Ecrit par Imane Bouhrara I
C’est une rentrée sociale studieuse au Maroc. Le dialogue social est arrivé à une nouvelle échéance. Celle de la deuxième augmentation du SMIG à partir du 1e septembre tel que consigné dans l’accord social du 30 avril 2022, un engagement du patronat certes mais qui dans l’ensemble devait s’accompagner par la loi sur la grève (qu’on dit imminente depuis plusieurs semaines) et la réforme du Code du Travail, engagement du gouvernement qui a pris du retard. Tous les yeux sont rivés sur Younès Sekkouri, le ministre de l’Emploi qui doit mener ces deux grandes réformes.
Et c’est le patronat qui ouvre le bal de la rentrée sociale, la CGEM ayant tenu une conférence de presse à l’issue de la réunion de son conseil d’administration vendredi dernier. Plusieurs dossiers sont sur la table dont celui de l’accord social conclu en avril 2022 entre État, CGEM et centrales syndicales les plus représentatives.
Un sujet brûlant puisque l’un des engagements pris est arrivé à échéance et à date d’aujourd’hui, le sujet n’est pas clairement élucidé. Celui de la deuxième augmentation du SMIG, engagement pris par la CGEM qui a respecté fidèlement le calendrier de la première augmentation opérée en septembre 2022, mais qui semble évasive sur la deuxième.
Et pour cause, tous les engagements pris par les autres parties ne sont pas encore réalisés selon le calendrier souhaité, particulièrement le projet de loi organique relative à l’exercice du droit à la grève, la révision de certaines dispositions du code de travail sans oublier également la loi relative aux syndicats professionnels.
Un rétropédalage du patronat ? Pas vraiment, lors de la conférence le président de la CGEM, Chakib Alj, a expliqué que le Conseil d’administration de la confédération avant reçu le jour même le ministre de l’Emploi Younès Sekkouri et a eu un état des lieux sur l’avancement des engagements pris par l’État dans le cadre de l’accord social, qualifié de véritable avancée selon Alj.
« Dans le cadre de cet accord, un calendrier a été établi et un engagement est arrivé à échéance celui d’une deuxième augmentation du SMIG, de la promulgation de la loi sur la grève et la révision du Code du travail. Les entreprises ne sont pas contre la deuxième augmentation du smig contrairement à ce qui a circulé dans la presse », explique le président de la CGEM. Sans pour autant confirmer cette augmentation pour septembre 2023 comme le stipule l’accord social, mais qui sera opéré quand l’État le dira, explique-t-il.
Pour sa part, Hicham Zouanat, président de la commission sociale au sein de la CGEM a réfuté catégoriquement que le patronat soit dans une logique de chantage jugeant l’accord social d’avant-gardiste tout en faisant montre de compréhension des contraintes liées à de telles réformes réglementaires.
Le patronat se dit confiant surtout que le ministre de l’Emploi semble s’être engagé sur un échéancier imminent : quelques jours pour le projet de loi organique relative à l’exercice du droit à la grève, probablement à l’ouverture de la session d’automne et une ouverture du débat sur la réforme du code du travail. L’actuel texte vieux de bientôt 20 ans a présenté trop de concessions tout en précarisant l’emploi, selon Hicham Zouanat, qui s’exprimait lors de la conférence.
L’accord social d’avril 2022, faut-il le rappeler, a été signé entre l’État, l’Union marocaine du travail (UMT), l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), la Confédération démocratique du travail (CDT), et la CGEM. Les syndicats estiment déjà, se référant à l’accord du 30 Avril 2022, que la revalorisation salariale est largement dépassée dans la conjoncture économique actuelle. compte tenu de la persistance des tensions inflationnistes. Ils réclament en conséquence une hausse du salaire minimum entre 10 et 15 % pour un rattrapage de la perte de pouvoir d’achat des revenus des travailleurs.
Que dire si l’échéancier des 5% prévus pour septembre 2023 n’est pas respecté ? Ce qui risque de jeter une ombre sur le round de septembre du dialogue social. Ce qui oblige, d’un côté, le ministre Sekkouri à rapidement mettre le projet de loi organique relative à l’exercice du droit à la grève dans les circuits d’approbation et de démarrer sur les chapeaux de roue le chantier de révision du Code du Travail. Et cela pour rassurer le patronat qu’il ne sera pas le dindon de la face de cet accord.
Et d’un autre, le Chef du gouvernement à essayer de rapprocher les points de vue entre Syndicats et patronat et trouver un terrain d’entente pour éviter l’implosion de l’accord social d’avril 2022 et renforcer le dialogue social désormais institutionnalisé.