Les conclusions du rapport du Groupe d’évaluation indépendant (IEG) de la Banque mondiale intitulé « Le Groupe de la Banque mondiale au Maroc : Apprendre et s’adapter pour un impact », ont été au menu d’une table-ronde organisée par la banque suivie d’un événement rassemblant hauts responsables gouvernementaux, des représentants de la Banque mondiale et autres experts afin de discuter des conclusions d’une évaluation de la dernière décennie et de ses leçons pour les futures collaborations.
Cette évaluation du programme de pays (CPE) évalue l’efficacité du développement du soutien du Groupe de la Banque mondiale au Maroc pour surmonter ces obstacles au cours des exercices 2011 à 2021.
L’événement tenu ce jour, a été organisé conjointement par le Policy Center for the New South (PNCS) et le Groupe d’évaluation indépendant (IEG) de la Banque mondiale. Cet événement rassemble de hauts responsables gouvernementaux, des représentants de la Banque mondiale et d’autres experts afin de discuter des conclusions d’une évaluation indépendante récemment publiée sur le soutien de la Banque mondiale au Royaume du Maroc au cours de la dernière décennie et de ses enseignements pour les futures collaborations autour de la mise en œuvre du nouveau modèle de développement du Maroc.
L’adoption par le Maroc d’un nouveau modèle de développement a marqué une nouvelle étape dans sa trajectoire de développement et ouvert la porte à de nouvelles vagues de réformes ambitieuses, notamment l’accélération de sa transition écologique, le renforcement de son capital humain et l’attraction des investissements privés.
Alors que la Banque mondiale se prépare à soutenir le Royaume dans ce changement de développement, de nombreuses leçons peuvent être tirées d’une décennie de collaboration. L’évaluation du programme pays de l’IEG fournit des informations clés sur ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné, mais aussi pourquoi, dans le soutien de la Banque mondiale au Maroc entre 2011 et 2021. Elle offre aussi des enseignements pour le futur partenariat entre la Banque mondiale et le Royaume du Maroc.
A cette occasion, Larabi Jaidi, Senior Fellow du PNCS a souligné l’engagement du PCNS à contribuer à la clarification des enjeux de développement dans un monde en proie à des turbulences : « Notre objectif est d’apporter une nouvelle perspective sur le Sud en proposant de nouvelles idées ».
Pour sa part, Dr. Estelle Raimondo, responsable du programme IEG a rappelé qu’en 2011, le Maroc concluait les années 2000 avec un bilan économique solide, et une forte baisse de la pauvreté. Avec l’un des taux d’investissement les plus élevés au monde, le Royaume attirait d’importants Investissements Directs Etrangers, créant des champions dans l’aéronautique, l’agroalimentaire et l’automobile.
Pour autant au cours de la décennie couverte par l’évaluation, et malgré le maintien d’investissements élevés, la croissance économique moyenne du Maroc a commencé à décliner à une moyenne de 3,4 % par an entre 2010 et 2019, contre 5% dans les années 2000. Pourtant la fenêtre démographique qui s’ouvrait au pays, ce qui impliquait un soutien de la Banque mondiale dans les domaines de la cohérence des politiques publiques et du développement du capital humain. « La Banque mondiale et le Maroc doivent continuer à apprendre, s’adapter et s’améliorer pour maximiser l’impact de leur collaboration future. D’autant plus que la pression sur son capital naturel s’accroissait du fait de l’accélération du changement climatique ayant un impact sur ses ressources en eau », soutient-elle.
Prenant part à cet événement, Farid Belhaj, le vice-président de la banque mondiale pour la région MENA a relevé que le rapport se focalise sur la période 2011-2021, mais qu’il est important de contextualiser cette décennie dans le cadre d’un processus de développement plus long.
« Les 10 années précédant 2011 ont été cruciales pour le Maroc car elles ont posé les bases de réformes importantes… En reconnaissant cet héritage, le rapport peut offrir une perspective plus complète et équilibrée de la collaboration entre le Maroc et la Banque mondiale. » Et d’ajouter « Le rapport devrait analyser les raisons de ces décalages (…) Il est important de ne pas se focaliser uniquement sur les échecs, mais aussi de tirer des leçons des expériences et d’identifier les points d’amélioration. » Soulignant que le développement prend du temps, tout en insistant que le rapport devrait adopter une perspective à long terme et évaluer la collaboration Maroc-Banque mondiale dans le contexte d’un processus de développement continu. »
Pour sa part, Nadia Fettha, Ministre de l’Economie et des Finances estime que le Maroc a démontré une résilience et un dynamisme remarquables en maintenant le cap sur ses réformes. L’accompagnement de la Banque mondiale dans cette dynamique est essentiel.
« Le partenariat entre le Maroc et la Banque mondiale ne se résume pas à des questions de soutenabilité de la dette, de financement ou d’arbitrage. Il s’agit avant tout d’un partenariat constructif et ouvert sur le citoyen », conclut-elle.
Enseignements tirés
Selon la Banque Mondiale, cette évaluation a permis de tirer les enseignements suivants en vue d’orienter les futurs engagements du Groupe de la Banque mondiale au Maroc. Ces enseignements pourront servir à d’autres pays confrontés aux mêmes types de défis de développement :
- Dans certaines circonstances, la Banque mondiale a privilégié l’influence aux dépens de la reconnaissance afin de peser de plus de poids dans la réforme des politiques publiques du Maroc. L’influence de la Banque mondiale reposait sur sa capacité à élaborer des propositions de réformes sur des sujets sensibles capables de séduire les décideurs gouvernementaux. Ce fut notamment le cas lorsque la Banque mondiale a fait de la préparation du CEM une base sur laquelle engager les autorités dans des réformes sensibles, par exemple investir dans les institutions du marché et renforcer l’état de droit, ce qui a amené le Maroc à repenser son modèle de développement. Dans d’autres domaines, comme les réformes politiquement sensibles des subventions et des retraites, la Banque mondiale a préféré s’en tenir à un rôle plus restreint en fournissant des analyses juste-à-temps car un rôle plus important aurait pu compromettre les réformes.
- Le Groupe de la Banque mondiale a utilisé efficacement des données d’étalonnage globales en vue d’étayer les réformes. Au Maroc, le Groupe de la Banque mondiale a utilisé les indicateurs de l’Évolution des richesses des nations, l’Indice du capital humain et le classement Doing Business dans le but d’engager une série de dialogues étendus sur les réformes. Dans le cas de l’environnement des affaires, le Groupe de la Banque mondiale est parvenu à convaincre les autorités d’intégrer les résultats de l’enquête sur les entreprises « Enterprise Surveys » pour élargir l’agenda des réformes.
- La SFI a connu un succès au Maroc en déployant son activité de conseil en vue d’inciter les grandes entreprises, y compris les entreprises publiques, à opérer des changements institutionnels. La SFI a profondément marqué de son empreinte les réformes de l’environnement des affaires et de l’architecture financière du Maroc. Elle a atteint ces objectifs en apportant un soutien en termes de conseil et d’investissement aux bénéficiaires et en collaborant avec des institutions et des associations d’entreprises nationales clés pendant de nombreuses années. Son activité de conseil a notamment incité les grandes entreprises à élever leurs normes environnementales, sociales et de gouvernance et a contribué à améliorer la gouvernance des entreprises publiques.
- Le PforR a acquis une véritable importance au Maroc dans la seconde partie de la période d’évaluation. La préparation des opérations PforR par la Banque mondiale au Maroc a permis de dégager deux grands enseignements. Premièrement le manque de ressources nécessaires pour fournir une assistance technique aux ministères chargés de la mise en œuvre des réformes et de rendre des comptes concernant les indicateurs liés aux versements a limité l’efficacité des opérations PforR dans les secteurs de la santé et de l’éducation. La Banque mondiale doit donc identifier de manière proactive des fonds d’affectation spéciaux ou d’autres ressources susceptibles de combler ce défaut d’assistance technique. Deuxièmement, les équipes de la Banque mondiale doivent impliquer de manière proactive l’éventail complet des parties prenantes tout en préparant des opérations PforR en vue de favoriser des échanges fructueux entre le Ministère de l’Économie et des Finances et les ministères de tutelle, dans le but de définir des indicateurs liés aux décaissements ambitieux mais néanmoins atteignables et de maintenir un calendrier de décaissements prévisible.
- Pour commencer à s’engager directement au niveau des collectivités territoriales du Maroc, le Groupe de la Banque mondiale a pris de nouveaux risques et a pris le parti d’expérimenter de nouvelles approches. Le Cadre de Partenariat Pays pour l’exercice 2019-2024 (EF19–24) a priorisé la lutte contre les inégalités territoriales. Depuis lors, le Groupe de la Banque mondiale a commencé à expérimenter diverses modalités d’engagement au niveau infra-national. Voici quelques exemples notables de ces expériences : investissements de la SFI sans garanties souveraines à Casablanca et à Fès-Meknès, PforR du développement municipal « Casablanca Municipal Development » de la Banque mondiale dont les fonds sont affectés aux budgets municipaux, et PforR du développement municipal « Municipal Development » (cofinancé par l’Agence Française de Développement) dans une centaine de municipalités urbaines. Bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer les résultats obtenus, la capacité du Groupe de la Banque mondiale à s’engager auprès des autorités locales était liée à sa volonté de prendre plus de risques en s’engageant auprès des territoires présentant les besoins les plus élevés, d’adapter ses instruments aux besoins distincts du niveau infranational et de se coordonner avec les autres partenaires du développement.