Ecrit par Lamiae Boumahrou I
3 ans après le lancement de ce chantier d’envergure qui vise à instaurer l’état social, un bilan d’étape à mi-parcours s’impose. Plusieurs questions se posent notamment sur la mise en oeuvre de l’arsenal juridique et réglementaire relatif à la réforme de la protection sociale et du système de la santé mais aussi sur l’implication de tous les acteurs de cette réforme.
Le 29 juillet 2020, le Souverain annonçait dans le discours de la Fête du Trône le lancement d’un chantier social tant attendu, celui de la généralisation de la couverture sociale. Généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), allocations familiales, retraite et indemnité pour perte d’emploi, 4 chantiers d’envergure qui permettront à tous les Marocains de jouir d’un droit constitutionnel et bien entendu établir une réelle équité sociale.
3 ans après le lancement de ce chantier d’envergure qui vise à instaurer l’état social, un bilan d’étape à mi-parcours s’impose.
Concernant le premier volet de cette réforme à savoir l’arsenal réglementaire et juridique, il faut dire que le gouvernement a réussi le pari. Après l’adoption de la loi n°06-22 relative au système national de santé, le rythme de la promulgation des lois s’est accéléré. Le gouvernement est ainsi parvenu à adopter les textes de loi relatifs à la création de la Haute Autorité de la Santé, des groupements sanitaires territoriaux, de l’agence marocaine du Sang et de ses dérivés, de l’Agence Marocaine des Médicaments et des Produits de Santé, du statut du personnel…
Aussi en matière d’adoption des textes d’application de la Loi, un travail considérable a-t-il été réalisé. Une course contre la montre ayant permis au gouvernement de couvrir, dans les temps (échéance fin 2022), 33 millions de Marocains.
Toutefois, malgré cet exploit et bien que le gouvernement soit à jour en ce qui concerne l’arsenal réglementaire par rapport à la feuille de route présentée au Souverain, la question est de savoir qu’en est-il de la mise en œuvre dudit arsenal juridique et réglementaire ? Car nul n’est sans savoir, que c’est toujours là où le bât blesse dans notre système. Les décrets d’application prennent souvent énormément de temps avant d’être adoptés.
Faute de décrets d’application, un bon nombre de lois sont restées lettre morte. Y a-t-il un engagement ferme de l’Exécutif mais aussi de tous les acteurs du système par rapport à la mise en œuvre de ces textes ? Y a-t-il une stratégie bien définie de mise en œuvre et surtout y a-t-il un échéancier bien précis d’exécution ?
Autre volet de ce chantier royal, celui de l’offre de soins. Il s’agit du 3ème pilier du projet de refonte du système national de santé qui prévoit la réhabilitation de l’offre de soins afin de faciliter l’accès aux services de santé et d’en améliorer la qualité́.
Il faut dire que la refonte du système de la santé est une condition sine qua none pour réussir cette réforme. Là encore plusieurs questions se posent : quelle place sera réservée aux acteurs qui ont été laissés pour compte jusqu’à aujourd’hui par la réforme pour ne citer que le secteur privé, les professionnels de la santé, les pharmaciens, les laboratoires, l’industrie pharmaceutique… ? Quid du partenariat public-privé ? Quid de la stratégie de développement du secteur privé ? Quid du panier de soins ?
Concernant ce dernier point, il est à rappeler que SM le Roi avait insisté dans son discours sur l’équité dans l’accès aux soins, aux médicaments… Pour ce faire, il est important de savoir ce que comporte le panier de soins qui constitue la pierre angulaire de tout système de santé. Faut-il le rappeler, l’offre de soins comprend tous les soins disponibles dans le système par contre le panier de soins ne concerne que les actes et les médicaments remboursables dans le système d’assurance maladie.
Aujourd’hui, nous ignorons si dans le cadre de la réforme, l’article 7 de l’ancienne loi 65-00 portant code de la couverture médicale de base qui définit les prestations est toujours de mise, s’il sera plus exhaustif, s’il va y avoir de la maîtrise de la dépense…
Rappelons que l’OMS recommande d’une part le rapprochement du panier de soins aux besoins des citoyens, et d’autre part orienter l’investissement vers une offre plus adéquate.
Toutefois, le panier de soins est tributaire d’une offre disponible (secteur public et privé) qui doit répondre à un besoin exprimé soit celui de la population en terme d’accès soit celui du développement technologique dans le domaine de la santé.
Le 3ème volet de cette réforme et pas des moindres, le financement nécessaire pour financer ce chantier social. Certes le gouvernement a mobilisé le budget nécessaire pour honorer ses engagements au profit des populations couvertes par subvention (anciens Ramedistes) et pour que les autres catégories soient autonomes, mais la question de la pérennité du système se pose avec insistance.
Il est donc impératif d’étudier en profondeur les projections notamment en ce qui concerne les tendances de morbidité, les nouvelles pathologies…, et de mettre en place une gestion de risques liée à la pérennité du système.
Ceci dit, il est vrai que le défi de la généralisation de la couverture sanitaire à tous les Marocains avant fin 2021 ainsi que celui de la généralisation des allocations familiales ont été relevés. Mais, il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs de la réforme du système de la santé.
Si, aujourd’hui, on se pose autant de questions, c’est tout simplement parce que les ingrédients de réussite de cette réforme ne sont toujours pas visibles et palpables.