Le mouvement de détente sur le marché mondial des céréales se poursuit mercredi, les exportations colossales de blé russe confortant cette tendance malgré les incertitudes géopolitiques et des conditions météorologiques disparates.
En dépit des doutes sur le renouvellement du corridor céréalier en mer Noire le 18 mai, « le repli des cours est lié au fait que les Russes continuent d’exporter massivement, et que les Ukrainiens accélèrent de leur côté », explique Gautier Le Molgat, analyste chez Agritel.
Les prix du blé ont terminé en baisse jeudi avant le week-end de Pâques, et la fermeture des marchés européens et américains. Cette tendance se poursuivait en début de semaine sur Euronext, le blé s’échangeant autour de 250 euros la tonne.
L’abondance du blé russe, dont 4,7 millions de tonnes ont été exportées au seul mois de mars, et son « prix bon marché » continuent de faire fléchir les cours, selon Jack Scoville, analyste chez Price Futures Group.
Cela renforce la concurrence internationale, et le Maroc, « très dépendant des importations pour les céréales, a commencé à voir comment accorder aux produits russes le même niveau d’aide à l’importation accordé aux produits européens », cite comme exemple M. Le Molgat.
Par ailleurs, Moscou aura « un stock important cette année », ce qui devrait aussi tirer les prix vers le bas au début de la prochaine campagne, souligne Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.
Cependant, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a menacé vendredi à Ankara de suspendre l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes si les ventes de produits agricoles russes restent entravées.
L’autre volet de cet accord, qui permet de sortir les précieux grains d’Ukraine, concerne en effet les exportations d’engrais russes.
Théoriquement, ces produits indispensables à l’agriculture mondiale ne tombent pas sous le coup des sanctions occidentales imposées à Moscou depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Mais ils sont de fait entravés par les banques.
A un mois de l’expiration du corridor, « les Russes commencent la négociation en disant que ça ne fonctionne pas », note Damien Vercambre. Ce qui laisse présager des tensions, accompagnées de « beaucoup de volatilité » sur les marchés, prévient Dewey Strickler, d’Ag Watch Market Advisors.
« Chaud et sec »
« La sortie de l’hiver amène les opérateurs à s’intéresser aux nouvelles récoltes – qui arriveront dans environ deux mois et demi – et pour le moment, les conditions de culture sont bonnes » en Europe, indique M. Le Molgat.
Elles s’annoncent plus difficiles dans les pays d’Afrique du Nord, confrontés à des risques importants de sécheresse.
A Chicago, les cours du blé sont légèrement remontés en début de semaine, du fait notamment de « mauvaises conditions de croissance dans les plaines de l’ouest » américain, où il fait « très chaud et sec », rapporte Jack Scoville.
A cause du manque d’eau, le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a constaté une légère dégradation de l’état des blés d’hiver aux Etats-Unis, avec 28% de conditions de culture excellentes ou bonnes contre 29% l’an dernier à la même époque.
Dans son rapport mensuel publié mardi, l’USDA a une nouvelle fois revu à la baisse son évaluation de la production mondiale de maïs et de soja pour 2023, en lien notamment avec la « pire sécheresse depuis 1929 » en Argentine, selon les mots de son président Alberto Fernandez.
Ces perspectives ne suscitent « guère de surprise », a commenté Dewey Strickler, d’autant que l’abondante production de maïs russe devrait venir compenser le recul.
D’autre part, les prix du maïs américain sont « actuellement très compétitifs par rapport à l’Amérique du Sud, car le Brésil se concentre plutôt sur les exportations de soja », selon Jack Scoville.
Les conditions de culture devraient aussi s’améliorer pour le soja, avec une moindre humidité dans le Midwest et des pluies bénéfiques en Argentine (AFP).