Ecrit par Soubha Es-Siari I
Après une contribution négative de la demande interne en 2020, soit -7,3% du PIB, à cause de la crise sanitaire qui a mis à mal les ménages suite aux mesures de restrictions sanitaires, on assiste à un raffermissement de cette demande mais qui reste somme toute limitée pour être un levier de développement économique.
Partout dans le monde, le redémarrage rapide de l’activité économique post-covid associé à une hausse de la demande des matières premières a provoqué une flambée de l’inflation. Cette envolée des prix s’est intensifiée depuis le début de l’année 2022 sur fond de déclenchement du conflit russo-ukrainien en février et d’exacerbation des chaînes d’approvisionnement. Ces chocs ont induit une envolée de l’inflation qui a largement dépassé la cible des banques centrales justifiant un resserrement monétaire de grande ampleur dans certaines économies.
Au Maroc, il est utile de rappeler qu’après pratiquement une année de répit, suite à la crise liée au Covid19, l’inflation a pointé du nez en 2022, s’est installée jusqu’à 2023 et pourrait même se prolonger en 2024. Le resserrement monétaire auquel a recouru la Banque Centrale pour remédier à l’inflation s’est répercuté sur les agrégats marcoéconomiques y compris la consommation, l’épargne…
Depuis, la propension à consommer des ménages s’est trouvée réduite à cause de l’inflation suite à l’effritement des revenus mais également de la hausse des taux qui a renchérit le coût du crédit. Même les plus nantis ont été contraints de baisser la voilure face à un manque de visibilité.
Au courant de cette année, après avoir atteint un pic de 10,1% en février dernier, l’inflation a connu un net recul pour s’établir à 5% en août et sa moyenne sur les huit premiers mois ressort à 7,1%. Les derniers chiffres relatifs à l’IPC du mois d’octobre publiés par le HCP attestent d’un ralentissement de l’inflation à 4,3%.
Tenant compte des projections des BAM, l’inflation devrait s’établir à 6% en 2023 puis diminuer de 2,6% en 2024. Le train baissier est assuré grâce au resserrement monétaire mais la pression inflationniste pourrait persister jusqu’en 2024. Cela dit l’effet sur le pouvoir d’achat des ménage est aujourd’hui palpable.
Autrement dit, la demande interne dans sa composante consommation des ménages n’aurait pas bénéficié comme il est attendu d’une amélioration de revenus. D’ailleurs, il ressort du dernier bulletin de la DEPF qu’on assiste à la stagnation des crédits à l’immobilier et la baisse des crédits à la consommation de 0,3% à fin septembre 2023. Deux baromètres qui jaugent à leur tour le comportement de la demande des ménages dans un contexte marqué par la persistance de l’inflation.
A titre indicatif, l’évolution des crédits à l’immobilier incorpore un ralentissement de la croissance des crédits à l’habitat (+2,1% après +2,8% à fin septembre 2022) et l’atténuation du repli des crédits aux promoteurs immobiliers à -1,3% après 1,8% l’année précédente.
Autre indicateur et pas des moindres qui renseigne sur la demande interne est le taux de chômage. Au troisième trimestre 2023, le marché de l’emploi a enregistré une perte de 297.000 postes.
Par ailleurs, le taux de chômage a atteint 13,5% au troisième trimestre 2023, en hausse de 2,1 points par rapport à l’année précédente. Ce taux a augmenté dans les villes de 2 points à 17% et de 1,8 point dans les zones rurales à 7%.
L’investissement à la rescousse
Autre composante importante de la demande interne est l’investissement ou la formation brute du capital fixe (FBCF). Les derniers chiffres publiés par la DEPF annoncent que l’effort d’investissement devrait se maintenir, en phase, notamment avec le comportement favorable des importations des biens d’équipement des crédit à l’équipement (14% et 8,8% respectivement à fin septembre 2023) et ce, en parallèle avec l’effort soutenu de l’investissement du Budget général de l’Etat (+24,7% à fin octobre).
D’ailleurs, c’est toujours l’investissement qui sauve la mise face à une consommation des ménages qui peine à décoller. Et ce bien qu’il soit peu productif, une autre paire de manches. On n’a eu de cesse de le dire, le niveau d’investissement observé au Maroc est équivalent à celui observé dans les pays ayant accompli des miracles économiques. Toutefois, malgré l’effort d’investissement fourni en termes quantitatifs, le Maroc n’a pas encore réalisé le rattrapage économique désiré. Le bond spectaculaire des dragons asiatiques ayant fait de la demande interne une locomotive de développement interpelle interpelle à plus d’un titre.
Dans un contexte marqué par une reconfiguration des chaînes mondiales, le Maroc a intérêt à mettre en place les outils fiscaux et réglementaires pour booster sa demande interne et sa contribution à la croissance économique. Encore faut-il mettre en place les garde-fous pour éviter le phénomène de la fuite de la valeur ajoutée étrangère dans la demande intérieure. Celle-ci aurait connu une hausse passant de 26% en moyenne durant la période 1995-2007 à 34,3% durant la période 2008-2018, tiré principalement par la FBCF.
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