A la veille de l’organisation de la COP25 au Chili, Bank Al-Maghrib a organisé ce 30 octobre une conférence internationale sur la Finance verte inclusive. « Cette conférence fait la jonction entre deux des préoccupations les plus pressantes auxquelles sont confrontés les pays émergents et en développement, à savoir l’inclusion financière et le changement climatique a précisé d’emblée le Wali de Bank Al-Maghrib Abdellatif Jouahri.
Les effets sont plus intenses pour le continent africain, fortement exposé aux effets du changement climatique et présentant les taux d’inclusion financière parmi les plus bas au monde avec une moyenne estimée aux alentours de 40% par le dernier Global Findex.
Pour le gouverneur de BAM « Appréhender la problématique du changement climatique, de l’angle des banques centrales et des superviseurs que nous sommes, implique de comprendre les changements structurels qui vont devoir affecter le système financier et plus largement l’économie et qui vont nous interpeller au niveau de la conduite de nos missions fondamentales, tant en matière de stabilité des prix, de stabilité financière que d’inclusion financière. Le renforcement de nos capacités en la matière, la coopération et le partage de connaissances à l’échelle nationale, régionale et internationale, sont en ce sens essentiels ».
Depuis bientôt deux ans et afin de structurer l’action des banques centrales, le réseau des banques centrales et superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS), a été créé par huit banques centrales à l’occasion du « One Planet Summit » tenu à Paris, pour devenir une plateforme d’échange entre les pairs à l’échelle mondiale. Ce réseau auquel a adhéré très tôt Bank Al-Maghrib, vise à faciliter la contribution du secteur financier à la réalisation de l’Accord de Paris et le développement, par la communauté financière, de pratiques appropriées de gestion des risques liés au climat et à l’environnement.
Le NGFS compte aujourd’hui 46 membres engagés volontairement à appuyer et accompagner la finance verte. Mais pas seulement, cette initiative a suscité l’intérêt des organismes normalisateurs internationaux, en particulier le 5 Comité de Bâle qui l’a récemment rejoint et d’autres qui ont fait part de leur volonté de lui emboiter le pas.
« Bank Al-Maghrib a saisi cette opportunité pour impulser le dialogue avec les pouvoirs publics et les autres régulateurs au niveau national et avec ses homologues à l’échelle africaine à l’effet de construire, ensemble, les contours d’une coopération active sur le sujet de la finance verte et de la résilience climatique. Je me réjouis de voir que certaines des banques centrales africaines que nous avons approchées ont affirmé leur volonté de se joindre au mouvement et comptons également sur l’implantation des groupes bancaires marocains dans 27 pays d’Afrique pour le déploiement, au niveau continental, de politiques financières vertes convergentes », annonce Abdellatif Jouahri.
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Les effets d’une telle fédération ne se sont pas fait attendre. Au Maroc, parmi les principales réalisations qui s’en sont suivies, le wali de BAM cite le développement de quelques offres de financements verts par le secteur bancaire dont la plupart sont adossées à des lignes de financement bilatérales et multilatérales, l’émission de premières obligations vertes ou encore la mise en place par la Bourse de Casablanca d’un indice de référence mesurant les performances des cours d’entreprises responsables au plan environnemental, social et de bonne gouvernance.
Pour accélérer la prise en compte des enjeux climatiques par le secteur bancaire, Bank Al-Maghrib travaille actuellement à l’élaboration d’une directive réglementaire énonçant ses attentes dans ce domaine en tant que régulateur. La Banque centrale s’apprête également à lancer, avec ses partenaires concernés une étude nationale sur les risques climatiques au Maroc avec l’accompagnement d’experts internationaux.
« Ceci étant, nous sommes encore au tout début d’un long processus et le chemin à parcourir reste encore très long pour commencer à réaliser des progrès significatifs dans la transition vers une économie plus résiliente et à bas carbone. Cette année, le Maroc a adopté un Plan Climat National à horizon 2030 qui vise à assurer l‘adaptation des secteurs les plus touchés, à savoir l’eau, l’agriculture et la pêche, ainsi que l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre principalement par les secteurs de la production d’électricité, du transport et de l’agriculture », ajoute A. Jouahri.
La mise en œuvre d’un tel plan nécessite des investissements considérables qui requièrent un partage des financements et des risques entre les secteurs publics et privés ainsi que les bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Mais exige également un dispositif fiscal adapté, des produits de garantie ou encore des instruments de financement innovants tels que les fonds verts et les partenariats publics-privés.
Abdellatif Jouahri rappelle par ailleurs que depuis une quinzaine d’années, le Maroc a pris des initiatives en faveur d’une finance financière et verte à la fois dans le cadre de la stratégie d’inclusion financière dont Bank Al-Maghrib est le chef de file. Cette stratégie a tout naturellement amené au développement de premières solutions financières à dimension verte ciblant les petits agriculteurs et la TPME. Il s’agit notamment de la mise en place d’une offre de financement, bénéficiant du soutien de l’Etat, dédiée aux petites et moyennes exploitations agricoles n’ayant pas accès au crédit bancaire en raison de leur fragilité économique. L’un des objectifs étant de permettre à cette population qui représente 70% du tissu agricole marocain, l’adoption de pratiques agricoles résilientes au changement climatique.
Le Wali de BAM cite également l’offre assurancielle qui a été également mise en place pour couvrir les pertes subies par les agriculteurs induites par les sinistres liés au climat. Et plus récemment la mise en place du fonds de solidarité contre les évènements catastrophiques.
S’agissant de la TPME, l’institution publique de garantie des crédits a récemment intégré la dimension verte dans son offre en adoptant un système incitatif consistant à améliorer ses conditions d’intervention pour les crédits destinés aux entreprises opérant dans l’économie verte. Elle a par ailleurs, mis au point une offre de financement ciblant les projets verts.
Mais Abdellatif Jouahri estime que « Ces initiatives de portée encore limitée, doivent être renforcées et complétées par d’autres mécanismes pour répondre à l’ampleur des besoins. En cela, la Microfinance a un rôle déterminant à jouer dans l’orientation de la clientèle de la micro-entreprise et des TPE vers des projets résilients et leur financement. Le digital constitue également une opportunité pour accélérer une inclusion financière à bas coût, contribuant à la résilience des populations y compris face au climat ».
La conférence organisée en partenariat avec l’Alliance pour l’inclusion financière (AFI) a réuni plus de 100 régulateurs et décideurs de plus de 40 pays, pour étudier les pistes de renforcement, à travers les échanges d’expériences, de la contribution des régulateurs et du secteur financier à lutter contre les effets du changement climatique.
Pour le Dr Alfred Hannig, Directeur exécutif de l’AFI, cette Conférence mondiale sur la finance verte inclusive ambitionne de créer un espace d’échange et de collaboration autour des méthodes qui permettront aux décideurs et régulateurs financiers d’utiliser la finance verte inclusive pour résoudre les effets de l’urgence climatique. Cette action, a-t-il ajouté, requiert un engagement qui dépasse les frontières et les institutions. Ainsi, « conscients que l’urgence climatique est un domaine de convergence mondiale qui nous appelle à agir ensemble, nos efforts de collaboration vont au-delà des organisations et des réseaux et brisent les barrières internationales séparant les pays en développement de ceux développés », a souligné le Dr Hannig.