Dans les pays en voie de développement, le transfert de consommation vers l’électricité est un des signes d’un développement économique en cours.
Bien qu’encore seulement à 1’153 kWh/hab en 2022, nombreux sont ceux qui se contentent de voir une augmentation de l’électricité nette appelée par habitant, pour penser que la consommation individuelle des abonnés au service électrique augmente aussi et qu’il suffit d’attendre pour atteindre des valeurs plus « décentes ».
Ici, nous allons montrer que les hausses sont dopées par le nombre de consommateurs ayant eu accès à l’électricité et non à leur consommation individuelle, sans doute à cause du fait que les habitants du « Maroc profond » continuent à user de l’électricité avec beaucoup de parcimonie, pouvoir d’achat oblige…
- INTRODUCTION GLOBALE
Toutes les données sources sont officielles et les quelques unes qui sont estimées sont indiquées dans le diagramme de la Figure 1 qui montre la décomposition progressive à l’aval de l’électricité nette appelée vers les terminaisons du réseau électrique où se trouvent les clients abonnés au service électrique (écriture bleue).
Figure 1 Segmentation en aval de l’électricité nette appelée (E.N.A.)
« Distributeurs » désigne l’ensemble de 4 opérateurs privés LYDEC, REDAL et AMENDIS (Tanger et Tétouan) et des 7 communaux RADEEMA, RADEEF, RADEM, RAK, RADEEJ, RADEEL et RADES.
Dans une partie non montrée à la droite de ce diagramme, l’électricité vendue aux 11,39 millions de clients du Maroc ne sera pas éclatée par niveaux de tension (THT, HT, MT ou BT) mais plutôt par secteur qui, pour la clarté de l’exposé et le choix de limiter l’usage d’estimations, sera décomposée en deux :
- électricité résidentielle,
- et le reste regroupé en « électricité professionnelle » (transports, primaire, secondaire et tertiaire).
La structure des ventes est forcément différente dans les zones servies par l’ONEE de celles servies par les autres distributeurs, ne fût-ce qu’à cause du fait que l’ONEE livre aussi de la haute tension alors que les autres distributeurs non. Toutefois, le bassin de clientèle de l’ONEE cumule 60,5% des ventes pour 61,2% des clients dans les deux zones ce qui signifie que les moyennes des ventes par client ne diffèrent que très peu de 2’820 kWh par abonné dans les deux zones.
- ÉVOLUTION DE L’ÉLECTRICITÉ NETTE APPELÉE (E.N.A., dans tout le Maroc)
- L’électricité nette appelée rapportée à chaque habitant
La Figure 2 montre, pour tout le Maroc, l’évolution de :
- l’électricité nette appelée rapportée à sa valeur de 1999 (ronds bleus, échelle bleue de gauche),
- la population du Maroc rapportée à sa valeur de 1999 (triangles bleus, échelle bleue de gauche),
- l’E.N.A. par habitant rapportée à sa valeur de 1999 (carrés rouges, échelle rouge de droite).
Figure 2 Evolution rapportée à 1999 : de la population, de l’E.N.A. et de sa valeur par habitant
De la Figure 2, il ressort que, puisque :
- l’électricité nette appelée s’est multipliée par 3,2 entre 1999 et 2022,
- et qu’entre temps le nombre d’habitants s’est multiplié par 1,31,
la première s’est accrue plus vite que le deuxième et l’E.N.A. par abonné s’est multipliée par 2,43 entre 1999 et 2022, ce qui est appréciable mais ne donne pas une image réelle des abonnés.
- L’électricité nette appelée rapportée à chaque abonné au service électrique
La Figure 3 montre l’évolution de :
- l’électricité nette appelée rapportée à 1999 (ronds bleus, échelle bleue de gauche),
- le nombre total d’abonnés au service électrique rapporté à 1999 (triangles bleus, échelle bleue de gauche),
- l’E.N.A. par abonné rapportée à 1999 (carrés rouges, échelle rouge de droite).
Figure 3 Evolution rapportée à 1999 du nombre total d’abonnés, de l’E.N.A. et de sa valeur par abonné
De la Figure 3, il ressort que, puisque :
- l’électricité nette appelée s’est multipliée par 3,2 entre 1999 et 2022,
- et qu’entre temps le nombre total d’abonnés au service électrique s’est multiplié par 3,76,
le deuxième s’est accrue plus vite que la première et l’E.N.A. par abonné s’est multipliée par 0,85 entre 1999 et 2022, ce qui indique une petite baisse de la demande moyenne des abonnés et il est intéressant de chercher si cette baisse concerne autant les abonnés résidentiels que les professionnels. Ceci sera fait pour les zones servies pas l’ONEE mais pas ailleurs puisque nous n’y avons pas la segmentation des ventes.
- ÉVOLUTION DE LA DEMANDE EN DEHORS DU BASSIN DE CLIENTÈLE ONEE
La Figure 4 montre l’évolution de :
- la demande hors zones ONEE rapportée à 1999 (ronds bleus, échelle bleue de gauche),
- le nombre d’abonnés hors zones ONEE rapportés à 1999 (triangles bleus, échelle bleue de gauche),
- la demande d’électricité par abonné hors zones ONEE rapportée à 1999 (carrés rouges, échelle rouge de droite).
Figure 4 Evolution rapportée à 1999 : des abonnés en dehors des zones ONEE, de leur demande totale et par abonné
De la Figure 4, il ressort que, puisque :
- les ventes aux abonnés en dehors des zones ONEE se sont multipliées par 2,23 entre 1999 et 2022,
- et qu’entre temps leur nombre s’est multiplié par 3,17,
le deuxième s’est certes accru plus vite que les premières mais il faut bien voir que les ventes par client sont restées dans une fourchette de 20% et l’analyse des causes de l’oscillation dans ladite fourchette ne doit pas nous écarter du principal résultat : les ventes moyennes par abonné en dehors des zones ONEE n’ont pas drastiquement baissé durant le dernier quart de siècle.
- ÉVOLUTION DE LA DEMANDE DANS LE BASSIN DE CLIENTÈLE ONEE
- Demande d’électricité résidentielle dans la zone ONEE
La Figure 5 montre l’évolution de :
- la demande d’électricité ONEE résidentielle rapportée à 1999 (ronds bleus, échelle bleue de gauche),
- le nombre d’abonnés ONEE résidentiels rapporté à 1999 (triangles bleus, échelle bleue de gauche),
- la demande d’électricité ONEE résidentielle par abonné ONEE rapportée à 1999 (carrés rouges, échelle rouge de droite).
Figure 5 Evolution rapportée à 1999 : des abonnés résidentiels ONEE, de leur demande totale et par abonné
De la Figure 5, il ressort que, puisque :
- les ventes aux abonnés résidentiels se sont multipliées par 5,12 entre 1999 et 2022,
- et qu’entre temps leur nombre s’est multiplié par 4,47,
les premières se sont certes accrues plus vite que le deuxième mais il faut bien voir que, là aussi, les ventes par client résidentiel sont restées dans une fourchette de 20% et l’analyse des causes de l’oscillation dans ladite fourchette ne doit pas nous écarter du principal résultat : les ventes moyennes par abonné résidentiel n’ont pas substantiellement augmenté durant le dernier quart de siècle.
- Demande d’électricité professionnelle dans la zone ONEE
La demande d’électricité professionnelle en zone ONEE a été obtenue en agrégeant les clients :
- de l’Industrie,
- de l’Agriculture,
- du Secteur tertiaire,
- de l’Administration.
La Figure 6 montre l’évolution de :
- la demande d’électricité ONEE professionnelle rapportée à sa valeur de 1999 (ronds bleus, échelle bleue de gauche),
- le nombre d’abonnés ONEE professionnels rapporté à sa valeur de 1999 (triangles bleus, échelle bleue de gauche),
- la demande d’électricité professionnelle ONEE par abonné rapportée à sa valeur de 1999 (carrés rouges, échelle rouge de droite).
Figure 6 Evolution rapportée à 1999 : des abonnés professionnels ONEE, de leur demande totale et par abonné
De la Figure 6, il ressort que, puisque :
- les ventes aux abonnés professionnels se sont multipliées par 2,81 entre 1999 et 2022,
- et qu’entre temps leur nombre s’est multiplié par 3,14,
le deuxième s’est certes accru plus vite que les premières mais il fait bien voir que, là aussi, les ventes par client professionnel sont restées dans une fourchette de 20% et l’analyse des causes de l’oscillation dans ladite fourchette ne doit pas nous écarter du principal résultat : les ventes moyennes par abonné professionnel n’ont pas drastiquement baissé durant le dernier quart de siècle.
- CONCLUSION
Durant le dernier quart de siècle, et sans doute avant aussi, ce n’est pas la demande par abonné mais plutôt l’augmentation de leur nombre qui a été à l’origine de la croissance de la demande nationale d’électricité.
Le très grand nombre des abonnés situés dans les tranches les plus faibles continue à tirer fortement vers le bas la moyenne des demandes par abonné en contrebalançant largement l’impact de la faible part d’abonnés qui ont des usages de consommation « à l’européenne ». Avec un accès à l’électricité pratiquement achevé, on peut affirmer que tant qu’il n’y aura pas eu d’effet substantiel sur l’amélioration du pouvoir d’achat des plus démunis du pays, l’abonnement sera encore hors de portée de la pauvreté extrême (environ 15%), la faible consommation électrique individuelle persistera et il ne faudra pas s’attendre à une croissance significative de la moyenne de la demande individuelle des abonnés.