Ecrit par L.Boumahrou I
Une 13ème tranche de subvention aux transporteurs à partir de décembre soulève la question de la bonne gouvernance de la gestion des finances publiques. Et pour cause, l’Etat, indirectement, contribue à refouler les caisses des pétroliers qui rappelons-le ont été épinglés par le Conseil de la Concurrence pour entente sur les prix.
Le ministère du Transport a annoncé en début de cette semaine le lancement d’une nouvelle tranche de subvention au profit des transporteurs. La 13ème tranche d’aide en 2 ans. Rappelons qu’en raison de la hausse des prix des hydrocarbures, le gouvernement avait décidé de subventionner les transporteurs dans l’optique d’atténuer l’impact de cette hausse sur l’économie et sur les prix des produits.
Les derniers chiffres dont nous disposons au 23 août 2023, la subvention s’étant élevée à environ 5,4 Mds de DH sans compter celles de septembre et d’octobre.
Au-delà de l’impact de cette subvention sur le pouvoir d’achat des Marocains, insignifiant, cette subvention soulève une question fondamentale notamment après la dernière décision du Conseil de la concurrence sur l’entente des prix des hydrocarbures : pourquoi l’Etat continue de subventionner les transporteurs sur la base de la hausse des prix des hydrocarbures alors que le Conseil de la concurrence vient de confirmer les pratiques anticoncurrentielles d’entente sur les prix ?
Les pétroliers non seulement ont profité de l’impuissance du citoyen lambda qui ne fait que subir leur abus et avidité mais aussi pioché, indirectement, dans les caisses de l’Etat.
Non seulement l’Etat n’a pas bougé le petit doigt pour recadrer la libéralisation du marché des hydrocarbures et veiller à l’application des pratiques de concurrence, mais, d’une manière indirecte, il a contribué aux bénéfices colossaux collectés par les pétroliers.
Et ça continue. Car bien que la décision du Conseil soit tombée le 23 novembre, la situation du marché est restée inchangée. La décision du Conseil n’a toujours pas impacté les prix à la pompe. Il faudra attendre de voir si les engagements, qui revêtent un caractère obligatoire, pris par les pétroliers dans le cadre de la procédure transactionnelle vont-ils être honorés et s’ils vont impacter les prix à la pompe. Rappelons que parmi les engagements la « mise en place d’un programme de conformité au droit de la concurrence qui traduira l’engagement des sociétés, exprimé au plus haut niveau de leur hiérarchie, à respecter les règles de la concurrence ».
Ce programme devrait permettre au Conseil d’assurer le suivi du fonctionnement concurrentiel des marchés concernés, notamment la corrélation entre les prix de vente publics du Gasoil et de l’Essence et les cours internationaux de ces produits raffinés.
Ceci dit, en attendant les retombées de ces engagements, l’Etat devrait revoir sa politique de subvention notamment celle des hydrocarbures.
Dans son dernier rapport, le Conseil de la concurrence avait mis en garde le gouvernement sur le recours à ces subventions. « Le Conseil estime que la subvention directe du gasoil et de l’essence est nocive pour l’économie, car accaparant des ressources financières équivalentes à titre d’exemple en 2012 au budget du ministère de l’Education nationale ou à cinq fois le budget de la santé », lit-on dans le rapport.
Il est vrai que l’Etat n’a pas fait marche arrière dans le dossier de la libéralisation, mais il a toutefois choisi de subventionner le secteur du transport au lieu de plafonner les prix pour une durée déterminée afin de pousser les pétroliers à revoir leur feuille.
Mais bon, il faut dire que l’Etat, par cette subvention, tente d’éviter la grogne des transporteurs qui n’ont cessé de mener des mouvements de grève dont les conséquences sur l’économie et les citoyens sont très palpables.