Le constat d’Oxfam sur les inégalités entre les riches et les pauvres de la planète est sans appel. Dans son dernier rapport sur les inégalités mondiales, l’ONG révèle que les 1% les plus riches de la planète possèdent autant de richesses que les 99% restant. D’autres chiffres qui vous laissent sans voix : En 2018, la fortune des milliardaires de la planète a augmenté de 12% représentant un gain quotidien cumulé chaque jour de l’équivalent de 25 Mds de DH, tandis que la richesse de la moitié la plus pauvre de la population mondiale soit 3,8 milliards de personnes vit avec moins de 55 DH/jour.
Le Maroc n’échappe pas à cette tendance internationale. C’est d’ailleurs le principe sous-jacent du débat sur l’élaboration d’un nouveau modèle de développement économique à même de garantir la cohésion et l’inclusion sociale.
« Le Maroc reste le pays le plus inégalitaire du Nord de l’Afrique et dans la moitié la plus inégalitaire des pays de la planète. En 2018, trois milliardaires marocains les plus riches détenaient à eux seuls 4,5 milliards de dollars, soit 44 milliards de dirhams. L’augmentation de leur fortune en un an représente autant que la consommation de 375 000 Marocain·e·s parmi les plus pauvres sur la même période », alerte Oxfam dans ledit rapport.
Oxfam, présente au Maroc depuis plus de 25 ans, est consciente que de nombreuses orientations de politiques publiques ayant eu pour principal credo la lutte contre les inégalités. « Qu’il s’agisse d’investir dans des services publics de qualité (santé, éducation et protection sociale notamment), de mettre en œuvre une fiscalité plus juste et progressive, d’assurer l’accès à un travail décent, de lutter contre la corruption et consolider les mécanismes de gouvernance et participation de la société civile, et de lutter contre les inégalités femmes-hommes ou territoriales : tout est question de volonté et de priorités politiques », explique la même source. Mais les inégalités sociales ont la peau dure.
Dans un contexte où le Maroc dans toutes ses sphères se prépare au débat national sur le système fiscal, Oxfam souhaite contribuer à la conscientisation de l’opinion publique sur les causes des inégalités au Maroc tout en plaidant pour une fiscalité juste et équitable.
Elle formule ainsi des recommandations plus précises dans le domaine fiscal orientées vers la réduction des inégalités :
Développer un plan national contre les inégalités :
- Prendre des données statistiques mises à jour régulièrement et disponibles publiquement sur la disparité des revenus et la concertation de la richesse ;
- Prendre des mesures urgentes et concrètes pour corriger les disparités régionales, les inégalités de genre et améliorer la gouvernance à tous les niveaux ;
- Lancer un plan de formalisation de l’activité économique, en mettant en avant de manière plus marquée les avantages : sécurité sociale, conservation et transferts des droits à la retraite en changeant d’emploi, mesures de simplification fiscale ou d’accès au crédit entre autres.
Améliorer la progressivité du système fiscal dans son ensemble :
- Pour les impôts sur le revenu, introduire de nouvelles tranches, ce qui permettrait de faire reposer la pression fiscale sur les niveaux de revenus les plus élevés au bénéfice des tranches les plus faibles ;
- Introduire une fiscalité progressive du patrimoine détenu et transmis afin de réduire les inégalités intergénérationnelles, de genre et de richesse ;
- Introduire une analyse genrée de l’ensemble des impôts pour contribuer à réduire les inégalités entre femmes et hommes.
Elargir l’assiette fiscale pour rendre plus juste la contribution de l’ensemble des acteurs économique du pays :
- Augmenter la contribution effective de l’impôt sur les sociétés. Les grandes entreprises doivent s’acquitter de leur juste part d’impôts en alignant leur contribution fiscale à leur activité économique réelle ;
- Revoir le fonctionnement des pratiques fiscales pernicieuses (conditions fiscales et fonctionnement des zones offshore, etc.). L’Etat marocain ne doit pas renoncer à de précieuses ressources fiscales au nom de l’attractivité économique;
- Alléger les nombreuses exemptions actuelles pour ne retenir que celles qui ont un impact social, après une analyse coût-avantage et un processus transparent sur une durée de temps prédéfinie. Intégrer au sein du champ fiscal de nombreux pans de l’économie ou professions, notamment les secteurs de l’agriculture ou de l’immobilier qui favorisent les grands propriétaires, incitent à la rente au détriment de l’activité productive créatrice d’emplois.
Faire de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale une priorité absolue :
- Améliorer le système de remboursement de la TVA en simplifiant d’avantage la procédure, la rendre transparente et réduire la durée de traitement des dossiers des contribuables contre tout abus ou fraude ;
- Renforcer les dispositions anti-évasion fiscale, les mécanismes de contrôle et une liste de paradis fiscaux ambitieuse et objective, accompagnée de sanctions.
La lecture des dispositions fiscales prônées par Oxfam avec pour toile de fond la réduction des inégalités sont à manier avec prudence. Leur réalisation reste tout de même liée à un civisme fiscal parce que in fine c’est le non-consentement à l’impôt qui grippe toute la machine fiscale. Or, le civisme fiscal dépend de mesures en faveur de la culture, du théâtre, du cinéma… Des dispositions qui permettraient d’aider le citoyen à remplir son devoir fiscal comme il se doit mais qui malheureusement restent introuvables dans bon nombre de propositions.