Ecrit par Soubha Es-Siari I
La hausse concomitante de l’inflation et du taux de chômage remet en cause les principes de fondement de la politique économique. Bank Al-Maghrib, à l’instar de 70% des banques centrales du monde, s’est efforcée à juguler l’inflation en ajustant les taux d’intérêt. Les politiques budgétaire et monétaire mises en œuvre se sont toutefois montrées incapables de redresser la barre pour garantir à la fois un taux de chômage et une inflation faible.
Le resserrement de la politique monétaire adoptée par un nombre de pays commence petit à petit à donner les fruits escomptés. Le recul de l’inflation se fait au goutte à goutte comme en attestent les taux fournis périodiquement par les différentes économies. La tendance mondiale est actuellement marquée par une hyperinflation accompagnée d’une montée du chômage.
L’économie marocaine à son tour s’inscrit dans cette tendance suite à la succession des crises tout le long de ces dernières années. En guise de rappel, la flambée des prix au Maroc a émergé d’une manière flagrante après le conflit russo-ukrainien. Étant exogène à ses débuts, l’inflation s’est par la suite transformée en une inflation par les coûts et par un choc d’offre négatif sur les produits alimentaires. L’IPC pris comme indicateur de référence de l’inflation a connu une évolution de 6,6% et l’inflation sous-jacente a été estimée à 5,8% en 2022. Sur la base des projections qui se sont dessinées au cours des 9 premiers mois de l’année en cours, l’inflation devrait s’établir, selon les projections de BAM, à 6% en 2023 puis diminuer de 2,6% en 2024.
L’économie nationale s’est par ailleurs caractérisée par une hausse du taux de chômage, soit 13,5% au 3e trimestre (le plus haut niveau de la crise financière 2007-2008). Cette hausse vertigineuse du taux de chômage résulte en partie des effets engendrés par les crises sanitaires et pétrolières mais également et fondamentalement par les années de sécheresse successives qui ont sérieusement affecté les activités dans le milieu rural. Selon le HCP, sur les 297.000 emplois perdus entre 2022 et 2023, 269.000 sont des emplois du milieu rural en majorité non rémunérés.
Cette hausse du taux de chômage conjuguée à une hausse de l’inflation remet en cause les spéculations des théories économiques. Il est théoriquement admis dans un contexte normal qu’une hausse de l’inflation est accompagnée par une diminution du chômage et à contrario lorsque l’inflation diminue, le chômage tend à augmenter.
En 1958, l’économiste néo-zélandais Alban Phillips théorise la relation entre taux d’inflation et taux de chômage : lorsque le taux de chômage diminue, les salaires montent, et les entreprises haussent les prix pour rétablir leurs marges ; inversement, les prix baissent quand le chômage augmente. Cette relation, la « courbe de Phillips« , servit aux économistes monétaristes (Milton Friedman et Robert Lucas) pour démontrer l’existence d’un « taux de chômage naturel » : les prix reflétant selon eux un équilibre optimum de marché, le taux de chômage qui en découle est incompressible, et la courbe de Phillips doit donc être verticale.
Or, la conjoncture actuelle très fragile impactée en un laps de temps court par deux crises profondes et par la décroissance du secteur agricole en a décidé autrement, le taux de chômage au niveau national a augmenté de 2 points environ et l’indice des prix à la consommation serait au terme de 2023 de l’ordre de 5%.
Il en ressort ainsi que les politiques budgétaire et monétaire mises en œuvre se sont montrées dans l’incapacité de redresser la barre pour garantir à la fois un taux de chômage et une inflation faible. En cause, les facteurs exogènes forts pour ne citer que les aléas liés à la conjoncture internationale ou ceux climatiques.
Force est de rappeler qu’en matière de réduction du chômage, le gouvernement, au départ dans sa déclaration d’investiture, a mis comme priorité des priorités l’emploi des jeunes. Un objectif qui passerait nécessairement par la restructuration de l’économie et un renforcement conséquent de l’investissement. La politique de promotion de l’emploi s’est fixée un objectif de pourvoir quelques 313.000 emplois pour l’année 2023. Un objectif qui semble irréalisable selon les pronostics du HCP.
Du côté du ciblage de l’inflation en vue de fléchir la forte tension sur les prix, la Banque Centrale a adopté une politique monétaire restrictive en augmentant le taux directeur à deux reprises. Résultats des courses : des réalisations pas très concluantes.
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