Le rapport sur le NMD vise à modifier le régime de croissance économique du Maroc : passer d’un taux de progression annuelle de la production nationale d’environ 3% à un taux de 6%. Pour la réalisation de cet objectif, la CSMD a émis une multitude de propositions couvrant l’ensemble des secteurs de l’économie nationale.
Ces propositions présentées lors des précédents entretiens avec l’économiste Omar Bakkou soulèvent toutefois une question essentielle, à savoir : comment lesdites propositions pourraient parvenir à doubler notre rythme de croissance ?
Cette question qui laisse plusieurs observateurs dubitatifs sur le Nouveau modèle de développement fera ainsi l’objet du présent entretien O. Bakkou.
-Lors des précédents entretiens, Vous avez présenté les propositions émises par la CSMD pour doubler notre rythme de croissance économique. Cela soulève la principale question suivante : comment ces réformes permettront d’atteindre cet objectif de modification de notre régime de croissance ?
Une économie peut être finalement représentée par un ensemble d’arbres fruitiers .
Ces arbres produisent des fruits dont la quantité et la qualité varient d’une moisson à l’autre.
Cette variation s’opère en fonction d’une multitude de facteurs .
Ces facteurs englobent les investissements des saisons précédentes (arbres plantées), les innovations et progrès techniques réalisés dans le processus de production, etc.
Cette représentation de l’économie signifie qu’une amélioration des facteurs précités permet de générer une augmentation de la production.
Ainsi, si on revient aux réformes proposées par le rapport sur le NMD, l’on remarquera qu’elles ont un point commun.
Ce point est le suivant : elles agissent positivement sur les facteurs déterminants de la production cités ci-dessus.
Par conséquent, en agissant positivement sur ces facteurs, ces réformes seront à même de faire croître la production nationale.
-Oui effectivement, le lien entre les réformes économiques proposées par le rapport sur le NMD et la croissance économique semble évident. Mais le point qui semble à priori moins évident est celui du lien entre ces réformes et le rythme de croissance. Autrement dit comment ces réformes pourront doubler le taux de croissance économique au Maroc ?
A mon avis, il y a deux principales réponses à cette question : une première d’ordre factuelle et une seconde d’ordre intuitive.
Quelle serait cette réponse factuelle ?
La réponse factuelle peut être déduite de l’expérience des pays d’Asie de l’Est.
Ces pays ont réussi à générer, à travers un niveau d’investissement quasi similaire à celui du Maroc (en l’espace de 25 ans, soit de 1966 à 1990), un taux de croissance qui fait le double de celui enregistré au Maroc.
Cette performance s’explique bien évidemment par les autres facteurs agissant sur la croissance, telle la qualité du système éducatif et de la gouvernance économique, etc.
Par conséquent, on peut considérer, en se référant à l’expérience de ces pays, que le Maroc sera capable, en agissant sur ces autres facteurs, de doubler le rythme de sa croissance économique.
Quid de la réponse intuitive ?
La raison intuitive demeure liée au potentiel de croissance dont recèle l’économie marocaine.
Ce potentiel concerne aussi bien les secteurs produisant des biens matériels que ceux produisant des biens immatériels.
En matière de production de biens matériels, les éléments présentés lors de nos précédents entretiens ont montré que tous les secteurs relatifs à ces biens fonctionnent au-dessous de leurs potentiels.
En effet, ces secteurs peuvent produire plus et quelque fois à un moindre coût, et ce, moyennant l’adoption des réformes préconisées par le rapport sur le NMD.
S’agissant de la production de biens immatériels (telles l’éducation, la santé, la justice, la culture, etc.), les éléments présentés ci-dessus ont montré que le Maroc accuse de grands déficits à ce titre.
Ces déficits sont, bien évidemment, rattrapables moyennant l’adoption de réformes appropriées.
-il y’a une autre question que plusieurs sceptiques avaient soulevé notamment le FMI, cette question qui porte sur le financement des réformes économiques proposées par le rapport de la CSMD
Selon les évaluations préliminaires, les réformes proposées dans le NMD nécessiteront des financements publics additionnels.
Ces financements additionnels s’établissent à 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022-2025) et à 10% du PIB en rythme de croisière à l’horizon 2030.
Ces besoins de financement doivent être assurés au début par l’endettement public puis par la suite par les ressources fiscales générées par le nouveau palier de croissance économique engendré par un amorçage réussi du NMD.
Ce nouveau pallier pourrait s’établir à 6% en moyenne à partir de 2025 et à 7% à partir de 2030.