Dans l’énergie finale du Maroc, qui augmenter de 2 à 3% par an pendant encore longtemps, certes l’électricité ne représente qu’un peu moins de 45% en 2023, mais elle n’atteignait pas 30% en 1980 et sa part va encore augmenter lentement mais sûrement.
Le déploiement futur des véhicules électriques devrait accélérer la part de l’électricité au détriment du gasoil et du super qui représentent 32% des parts de l’énergie finale en 2023. Or, dans la palette du marché intérieur des produits énergétiques (butane, propane, super, gasoil, charbon et fuel, pour ne citer que les plus « visibles »), l’électricité est la moins difficile à décarboner… à condition d’y allouer les ressources financières adéquates. Le réseau électrique étant le moyen de transporter cette électricité, sa présence et sa qualité sont fondamentales pour la décarbonation de l’énergie d’un pays. Voici pourquoi, ici où ailleurs, dès lors qu’il est question de transition énergétique, le débat se focalise sur l’électricité parce que dans l’électrification des usages, la décarbonation dépend de ce qu’on appelle « intensité des émissions » de la production d’électricité qui, au Maroc, est descendue à près de 0,670 en 2023, après avoir avoisiné 0,750 kg d’équivalent CO2 par kWh en 2022 où le Maroc se plaçait 9ème derniers dans le bas du classement mondial.
L’intégration de l’électricité renouvelable dans le réseau du Maroc
Il y a deux aspects qui ressortent de l’intégration des énergies renouvelables :
- D’abord, la satisfaction permanente et instantanée de la demande devient plus complexe quand la part d’électricité renouvelable intermittente augmente (surtout éolienne et solaire). Mais devenir plus complexe ne veut pas non plus dire impossible ! Je n’ai pas la prétention de connaître précisément le métier des ingénieurs qui s’occupent des centres de dispatching et qui maintiennent, à tout moment, l’équilibre entre offre et demande mais, pour en deviner la complexité, je salue leur travail. Pour autant, dans un Maroc où la part de l’énergie électrique renouvelable n’a pas atteint 22% en 2023, je réfute le conservatisme de ceux qui disent déjà qu’il faut limiter la part des renouvelables intermittents dans le réseau, tout simplement parce que je me dis qu’il faut regarder du côté de l’Espagne, du Portugal, de la Grande-Bretagne, de la Californie et surtout l’Australie du Sud qui dépassent périodiquement, sinon annuellement, des parts d’électricité renouvelable intermittente dépassant les 50%. Donc, puisque l’on DOIT faire appel à plus de renouvelables pour combattre la dépendance énergétique et son coût, on doit s’inspirer des expériences des autres au lieu de répéter des affirmations révolues qui ne se justifient plus que par du conservatisme ou du lobbying.
- Ensuite, il est vrai qu’une plus grande densité du maillage du réseau facilite l’injection de plus grandes parts d’électricité intermittente par plus de foisonnement de chemins d’évacuation de l’électricité. Mais, pour autant, rendre plus aisé ne veut pas dire que ce soit impossible sans cela, les réseaux très peu maillés de la Californie et de l’Australie du Sud en sont la preuve. Les câbles étant indifférents au sens du courant électrique, on peut faire sans cela tant que l’on ne dépasse pas les capacités d’accueil qui, sur le réseau de basse tension s’identifient aux capacités installées.
La situation des centrales électriques renouvelables du Maroc à fin 2023
Les appels d’offres de centrales électriques se font :
- En EPC (Engineering, Procurement, Commissioning) : la centrale est livrée clés en mains, avec ou sans maintenance ultérieure, au maître d’ouvrage qui la paye et en devient immédiatement propriétaire. Pour les centrales renouvelables les plus récentes du Maroc, c’est le cas :
- des 92 MW du barrage de Ahmed El Hansali – Oum Errabiaa (2003)
- des 7,4 MW du barrage de Ait Massoud – Oum Errabia (2003)
- des 18 MW du barrage de Tanafnit (2009)
- des 22 MW du barrage de El Borj (2010)
- des 3,5 MW du parc éolien « Abdelkhalak Torres », Koudia Al Baïda, Fnideq Ouest (2000)
- des 60,35 MW du parc éolien « Amougdoul », Cap Sim, Essaouira (2007)
- des 107,1 MW du parc éolien Dhar Saadane, Tanger (2009)
- des 33,15 MW du parc éolien Beni Majmel, Tanger (2010)
- des 120,9 MW des 3 centrales solaires « Tafilalet » à Erfoud, Missour et Zagora (2021)
- En BOOT (Build, Own, Operate, Transfer) : la centrale est financée, installée et exploitée par une tierce partie en contrepartie d’un contrat d’achat de l’énergie électrique produite (PPA, Power Purchase Agreement) pendant une durée (20 à 40 ans) au-delà de laquelle la pleine propriété est transférée au maître d’ouvrage qui peut, entre temps, en être partiellement propriétaire. Le PPA peut inclure obligation d’achat de tout ou partie de la production électrique (« take-or-pay »). Au Maroc, cela correspond à une concession à l’exclusivité de la production d’électricité et pour les centrales renouvelables les plus récentes, c’est le cas :
- des 50,4 MW du parc éolien Koudia Al Baïda, Fnideq Ouest (2000-2019)
- des 301,3 MW du parc éolien Addwikhia, Tarfaya Sud (2014)
- des 582.5 MW des 4 centrales solaires du Complexe de Ouarzazate (2016 et 2018),
- des 104 MW des 2 centrales solaires de Laayoune et Boujdour (2018),
- des 215 MW du parc éolien Midelt Nord Est (2021)
- des 115,81 MW du parc éolien Touahar 1 & 2, Taza Nord Ouest (2022)
- des 295,8 MW du parc éolien Boujdour Nord Est (2023)
- des 269,1 MW du parc éolien Jbel Lahdid, Essaouira (2023)
- En IPP (Independent, Power, Producer) : la centrale est financée, installée et exploitée par une tierce partie en contrepartie d’un droit de démarchage de clientèle pour l’achat de l’énergie électrique produite. Des PPA sont alors signés entre l’opérateur et ses propres clients, l’opérateur du système électrique se chargeant alors de les livrer moyennant un droit de passage. Pour les centrales renouvelables du Maroc les plus récentes, c’est le cas :
- des 5,25 MW du parc éolien « Driss Cherrak », Laayoune – Indusaha (2003 à 2011)
- des 32,2 MW du parc éolien Tetouan – Lafarge 1 et 2 (2005 à 2009)
- des 202,11 MW du parc éolien Akhfennir, Tarfaya Est – EEM (2013)
- des 50,6 MW du parc éolien Haouma, Tanger Med – EEM (2013)
- des 50,6 MW du parc éolien Foum El Oued, Laayoune – EEM (2013)
- des 120 MW du parc éolien Khalladi, Jbel Sendouk, Ksar Sghir – APK (2018)
- des 403 MW du parc éolien Aftissat 1 & 2, Boujdour Sud – EEM (2018)
- des 35 MW du parc éolien Oualidia 1 & 2 – Innovent Maroc (2021)
Les centrales électriques renouvelables atteindront-elles 52% du total ?
Nous devrions sans doute atteindre l’objectif de 52% de puissances renouvelables avant même 2030, surtout parce qu’en 2008 ce pourcentage se rapportait initialement à une capacité totale de 24’000 MW en 2030 alors que nous nous orientons vers moins de 17’000 MW et qu’avec un dénominateur plus petit, les capacités renouvelables à mettre en œuvre seront plus faibles que celles initialement prévues. Malgré cela, le principal défi auquel faire face le Maroc est le manque de moyens financiers, j’en veux pour preuve le fait que, même sans l’expérience du Maroc, le carnet de chèques bien garni de l’Algérie va lui permettre de mettre en service 3’000 MWc de solaire PV en 2026, 4 ans après l’appel d’offres en EPC (voir plus bas).
Par Amin BENNOUNA sindibad@uca.ac.ma