Ecrit par Soubha Es-Siari I
Se doter d’un secteur public robuste, performant et résilient n’est plus un luxe mais une nécessité. Les crises se succédant ont mis sous pression les finances publiques appelées à répondre aux besoins de plus en plus grandissants de la population. Le dernier évènement imprévisible qu’est le séisme d’Al Haouz survenu ce vendredi 8 septembre a mis en exergue l’importance de l’efficience de la dépense publique en pareille circonstance.
La conférence internationale sur la performance et la transparence du secteur public organisée le mardi 19 septembre conjointement par le ministère de l’économie et des finances et la Banque Mondiale se veut une occasion pour débattre des enjeux d’un secteur public performant dans un contexte en pleine mutation.
Comme rappelé par Mohamed Kharmoudi, Directeur des Affaires administratives et générales au sein du ministère de l’Economie et des Finances dans son discours d’ouverture : « Si la nouvelle Constitution de 2011 a réaffirmé de nombreux principes en matière de gouvernance publique, en matière budgétaire, la Loi organique relative à la loi de finances (LOF) adoptée en 2015 a doté le royaume d’un cadre de gestion financière plus performant et transparent. D’autres réformes non moins importantes sont à citer telles que la modernisation du cadre de la gestion de la commande publique, la simplification des procédures administratives et la réforme du secteur des Etablissements et Entreprises publiques ».
Il cite par ailleurs dans la foulée le programme ENNAJAA mené avec l’appui de la Banque Mondiale, lancé avec pour ambition d’améliorer la performance et la transparence de l’administration publique.
Toutes ces réformes ont pour point nodal, selon M. Kharmoudi, que chaque dirham investi serve au mieux les intérêts de la population marocaine. « Cela passe par des mécanismes de planification rigoureux, des évaluations continues et des ajustements judicieux, garantissant ainsi que les ressources publiques soient allouées là où elles peuvent avoir le plus d’impact ».
Cette rencontre a été également une occasion pour le partage des expériences sur comment optimiser les ressources et assurer une meilleure allocation (santé, éducation, réduction de la pauvreté…). Dans le même sillage, l’efficience de la dépense publique a occupé une place centrale dans les interventions des participants ayant partagé leurs expériences. Le leitmotiv étant de favoriser une compréhension globale des pratiques efficaces en matière de dépenses publiques dans divers contextes, avec un accent particulier sur les cheminements nationaux en vue d’identifier les meilleures pratiques en matière d’amélioration des prestations de services publics et d’atténuation des disparités sociales.
Dans un pays comme la Côte d’Ivoire, chaque ministère est appelé à défendre son budget devant le Parlement. Des lettres d’engagement lient chaque ministère aux résultats et ce conformément aux moyens mis à sa disposition. Depuis que la Côte d’Ivoire a entamé la réforme, le pays a élaboré trois rapports annuels de performance qui sont soumis à la Cour des comptes. Ils ont pour objectif d’instaurer la culture de performance à tous les niveaux de la dépense publique.
L’Espagne de son côté a partagé les vertus de l’analyse transversale, une approche budgétaire à même d’encourager les synergies. Si l’analyste traditionnelle porte sur l’allocation des ressources, l’analyse transversale porte quant à elle sur des contributions simultanées (égalité de genre, développement durable…).
Au Maroc, Hajar Ben Ameur, cheffe de la Division de la Réforme Budgétaire a tenu à rappeler à son tour que grâce au dispositif mis en place et à la mobilisation des départements ministériels (DM), la démarche de performance a connu une large diffusion et une implémentation graduelle et prometteuse accompagnée de la mise en place d’une nouvelle chaine de responsabilité. Cela a permis d’assortir les programmes budgétaires d’un dispositif de redevabilité quant à l’atteinte des résultats ( batterie de 383 objectifs et 790 indicateurs PLF 2023 ). Aussi, les efforts fournis dans l’accompagnement continu des DP conjugués à une mobilisation des gestionnaires, ont permis d’améliorer la qualité du dispositif.
Hajar Ben Ameur met l’accent sur la forte agilité dont doit faire preuve le pilotage de la démarche de performance. Il s’agit notamment de la nécessité pour les DM de se doter d’un dispositif de contrôle de gestion en vue d’assurer un suivi également en infra-annuel passible d’apporter les mesures correctives nécessaire en temps opportun. Aussi la question de la fiabilité des données ne peut être garanti qu’à travers un système d’information de collecte et de suivi de la performance.
Le consentement à l’impôt
Autre thématique débattue est la fiscalité. La crise de la COVID-19 a mis en évidence la nécessité pour de nombreux pays de repenser leurs politiques fiscales pour les adapter aux nouvelles réalités économiques. Cette session a constitué l’occasion d’échanger sur les défis de la planification des réformes ainsi que la digitalisation au service de la performance de l’administration fiscale. La digitalisation a permis le recoupement des informations et, partant de là, de limiter un tant soit peu la fraude et l’évasion fiscale.
C’est également un moyen de mobiliser davantage de recettes fiscales à travers un élargissement de l’assiette fiscale sans pour autant recourir à une hausse des impôts.
Aussi, les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes de la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. Autrement dit, la levée de l’impôt doit être explicitement acceptée par ceux qui le supportent avec comme objectif d’assurer l’équilibre nécessaire entre les exigences de l’Etat et le respect des droits des individus.
Une attention particulière a été également portée sur les recettes des collectivités territoriales qui restent fortement dépendantes du Budget de l’Etat faute de ressources propres suffisantes pour répondre efficacement aux besoins des citoyens.
Dans cette nouvelle dynamique, le développement des nouvelles technologies de l’information et plus globalement la diffusion de l’économie numérique posent des enjeux importants qui s’accompagnent de changements organisationnels, institutionnels et comportementaux.
La digitalisation permet d’améliorer la qualité du service rendu tout en en réduisant les dépenses. Cette table ronde a été l’occasion d’échanger sur les expériences en terme de règlementation de l’échange de données administratives ainsi que sur les échanges de données et les défis de l’interopérabilité. Tenant également compte de l’importance de la transparence et la redevabilité, une attention particulière a été donnée à l’Open data.
Ceci étant, les intervenants sont unanimes que toutes ces réformes sont salutaires et salvatrices, mais encore faut-il veiller à leur bonne mise en oeuvre. A ce titre, étant donné que l’élément humain est le maillon important de la chaine, l’accompagnement et la formation en continu s’avèrent plus que nécessaires.
Au même titre, l’appropriation de la culture de performance, indicateur phare de la bonne gouvernance, nécessite de redoubler les efforts en co-construisant des mécanismes plus innovants passibles d’assurer le changement de paradigme d’une culture basée sur les moyens à une culture portée sur les résultats en motivant le maillon le plus important qui n’est autre que l’individu.