Lors des précédents entretiens, nous avons interrogé Omar Bakkou au sujet des formalités devant être accomplies par les clients auprès des banques au titre des opérations de services fournis aux résidents par les non-résidents.
Dans le présent entretien, nous allons interroger O.Bakkou au sujet d’une autre formalité non moins importante prévue par la règlementation des changes en matière d’opérations de services.
Cette formalité concerne les formalités devant être accomplies par les banques pour le compte de l’Office des Changes.
Quelles sont les formalités devant être accomplies par les banques pour le compte de l’Office des Changes, au titre des opérations de services ?
Comme je l’ai indiqué lors d’un précédent entretien, la livraison de devises par les banques aux personnes qui souhaitent les utiliser pour acheter des services étrangers s’effectue sur la base de la présentation par ces personnes de documents justificatifs.
Ces documents attestent de « l’effectivité présumée » des opérations de services objet de la remise de devises par les banques.
Cette effectivité devra en principe faire l’objet de procédures de contrôle par l’Office des Changes (et également par l’administration fiscale) , et ce, afin de vérifier son authenticité.
Ces procédures requièrent la disponibilité des informations nécessaires à leur bonne réalisation.
Pour ce faire , les règlementations des changes s’appuient en principe sur deux principaux éléments :
-La transmission des informations nécessaires à l’organisme en charge du contrôle des changes , l’Office des Changes ;
– La conservation des documents justificatifs par les banques.
Transmission des informations à l’Office des changes. Pourriez-vous nous éclairer davantage sur cet aspect ?
En principe, les informations relatives aux paiements en devises effectués au titre des opérations de services doivent être transmises à l’organisme en charge du contrôle des changes.
Ces informations sont appelées à être analysées pour programmer les contrôles éventuels.
Pour ce faire, l’article 18 de l’IGOC-24 dispose que les banques sont tenues de procéder à des déclarations périodiques auprès de l’Office des Changes, établies selon les modalités définies par cet organisme, pour les opérations exécutées dans le cadre des dispositions de la présente Instruction..
Quid de la conservation des documents par les banques ?
La conservation des documents justificatifs précités est obligatoire pour les banques, ainsi que pour les entités ayant réalisé les opérations de services.
En effet, concernant les banques, l’article 18 de l’IGOC-24 stipule que « les banques sont tenues de conserver tout document en relation avec les opérations exécutées dans le cadre des dispositions de la règlementation des changes ,et ce, conformément aux dispositions du code de commerce relatives à la conservation des documents ».
Cet article impose cette obligation également pour les entités ayant réalisé les opérations de services.
Maintenant que les dispositions relatives aux formalités devant être accomplies par les banques pour le compte de l’Office des Changes sont claires, pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet ?
Les formalités requises postérieurement à la réalisation des opérations de services revêtent un caractère universel.
En effet, dans tous les pays du monde, les entités qui effectuent des opérations économiques doivent conserver les documents justificatifs à des fins, notamment de contrôle fiscal.
Toutefois, dans le cas du Maroc, le contrôle de l’effectivité des opérations de services est dévolu à deux entités publiques , à savoir la Direction Générale des Impôts et l’Office des Changes.
En effet, la valeur « des services importés » peut être réévaluée par l’administration fiscale en la ramenant à la baisse sur la base de l’argument que la valeur déclarée est supérieure à la valeur effective ; l’entreprise concernée est considérée comme ayant procédé à une optimisation fiscale.
Cette valeur peut faire l’objet également d’une réévaluation par l’administration en charge de l’application du contrôle des changes en la ramenant à la baisse .
En effet, l’entreprise est ainsi considérée comme ayant procédé, soit à une optimisation fiscale pure lorsqu’il s’agit d’entreprises d’origine étrangère, soit à une optimisation fiscale dans l’objectif de constitution d’avoirs à l’étranger lorsqu’il s’agit d’entreprises d’origine marocaine.
Cette situation est susceptible de donner lieu à des divergences d’interprétation entre les deux administrations précitées.
Ces risques ,au demeurant compromettant pour la sécurité juridique des entreprises, ont été relevé d’une manière globale par le rapport sur le Nouveau Modèle de Développement.
Ce rapport a en effet fait le constat de l’existence de multiples discordances en matière de régulation publique, dues selon ce rapport à un problème de coordination entre des institutions et agences aux prérogatives proches.
Et qu’est-ce que vous proposez pour remédier à ces dysfonctionnements ?
A mon avis, cette compétence de vérification de l’effectivité doit être du ressort exclusif de l’administration fiscale.
Cette décision permettra d’harmoniser les dispositions de la règlementation des changes en matière de services avec celles relatives aux importations de biens.
En effet, en matière des importations de marchandises, la détermination de la valeur des marchandises importées demeure du ressort l’Administration des Douanes et des Impôts Indirects.
De même, une telle décision permettra de rationaliser les ressources de l’Etat en évitant la situation actuelle de double emploi où deux entités publiques sont mobilisées pour un même objectif.