Près de deux ans après l’intégration de la loi-cadre 06.22, le Conseil des ministres a acté la mise en œuvre de quatre nouvelles instances sanitaires stratégiques. Parmi elles : la Haute Autorité de la Santé et les groupements sanitaires territoriaux (GST).
Un chantier qui va redéfinir la gouvernance du secteur et dont il était question lors de la conférence-débat de la Britcham, mardi 4 juin, intitulée : « La Gouvernance du système de Santé au Maroc : Changements, défis et impacts ».
Cette rencontre avait pour objectif de mettre en lumière les défis et les opportunités liés à la mise en place d’un système de santé universel et de qualité au Maroc. «La gouvernance de la santé est un enjeu majeur pour le développement humain et économique d’un pays. Il s’agit de mobiliser les ressources nécessaires pour assurer l’accès aux soins de qualité, la protection sociale et la promotion de la santé publique.
Un changement dans la durée. En effet, l’installation d’une nouvelle gouvernance de la santé va permettre une continuité des politiques publiques en matière de santé et ainsi construire un système de santé robuste et actif sur de longues périodes. Un constat partagé par l’ensemble des panélistes de cette conférence.
D’entrée, Dr. Maryam BIGDELI, Représentante de l’OMS au Maroc, a dressé un portrait des enjeux de la bonne gouvernance du secteur. Parmi eux : « les capacités et compétences qu’il faut savoir retenir ». Environ 700 médecins décident de quitter le Maroc chaque année. « Les retenir » et « revaloriser le statut de la fonction publique du médecin » est un des enjeux de la réforme, a rappelé Dr. Redouane SEMLALI, PDG du Groupe Oncorad, professeur en Radiothérapie et Président de l’Association nationale des cliniques privées.
Ce dernier a également rappelé l’importance du secteur privé dans la contribution à la qualité des soins. Le privé intègre notamment aujourd’hui des soins innovants comme la robotique. Or, « il faut apporter des incitations fiscales pour pouvoir l’encourager à davantage investir ». Autre nécessité : l’intégration du privé dans les nouvelles instances sanitaires. « Les GST doivent intégrer le privé dans leurs gouvernances » a déclaré le Pr. Jaafar HEIKEL, Professeur de Médecine et d’Épidémiologie, spécialiste en maladies infectieuses et économiste de la santé.
Une nouvelle gouvernance pour une meilleure qualité des soins
Autre enjeu : le coût et les dépenses publiques en matière de santé. « Actuellement, le citoyen marocain contribue à plus de 60% des dépenses de santé. Aussi, chaque année, l’intégralité des fonds publics alloués à la santé ne sont pas entièrement dépensés » a rappelé le Pr. Jaafar HEIKEL. La refonte de la gouvernance devrait permettre une gestion plus fine de la santé avec des gouvernances régionales puissantes. C’est le sens des groupements sanitaires territoriaux (GST).
De son côté, Dr. Moulay Said AFIF, Docteur en pédiatrie et Président de la Fédération Nationale de la Santé au Maroc, a souligné l’importance d’un système de santé « où le public et le privé marchent ensemble ». Parmi les leviers d’action : la gouvernance mais également des mesures économiques et budgétaires. « Certains tarifs de prestations médicales n’ont pas évolué depuis 2006 ». Il est selon lui « essentiel d’entamer une réflexion » alors que la couverture sanitaire s’est généralisée avec une promesse d’accès aux soins de qualité pour tous.
La souveraineté et l’innovation, enjeux de la gouvernance
Au cœur de plusieurs discours royaux depuis plusieurs années, le secteur de la santé connaît une réforme accélérée. « L’enjeu de la bonne gouvernance sera aussi celui du développement de la recherche » a souligné Pr. Abdallah BADOU. Le directeur du Laboratoire d’immuno-génétique et de pathologie humaine à la Faculté de médecine et de pharmacie a plaidé en faveur d’une recherche médicale pleinement intégrée au secteur de la santé et qui permette de produire des solutions médicales qui répondent aux besoins de la population. Pour cela, plusieurs défis restent de mise, notamment le partage de la data.
Enfin, alors que le Maroc cherche à développer une industrie pharmaceutique locale robuste, visant à réduire la dépendance aux importations et à diminuer les coûts des médicaments pour les citoyens, la recherche et son financement seront des enjeux capitaux à intégrer dans la nouvelle gouvernance.