutant qu’étant donné qu’il s’agit d’une problématique mondiale, il faut que le début de la solution soit mondial.
Les règlements doivent par conséquent être élaborées avec la participation de tous.