Écrit par Imane Bouhrara I
Le financement des projets liés au secteur de l’eau, spécifiquement le PNAEPI repose essentiellement sur le budget de l’État, les fonds nationaux, les fonds des institutions multilatérales et bilatérales, les Agences de coopération et donneurs de fonds, les redevances du service de l’Eau, le financement du secteur privé notamment à travers les PPP et les fonds climat. Mais d’autres pistes de financement sont à explorer et c’est la thématiques des Masterclasses de l’eau.
C’est une grande messe qui s’est tenu à l’UM6P au Campus Technopolis à l’occasion de la tenue des MasterClasses de l’eau, organisées par le cabinet Consensus Public Relations (CPR), avec le soutien du groupe Crédit Agricole du Maroc, Tamwilcom, la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) et l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P).
L’événement placé sous le thème des modèles et mécanismes de financement innovants, était l’occasion de prendre la large mesure des principales inflexions de la politique de l’eau au Maroc.
Présentant les grandes lignes stratégiques du programme national de l’approvisionnement en eau potable et de l’irrigation 2020-2027 (PNAEPI 20-27) et d’autres projets structurants en tant que solutions durables de l’eau pour notre pays, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’eau, a rappelé également les dispositions actuelles de résilience au stress hydrique que les pouvoirs publics ont réalisé avec une volonté et un engagement fort pour lutter contre les effets de ce stress hydrique.
« Concernant le modèle de financement pour le secteur de l’eau au Maroc, nous le qualifions de durable, vu qu’il est diversifié et se base sur plusieurs sources de financement composées par le budget de l’État avec une coordination intersectorielle, les fonds nationaux, les fonds des institutions multilatérales et bilatérales, les Agences de coopération et donneurs de fonds, les redevances du service de l’Eau, le financement du secteur privé notamment à travers les PPP et les fonds climat. Néanmoins d’autres pistes de financement sont à explorer », souligne-t-il.
Justement l’objectif de ces Masterclasses de l’eau est de contribuer à mettre l’eau au cœur de la finance nationale, pour une valorisation durable des chaînes de valeur agricoles et industrielle, une finance qui se trouve face à la conjonction de plusieurs feuilles de route qui vise la durabilité et l’approvisionnement de la ressource. En renforçant les espaces de communication entre différents acteurs de l’écosystème.
Et afin de mieux comprendre la mise en cohérence et une coordination efficace des politiques sectorielles à l’échelle nationale et régionale garantissant une meilleure adaptation des stratégies à la situation hydrique du pays, Mbarka Bouaida Présidente de la Région Guelmim-Oued Noun et Présidente de l’Association des Régions du Maroc, a rappelé pour sa part le rôle de l’acteur régional dans l’implémentation d’un tel chantier, soulevant des questions liées à la mobilisation des moyens humains et techniques à cette fin.
Renforcer l’intégration de la donne climatique dans les stratégies et les programmes sectoriels permettant notamment de favoriser les investissements visant l’adaptation aux changements climatiques est un élément crucial dans une économie comme la nôtre.
Un impératif qui est tout à fait en ligne avec la stratégie de la BERD au Maroc pour la période de 2022-2027. D’ailleurs, Sue Barrett, Directrice, Infrastructures durables, Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) à fait le déplacement depuis Londres pour prendre part à ces Masterclasses.
Elle a mis en avant les efforts déployés par l’ensemble des parties prenantes marocaines en matière d’infrastructures hydrauliques et d’investissement dans des programmes de préservation de l’eau, ajoutant que la BERD travaille en étroite collaboration avec les différents acteurs marocains, en vue de changer les comportements des citoyens et pousser les entreprises industrielles à adopter des solutions d’irrigation efficaces permettant de réduire la consommation d’eau.
Crédit Agricole du Maroc, Tamwilcom… engagement infaillible
La période 2018 à 2023 a été marquée par une succession d’années sèches, une situation qui s’est avérée plus critique pour certains secteurs comparativement d’autres.
Le secteur de l’agriculture est le secteur le plus exposé au risque de pénurie, ce qui a suscité une mobilisation tous azimuts avec des plans d’urgence pour accompagner le secteur dans cette phase critique.
Des plans auxquels le Crédit agricole du Maroc a été une partie prenante jouant un rôle majeur en apportant appui financier et expertise pour converger vers une agriculture durable plus économe en eau.
Mohammed Fikrat, président du directoire du Crédit agricole du Maroc, a étayé l’engagement de son institution non seulement à travers les produits de financement mais également par l’accompagnement et l’expertise nécessaires pour accompagner la transition vers une agriculture plus durable et plus résilient.
L’agriculture n’est pas le seul secteur impacté par le stress hydrique exacerbé sous l’effet du changement climatique. Certes la transmission des effets des chocs climatiques de l‘agriculture vers le reste de l’économie ne soit plus aussi prononcé, le Maroc avec un bras financier œuvre au renforcement de l’inclusion financière et la transition verte de l’économie dans son ensemble.
A cette occasion, Hicham Zanati Serghini, Directeur Général de Tamwilcom, a insisté sur l’importance de la garantie dans la facilitation de l’accès au crédit pour financer cette transformation à travers des produits dédiés.
Charafat Afilal, ancienne Ministre Déléguée auprès du Ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, chargée de l’eau a fait pour sa part un retour sur expérience en matière de gouvernance de l’eau, des verrous qui peuvent l’entraver et a émis des recommandations pour les faire sauter.
Marché des capitaux, finance islamique…. Des pistes à creuser
Comment mettre l’investissement socialement responsable (ISR) au service de l’eau ? C’est question sur laquelle s’est attardé Mohamed Amrani, Co-Directeur du Centre d’Excellence Financière de l’UM6P, Africa Business School. L’eau qu’il qualifie comme actif stratégique puisque l’investissement est très rentable. Au niveau européen, les fonds AQUA ont réalisé des performances annuelles moyennes sur les 10 dernières années entre 8% et 10%, affirme-t-il.
L’enjeu de la finance bleue au Maroc est donc très important cependant l’entrée du secteur de l’eau marocain dans les univers d’investissement des fonds internationaux dans le cadre de la diversification passe par le filtre ESG et la cotation en bourse. Et l’éligibilité du secteur de l’eau aux univers d’investissements de l’ISR au Maroc passe également par le filtre ESG et la cotation en bourse.
L’assouplissement de règles prudentielles est une piste pour orienter l’épargne institutionnelle vers la finance durable (bleue).
Le développement du secteur de l’eau au Maroc peut attirer davantage les investissements des fonds internationaux sur la dette souveraine de manière plus générale, explique Mohamed Amrani d’autant que la performance RSE du Maroc selon le référentiel d’évaluation Moody’s s’avère un atout. Mohamed Amrani a néanmoins insisté sur l’importance d’améliorer ce critère Eau de sorte à renforcer l’attrait de la dette souveraine auprès des investisseurs internationaux, en mettant en avant une gestion durable et responsable des ressources en eau du pays.
Le financement de la transition verte n’est pas l’apanage de la finance conventionnelle et puisque ces Mastercalsses de l’eau ont permis d’explorer comment la finance islamique accompagne également cette dynamique de transition verte, à travers l’approche innovante de la Banque Islamique de développement.
Said Mourabit, Économiste Pays à la Banque Islamique de Développement a mis l’accent sur le modèle de la coopération triangulaire prôné par la BID ou ce qu’il qualifie de partenariats à flux inversés (RL) nécessitant d’avoir au moins deux pays disposés à partager leur expertise selon un engagement à long terme (2 à 3 ans). Le rôle du Groupe de la BID l’IDB se limite à celui d’un catalyseur financier. Le financement du Groupe de la BID ne dépasse pas la contribution combinée du pourvoyeur et du récipiendaire. Il cite les exemples de la Coopération avec ONEE, entre le Maroc le Burkina Faso (qualité de l’eau), entre le Maroc et la Guinée Conakry (réseau d’assainissement) et coopération avec l’administration de l’eau en Arabie Saoudite
La banque dispose également d’un programme de déploiement de la technologie pour le développement des pays membres dédié aux objectifs et secteurs prioritaires.
L’intervenant a détaillé caractéristiques des financements des PPP par la BID et les instruments utilisés dans ce sens (Ijara, Vente à tempéremment). Citant les expériences d’autres pays, il explicité le rôle du waqf dans le financement des projets d’approvisionnement en eau. De même qu’il a expliqué les mécanismes de mobilisations des contributions financières de la diaspora au service de l’eau.
Au terme des Masterclasses Dr Wail Aaminou, expert international en finance verte a relevé les opportunités et défis de la formation financière adaptée au secteur de l’eau. Explorant ainsi l’amont de la problématique du financement avec une approche structurante.