Les dépenses publiques augmentent d’une manière exorbitante, l’investissement public aussi… mais sans aucune amélioration du service public pour le citoyen.
Au cours des dernières années, le terme gouvernance ne cesse d’être galvaudé comme un maître mot. Aussi bien dans les discours publics que privés, la gouvernance s’érige désormais en priorité au risque de voir tous les efforts entrepris se réduire à néant. A juste titre, en dépit des actions déployées de part et d’autre, le positionnement international du Maroc au titre de l’indice de l’Etat de droit, point crucial de la gouvernance, est paradoxalement moins favorable en 2017 qu’en 2018. Il ressort du dernier rapport de l’Institut Royal des Etudes Stratégiques* (IRES) publié au mois d’octobre 2019 dans le chapitre dédié au secteur public et à la gouvernance que la consolidation de l’Etat de droit au Maroc est tributaire notamment d’une indépendance de la justice qui va au-delà du simple volet institutionnel. Le nombre de dossier des affaires qui trainent en justice est un signe avant-coureur que l’Etat a encore du pain sur la planche et que l’autonomie de la justice est encore à ses balbutiements.
Le recul affiché par ailleurs dans le classement du Maroc au titre de l’indice de l’efficacité du gouvernement (110 en 2017 vs 81 en 1998 ) contraste avec les actions menées pour améliorer la qualité du service public, apprend-on dans le même rapport. Ce qui atteste de la mauvaise allocation de la dépense publique. Dans le même sillage, il ressort que la couverture du territoire par les services publics d’éducation, de santé, d’accès à l’eau potable, à l’énergie et aux transports a légèrement reculé entre 2009 et 2016. Ajoutons à cela, la mauvaise répartition qui nuit considérablement à l’efficience du service public pour des raisons liées à la mauvaise rationalisation de la dépense et à la mauvaise coordination entre les différents départements. A quoi servait un hôpital public construit au milieu de nulle part ? Parce que s’il n’y a pas d’accès routier à l’hôpital public, l’investissement public in fine ne sert à rien. Les dépenses publiques augmentent d’une manière exorbitante, l’investissement public aussi mais sans aucune amélioration du service public pour le citoyen. C’est pour dire qu’il y a un problème de sincérité des comptes publics et d’où l’intérêt du contrôle.
La corruption : ce mal endémique
Autre point important sur lequel le rapport de l’IRES a fait le focus est celui relatif à la corruption. Bien que l’on assiste à une amélioration relative entre 1998 et 2018 du positionnement international au titre de l’indice de perception de corruption, le Maroc reste très concerné par ce phénomène qui affecte aussi bien la confiance des citoyens que le climat des affaires. L’impact de la corruption sur l’attraction des investissements n’est plus à démontrer.
Face à ce constat de fait, plusieurs actions sont à déployer : le renforcement des capacités de l’Instance de probité de la corruption, la refonte de la loi sur la corruption qui est soumise au Conseil de gouvernement pour un éventuel amendement, le renforcement des ressources humaines et financières, la simplification et la dématérialisation des procédures, le développement du dispositif de réclamation et de dénonciation…

Source : Transparency International
D’aucuns insistent même sur la nécessité de créer une coalition anti-corruption parce qu’une institution à elle seule ne peut faire face au phénomène de la corruption. Il faut une mobilisation tout azimuts (Administration, secteur privé, société civile) pour éradiquer ce fléau.
En matière de capacités des autorités à décider et à mettre en œuvre des réformes sectorielles, le Maroc occupe une position intermédiaire. D’après les rédacteurs du rapport, des efforts additionnels restent à déployer notamment en termes de mise en œuvre effective de ces réformes. Parce que si dans l’industrie, l’impact de la réforme est perceptible, dans d’autres secteurs tels que le tourisme, l’immobilier…, nous sommes toujours loin du compte.
Une chose est sûre : le recul du positionnement international du Maroc au titre de ces indices est en contraste avec les réformes et les mesures entreprises par le Royaume en matière de transition politique et socioéconomique. Elle revêt une grande importance si l’on rappelle que le Maroc est en quête d’un nouveau modèle de développement et que la réflexion est d’ores et déjà lancée.
D’après l’IRES, le positionnement pourrait être amélioré si à l’avenir le Maroc parvenait à réussir l’opérationnalisation complète de la constitution de 2011 qui consacre une approche démocratique fondée sur l’Etat de droit et les principes de la justice fiscale. Un chantier sur lequel s’engage aujourd’hui Mohamed Benchaâboun, ministre de l’économie et des finances.
Autrement dit, il est indispensable que les ordonnateurs appliquent les règles de régularité, de sincérité et de fidélité qui sont aujourd’hui consacrées par la Constitution. Ce qui va nous permettre de mieux dépenser et produire un service public de qualité. C’est tout l’enjeu de la gouvernance.
*Certains de ces indicateurs ont des limites qui ont été révélées par plusieurs études. Ils ne reflètent pas, selon l’IRES, les avancées enregistrées par le Royaume du Maroc. Leur intégration dans le présent tableau de bord stratégique est motivée par le seul fait que ces indicateurs sont pris en considération par les organismes internationaux pour apprécier la situation du Maroc.