A l’occasion de la rencontre de Euler Hermes tenue le 28 novembre sur les perspectives mondiales, un panel a été consacré au nouveau modèle de développement économique du Maroc et les principaux leviers à activer pour démarrer l’émergence du pays à partir de 2020.
Faisant partie des intervenants, Dounia Taarji, nommée en février dernier par le Souverain, présidente du Directoire du Fonds Hassan II a fait le focus sur le faible impact des investissements sur la croissance économique, une décorrélation qui ne cesse de tarauder les esprits même des plus avertis. C’est pour dire que le Maroc souffre d’un sérieux problème à savoir l’efficacité de l’investissement public. D’après Dounia Taarji, il s’agit d’un dysfonctionnement auquel il faut remédier de telle sorte que tout DH investi se traduit par une création de l’emploi voire un impact perceptible sur la société en matière de création de richesses. Comment y parvenir ? C’est la question centrale qu’il faut se poser et qu’il est impératif de prendre en considération dans notre nouveau modèle économique.

Source : PLF 2020
L’aménagement territorial, un levier pour le Maroc
De prime abord, il est utile de rappeler que l’investissement public se fait massivement dans l’infrastructure comme en attestent les chiffres qui vont crescendo. Au risque de jeter le bébé avec l’eau de bain, il est à rappeler que l’infrastructure, bien qu’elle coûte trop cher à l’Etat, sert le développement économique. Toutefois, l’impact en matière d’aménagement de territoire ne se ressent que dans le long terme. On n’a cesse de dire : nous avons d’un côté le centre Casa-Rabat qui concentre l’essentiel de la production de richesses, de l’économie et de la population et de l’autre côté, un Maroc insuffisamment irrigué et connecté et du coup, qui a beaucoup de difficultés à trouver sa place, à créer de la valeur et à s’insérer dans le circuit économique.
Autrement dit, l’un des principaux leviers est vraiment une territorialisation effective sur le plan de la création de richesses, d’opportunités d’emplois et d’attractivité pour que les populations puissent se déplacer d’un territoire à un autre pour se former, s’éduquer, se soigner… le but est in fine de se retrouver avec des territoires créateurs de valeur et de richesses pour tout le Maroc. C’est tout l’enjeu aujourd’hui.
La répartition équitable est indispensable pour le développement économique, dans le cas contraire, elle est source de tensions avec toutes les conséquences qui en découlent. On ne peut continuer à parler éternellement de l’autre Maroc qui souffre des méandres de la pauvreté et de l’exclusion.
L’entreprise, acteur important du système
A côté de la politique des territoires et son rôle dans le développement économique, il y a un énorme sujet qui n’est autre que l’entreprise, principal créateur de richesses. En dehors de la confiance, du manque de visibilité, du problème de financement, de la quête des bons profils, des débouchés à l’export…, des contraintes sur lesquelles bute le chef d’entreprise au quotidien, il est important que ce dernier accepte de se remettre en cause. Il doit être conscient que la période d’un monde des affaires protégé par des barrières et des situations de rente est bien révolue. Dans une époque très lointaine, il était facile d’être un chef d’entreprise et de gagner rapidement de l’argent. Le monde a complètement changé, le Maroc à son tour s’est ouvert sur des horizons très lointains et les règles de jeu ne sont plus les mêmes.
Vaille que vaille, il faut aider l’entreprise, l’accompagner par des simplifications au niveau administratif, des clarifications des règles de jeu… Aussi est-il important que le chef d’entreprise accepte de se remettre en cause, de prendre de risques.
Le troisième élément à ne pas perdre de vue dans le nouveau modèle de développement, c’est l’élément humain qu’il faut mettre en avant par la formation, l’éducation et l’encadrement. C’est à travers cela que nous pouvons transformer notre pays et gagner la bataille. Comme l’a si bien dit l’économiste Jean Bodin: « Il n’est richesse que d’hommes ».
Le financement, ce talon d’Achille
En passant en revue les trois leviers à actionner pour un nouveau modèle de développement économique, la problématique de financement s’est imposée d’elle-même. C’est une problématique qui a cristallisé les débats dans les différents forums au cours des dernières semaines et plus précisément depuis le discours du Souverain où il exhorte le secteur bancaire national à un engagement plus ferme, à une implication positive plus vigoureuse dans la dynamique de développement.
Au moment où les entreprises se plaignent du financement bancaire, les établissements de crédit répondent à leur tour que les entreprises qui viennent les voir ne présentent pas de dossiers bancables. C’est pour dire qu’il y a un vrai sujet de mise à niveau de l’entreprise par rapport aux exigences de la banque.
Un décalage qui illustre bien notre Maroc pluriel. Nous avons un secteur bancaire de très haute qualité qui faut-il reconnaître a montré sa résilience à un certain nombre de crises, mais qui en interne ne joue pas le jeu et ne prend pas le risque qui est l’essence même de son métier et ce pour moult raisons.
« Le système bancaire tiré aujourd’hui par des règles prudentielles, réglementaires et d’éthique (contre le blanchiment, le terrorisme, la fraude fiscale…) se retrouve face à un secteur entrepreneurial à plusieurs vitesses (informel, plusieurs bilans, fraude fiscale…). D’où le décalage existant entre l’entreprise et la banque », annonce D. Taarji. Donc pour remédier aux difficultés de financement, il y a la nécessité de mise à niveau des entreprises pour se conformer aux règles qui sont imposées aujourd’hui plus que jamais aux banques.
Parce que si les banques à capitaux étrangers s’y sont mises bien avant en respectant la réglementation de la maison-mère, celles à capitaux marocains subissent régulièrement la pression de BAM.
Mais cela n’empêche qu’il doit y avoir de la part l’Etat et particulièrement de la Caisse Centrale de Garantie un effort continu d’accompagnement des entreprises pour les mettre à niveau aux exigences du système bancaire.