Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Après le groupement des pétroliers du Maroc (GPM) qui avait adressé un courrier au Wali de BAM, c’est au tour du gouvernement d’appeler les banques marocaines à trouver des solutions pour faciliter l’achat du pétrole russe. Une position qui interpelle à plusieurs titres. Analyse.
L’importation du pétrole russe continue de susciter le débat. Et pour cause, en raison de la crise Ukraino-Russe et ses répercussions notamment les sanctions infligées à la Russie par les occidentaux, l’importation du pétrole russe est soumise à des conditions notamment de plafonnement des prix par l’Union européenne.
Cette dernière a fixé le prix du baril du pétrole raffiné à 100 dollars et 60 dollars le pétrole brut. Et bien que le Maroc n’y soit pas directement concerné par ces sanctions, les banques marocaines ont préféré jouer la carte de la prudence.
En effet, les importateurs se sont retrouvés face à un système bancaire qui s’est infligé des mesures de prudence dans ses relations avec la Russie.
Preuve en est, le courrier (que EcoActu.ma a consulté) adressé le 5 mars par le Groupement des pétroliers du Maroc (GPM) au Wali de Bank Al Maghreb l’appelant « à intervenir auprès des banques marocaines afin de trouver des solutions pour le règlement des flux d’importation en prévenance de la Russie ».
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Une requête qui, selon le GPM, permettrait au marché marocain de disposer de conditions financières intéressantes qui pourraient se répercuter sur les prix à la pompe.
Pour mieux comprendre les enjeux de ce courrier (auquel BAM n’a pas encore donné suite selon des banquiers que nous avons sollicité) et contrairement à ce que beaucoup croient, tous les pétroliers marocains ne peuvent pas importer du pétrole russe à cause de la position des banques marocaines. Une position non officielle certes mais dans la pratique, les importateurs ne peuvent pas effectuer d’opération pour payer les producteurs russes.
Sur le marché des hydrocarbures marocain, seul Vivo energy (Shell) est en mesure d’importer du pétrole russe grâce son réseau international qui lui permet de le payer sans passer par les banques marocaines. Vivo qui s’approvisionne directement du marché russe bénéficie de remise allant jusqu’à 2 DH selon El Houssine El Yamani, secrétaire général du Syndicat national des industries du pétrole et du gaz (SNIPG).
Ne pouvant pas s’approvisionner de la source, les autres pétroliers se voient obligés de passer par des intermédiaires notamment des koweitiens, selon El Yamani, qui importent de la Russie, stockent au niveau du terminal des hydrocarbures de Tanger Med et revendent aussi bien aux pétroliers marocains qu’à l’international. Sauf que les pétroliers veulent éviter la marge appliquée par les koweitiens et s’approvisionner directement de la Russie.
D’où le courrier adressé au wali de BAM. Aujourd’hui, cette requête des pétroliers est soutenue par le gouvernement. Ce jeudi 11 mai à l’issue du Conseil de gouvernement, Mustapha Baitas, Porte-parole du gouvernement, a clairement précisé que rien n’interdit ni empêche l’importation du pétrole russe appelant les banques marocaines à jouer le jeu pour trouver des alternatives et des solutions.
La position du gouvernement laisse plusieurs questions en suspens. D’abord sous quel cadre réglementaire le gouvernement interviendrait auprès des banques, lui qui jusqu’à aujourd’hui n’a jamais agi face aux abus des pétroliers ? Ne s’agit-il pas d’un marché libéralisé où l’intervention de l’Etat devrait être cadrée par la loi notamment celle de la liberté des prix ? Aussi si le gouvernement intervient dans l’intérêt des citoyens, quelles sont les garanties pour garantir la réduction des prix à la pompe comme le prétend le GPM dans son courrier ?