Ecrit par S. Es-Siari |
Il y a 20 ans, soit le 16 mai 2003, Casablanca était la cible des attentats ayant fait 45 morts et une centaine de blessés. Les terroristes liés à l’organisation Al Kaïda ciblaient des édifices juifs, belges, et espagnols. Les auteurs des attentats étaient des jeunes provenant des quartiers défavorisés plus précisément du Bidonville de Sidi Moumen à Casablanca.
Ce cauchemar avait à l’époque nourri le débat sur l’état lamentable des bidonvilles et la situation chaotique dans laquelle vivaient bon nombre de jeunes marginalisés et abandonnés à leur sort. Il a révélé au grand jour la fragilité de ces bidonvilles. Et l’Etat pointé du doigt justement à cause de sa non implication dans l’éradication de ces quartiers quasiment à l’abandon où règne la loi du plus fort et où se conjuguent continuellement fragilité, précarité et exclusion sociale.
Quelques mois après soit en juillet 2004, le programme « Villes sans bidonvilles » a vu le jour. Aujourd’hui 20 ans après, quel bilan pouvons-nous en faire ? Les objectifs escomptés de reloger les bidonvillois soit le 1/3 de la population est-il atteint ?
A ce titre, il est utile de rappeler que l’idée de départ était de maintenir la population dans les mêmes quartiers tout en procédant à la restructuration, à l’assainissement de ces quartiers clandestins. Une idée avérée coûteuse qui a été abandonnée pour reloger la population dans la périphérie urbaine dans des logements plus structurés et aménagés.
Il y a quelques semaines, la ministre de l’habitat de l’urbanisme, Fatima Zahra El Mansouri avait annoncé que le programme national « Villes sans bidonvilles» a permis le traitement de la situation de 3.516 familles au cours de l’année 2023, alors que 60 villes ont été déclarées sans bidonvilles. Elle avance par ailleurs que le taux d’avancement du programme a atteint 74% avec une amélioration des conditions de vie pour 322.420 familles marocaines.
Elle précise également que 270.000 familles étaient initialement visées par ce programme sur la base des statistiques de 2004. Des résultats certes positifs mais qui questionnent tout de même sur l’état des lieux de l’urbanisme dans les grandes villes du Royaume où les constructions informelles, anarchiques continuent à pousser comme des champignons et ce malgré la multiplicité des programmes.
Le ministère de l’habitat et le ministère de l’intérieur, principaux acteurs sont appelés, eu égard à la situation qui prévaut, à doubler les efforts et à explorer de nouvelles pistes pour que le programme villes sans bidonvilles ne soit pas un vœu pieux. Pour ce faire, il est déterminant de s’attaquer à la source du problème pour ne citer que les inégalités trop criardes, l’accès au financement…
La Cour des comptes avait d’ailleurs dénoncé la politique de l’Etat en matière de lutte contre l’habitat insalubre. Elle a recommandé de lancer des mécanismes pour lutter contre leur prolifération. Il s’agit de renforcer les mécanismes de contrôle et de dissuasion sur le plan juridique et technique et la mise en place d’une communication appropriée pour vulgariser l’offre des aides publiques contre l’habitat insalubre, mettant ainsi un terme à la perception répandue de la garantie d’une rente publique future.
Aussi, le « busines » du logement clandestin est faut-il reconnaître tellement lucratif qu’il continuera de séduire bon nombre de personnes. Des mesures contraignantes et dissuasives sont donc nécessaires pour faire face à cette nouvelle forme de bidonvilles qui continue à se développer.
Une chose est sûre : le relogement ou le recasement des bidonvillois dans les quartiers périphériques ne saurait être une réussite tant que l’activité économique continue à se concentrer dans le centre ville moyennant un transport commun qui peine à se développer.