« Fin de cycle pour l’islam politique au Maghreb ? »[1] La question de la fin de la parenthèse islamiste a été tellement évoquée, sans être suffisamment analysée, durant les jours qui ont suivi la publication des résultats des élections du 8 septembre 2021 au Maroc, qu’un président de parti s’est arrogé le droit, ou commis la bourde, de déclamer une réponse au mauvais endroit et au mauvais moment.
« Le Maroc a évolué d’un projet d’Etat islamique (ou islamiste) à un projet d’Etat libéral, démocratique et social », c’est ainsi que s’est exprimé le secrétaire général du parti national démocrate (PND) en conférence de presse à l’issue de son entretien avec M. Aziz Akhannouch dans le cadre des concertations devant aboutir sur la constitution du futur gouvernement.
L’objet de ce papier n’est pas de questionner une mauvaise réponse, d’autant plus que la déclaration en question est imprécise et que son auteur n’a pas pris la peine, suite au tollé qu’il a suscité, de lever les innombrables ambigüités conceptuelles qu’elle comporte.
Cette déclaration maladroite, prise avec d’autres incidents ou maladresses, comme la lecture de versets coraniques par le conseiller UMD de la ville de Rabat, M. Hamid Fekhar[2], ou encore comme les affiches et les spots des partis de gauche arborant des femmes portant le voile, appel du pied adressé aux électeurs conservateurs, sont autant d’indices de la confusion qui entache les esprits des électeurs et des élus, qui brouille les messages et embrouille les perceptions.
Pour démêler le vrai du faux dans cet imbroglio, il faut questionner plus en hauteur intellectuelle et plus divinement[3] le rapport du religieux et du politique dans notre pays. Nos intellectuels, conservateurs comme progressistes, abordent ces questions dans leurs conférences et leurs publications, mais disposons-nous des passerelles nécessaires pour que les idées des uns et des autres se retrouvent clairement formulées dans le débat politique, dans les esprits des électeurs et des élus ?
Nos médias fournissent-ils l’effort nécessaire à élever le niveau de leurs contenus à la hauteur des défis et des menaces de dislocation qui guettent notre société si elle n’était plus suffisamment cimentée, notamment par la compréhension des termes des clivages qui se profilent.
Les institutions religieuses (Conseils des Ouléma et Rabita Mohammedia des Ouléma) participent-elles aux questions qui intéressent l’opinion publique (ou La Oumma) ?
J’ai pris connaissance tout récemment de l’existence d’un observatoire des opinions publiques numériques, ne devrait-il pas participer à jeter la lumière sur les traits caractéristiques de ces opinions diverses afin que les compromis puissent-être anticipés et afin que nous puissions éviter les crises et les ruptures ? Le PJD, portant une parole officielle et légale, ne correspondait-il pas à l’eau dans laquelle se diluait un discours islamiste dur, latent et potentiellement véhément ?
Les questions relatives au religieux et au politique deviennent très vite un amas difforme si elles ne sont pas soumises à la rigueur de la méthode. Or, celle-ci est du domaine de la recherche académique, n’est pas le fort du commentaire ni même de l’analyse journalistique, et ne s’invite jamais dans les fanfaronnades des politiques.
C’est pourquoi il faut chercher secours dans les travaux académiques si l’on veut introduire de la clarté dans la manière de poser les problèmes d’une part et rétablir la communication au moment d’envisager les solutions d’autre part. François Gauthier, dans le cadre de ses recherches[4] sur les questions liées à la religion et à la sociologie politique, propose de stratifier le phénomène religieux en trois niveaux, macro, semio et micro, avant de leur faire correspondre les questionnements auxquels se livrent les travaux de recherche.
Une transposition toute approximative de la méthode Gauthier aux questionnements liés aux rapports entre le religieux, le politique et le social marocains illustre fort bien à quel point elle peut s’avérer pertinente et utile.
Au Maroc, le niveau macro[5] correspondrait à la religion dans sa sacralité entière en cela qu’elle représente les fondements de la Nation et son histoire d’une part et dans la mesure où elle participe à son devenir et à son positionnement géostratégique d’autre part. Ce qui relève de cette strate supérieure ce sont les fondamentaux inscrits dans le marbre de la Constitution, dont l’Islam en tant que religion de l’Etat et la Commanderie des croyants (Imarat Al Mouminines).
Partant de là, lorsque le chef du gouvernement nouvellement désigné, à l’issue des pourparlers avec les partis politiques, précise dans son discours que le prochain gouvernement devra agir dans le respect des fondamentaux constitutionnels, dont l’Islam en tant que religion de l’Etat, on ne peut pas considérer qu’il corrige la bourde précitée du président du PND. Les paroles de ce dernier, bien que maladroites, ne sont pas susceptibles de s’attaquer à la religion dans sa strate macro puisque le futur gouvernement n’est pas une assemblée constituante et n’est mandaté que pour agir dans le cadre des dispositions constitutionnelles.
Mais le doute demeure justifié parce que M. Benali parle de projet. Rejoindrait-il M. Abderrahim Berrada qui considère que les dispositions constitutionnelles relatives à l’Islam « ne doivent cependant pas être entendues littéralement mais dans leur esprit, lequel autorise à dire qu’un amendement de la Constitution tendant à l’instauration d’un régime laïc ne devrait pas être déclaré irrecevable (entendez : interdit de débat et d’être soumis au vote), parce que la laïcité ne met pas en cause (donc ne révise pas) la pérennité de l’Islam »[6].
Quelques pages plus loin, M. Berrada va au bout de ses constructions et déclare : « Il faut aller au fond de la problématique et répéter que cette Commanderie des croyants n’a aucune raison d’être dans un Etat qui prétendant aller vers la démocratie, doit, pour être cohérent, s’ériger en Etat non-religieux »[7].
Pourquoi laisser une lecture aussi tendancieuse que celle de M. Berrada perturber la quiétude juridique et spirituelle des Marocains, et potentiellement, saper leur unité autour des constantes immuables de la nation ? Les institutions officielles, religieuses et légales, ne devraient-elles pas affirmer ou infirmer les propos de M. Berrada en formulant une critique constructive et apaisante de ses théories afin de rassurer le citoyen sur la bonne lecture des dispositions relatives à la révision de sa Constitution[8].
Cependant, quoi qu’en pensent ces messieurs, secrètement peut-être pour M. Benali et limpidement et ouvertement pour M. Berrada, lesdits fondamentaux ne sont pas objet de contestation de la part des partis politiques au Maroc, font l’unanimité dans toutes les sphères officielles, sont largement considérés comme source de la stabilité du pays et de l’exception marocaine.
Accordons-lui le bénéfice du doute et disons que la maladresse de M. Benali concerne fort probablement la strate intermédiaire, meso, proposée par Gauthier[9]. S’il avait prononcé ses paroles avec doigté, c’est-à-dire à un autre endroit, à un autre moment, leur sens serait de rappeler que la société marocaine est de moins en moins homogène au regard des mœurs religieuses et que le déclin du parti islamiste ouvre la voie à une expression plus libre des autres religions, des discours laïcs, voire même des hérésies s’il en était. C’est à ce niveau intermédiaire qu’un déficit abyssal de communication peut être relevé et qui se traduit par des formes graves de dégénérescence en termes de cohésion sociale et d’unité sociétale.
Pour illustrer le déficit en question, il suffit de lire certains auteurs comme M. Abdessamad Dialmy qui prône par exemple une interprétation personnelle de l’interdiction religieuse des rapports sexuels faite aux personnes non mariées. Selon lui, la religion n’a interdit cette forme de sexualité qu’en raison de l’absence de moyens contraceptifs à l’époque du message coranique. Aujourd’hui, l’interdiction n’aurait plus raison d’être puisque les moyens contraceptifs sont disponibles.
Le problème dénoncé ici réside dans le silence des autorités religieuses face à pareilles théories. Quid de la sérénité et de la sécurité spirituelles du citoyen qui reçoit des messages contradictoires de la part de l’autorité religieuse d’une part (le prêche du vendredi ou la chaîne Mohammed VI), et de la part d’autorités intellectuelles comme le sociologue Dialmy, d’autre part, qui interprète les textes religieux, lui aussi ?
Le citoyen enfin, qui est concerné individuellement par le niveau micro[10] de la stratification de Gauthier, souffre de l’incohérence qui caractérise la couche meso par rapport aux principes et préceptes de la macro.
Les auteurs de « L’Islam au quotidien »,[11] après avoir démontré à travers leur étude sociologique à quel point les pratiques religieuses au Maroc étaient multiples et contradictoires, ont conclu que la souffrance de l’individu marocain ne prendrait fin que lorsque le processus de sécularisation, qu’ils considèrent en marche, aura abouti à la constitution de liens sociaux nouveaux, à prépondérance positive du point de vue juridique, et dans lesquels la dimension religieuse deviendrait minimale.
Cette proposition, concluant une étude sociologique, peut aisément être contestée du point de vue spirituel. Le citoyen d’un Etat dont la religion est l’Islam a besoin que les strates macro et meso soient toutes les deux favorables à l’exercice serein de sa religiosité et à son accomplissement spirituel. Partant de là, la strate meso doit être « régulée » de manière à favoriser une religiosité cohérente avec la strate macro.
La défense des constantes de la nation requiert non seulement leur constitutionnalisation mais encore la pérennisation de la cohérence de la religiosité des individus. Pour qu’il y ait la Commanderie, encore faut-il qu’il reste des croyants, pratiquants et fervents ! « La religiosité (micro) est par ailleurs structurée en dernière instance par le religieux (macro), et les trois niveaux sont interreliés par un flux de processus de création et de structuration mutuels » [12].
Cela nous amène à la contestation de la proposition en question du point de vue politique, et pour cela, il suffit de la qualifier comme étant ce qu’elle est vraiment, c’est-à-dire subversive : partant du constat que l’incohérence des niveaux micro et meso avec le niveau macro génère de la souffrance et porte atteinte au lien social, il ne peut y avoir d’autre remède que de décapiter le système, c’est-à-dire destituer le sacré et proclamer la suprématie du droit positif.
Prôner « l’évolution de la société vers un système sécularisé » est une euphémisation peu crédible du sens véritable qu’elle peine à couvrir puisqu’il ne s’agit pas moins que de saper les fondamentaux qui cimentent la société depuis des siècles et d’espérer que le droit puisse suffire en guise de substitut.
Le même discours subversif est tenu par plusieurs autres intellectuels comme Mme Sanaa El Aji. Dans son livre « sexualité et célibat au Maroc », elle considère que, puisque les comportements (religiosité) des individus (niveau micro) sont contraires aux préceptes de la religion (niveau macro), il faut étendre les possibilités de déploiement des « formes de religions » ou « non-religions » (niveau meso), notamment en légiférant de manière incohérente avec les fondamentaux du niveau macro. Pour Mme El Aji, puisque les gens non mariés ont des rapports sexuels, et puisque l’âge du mariage est de plus en plus tardif, pour des raisons économiques et pour d’autres, légiférons pour qu’ils puissent le faire sans enfreindre la loi (niveau meso).
Le constat d’incohérence de la religiosité des individus (micro) que fait Mme El Aji de manière finement documentée est bien réel. Suffit-il pour autant à justifier la transfiguration des strates meso et macro ? Ne devrions-nous pas plutôt nous atteler à rappeler l’importance de la famille, la sacralité du mariage et les vertus de la chasteté (macro) tout en trouvant les solutions aux problèmes économiques (meso) qui sont à l’origine du mal ?
Quittons le domaine des mœurs et revenons aux élections. Le conseiller qui lit le Coran, aussi maladroit qu’il est, lui aussi, nous interpelle et nous fait poser la question suivante : la morale musulmane disparaît-elle du champ politique avec le PJD ? Est-ce qu’il est impertinent de la part d’un élu non islamiste de prendre référence dans les textes religieux ?
Si nous étions suffisamment cohérents en tant que tout social, par rapport aux trois niveaux de stratification du religieux, nous n’éprouverions aucune gêne à dire que l’action politique doit être conforme aux préceptes de l’Islam. Nous exigerions des partis politiques qu’ils instaurent des critères ne permettant d’accréditer aux élections que les candidats disposant de compétences avérées et non pas ceux aux ambitions démesurées dont le seul souci est de conquérir les sièges[13]. Les règlements intérieurs des partis politiques deviendraient eux-mêmes des composantes de la strate meso et chercheraient à être en cohérence avec le niveau macro en prévoyant des règles qui permettent à leurs militants d’exercer la politique tout en étant en accord avec la morale religieuse (niveau micro).
La disparition quasi totale du parti islamiste de l’échiquier politique constitue certainement un évènement majeur du point de vue du jeu politique et de la compétition pour l’exercice du pouvoir. Mais là n’est pas l’effet le plus important de cette éclipse. C’est un canal d’échange entre les trois niveaux (macro, meso et micro) qui disparaît.
La communication entre les trois strates devra être repensée pour éviter que cela ne dégénère dans la rue comme cela a été le cas en 2000 autour du projet de réforme du code de la famille[14]. Le PJD, depuis qu’il a été constitué en tant que parti politique, et même bien avant, en tant que composante de la mouvance islamiste, participait, bien que non intentionnellement (et bien qu’illégitimement), à la légitimation des fondements religieux du système politique et donc, à la défense de la strate macro.
Désormais, le fou étant sacrifié, il faudra défendre la tour.
En termes plus clairs, des situations d’incertitude comme celles relatives aux mœurs telles qu’illustrées plus haut à travers le cas des théories de M. Dialmy ne sont plus tenables.
Il faudra légiférer dans le sens souhaité par Mrs Dialmy et Berrada et Mme El Aji ou leur dire qu’ils ont tort, avec autorité et méthode !
Les questions sociétales les plus clivantes aujourd’hui étant en lien avec la religion, la proposition du rapport sur le nouveau modèle de développement consistant à mettre en place des espaces de débat socio-théologique[15]est tout-à-fait louable et sa concrétisation revêt une urgence extrême.
Mohammed Mesmoudi
Docteur en droit et chercheur en politiques publiques
[1] « Fin de cycle pour l’islam politique au Maghreb ? La formule commence à faire florès au vu de la double infortune subie cet été par Ennahda, en Tunisie, et par le Parti de la justice et du développement (PJD), au Maroc, deux formations issues de la matrice islamiste qui avaient intégré, depuis 2011, les exécutifs de leur pays. Des vents mauvais se lèvent sur ce segment du champ politique d’Afrique du Nord après une décennie de participation au pouvoir ». Le Monde Afrique, journal en ligne du 13 septembre 2021. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/09/13/au-maghreb-les-severes-deconvenues-de-l-islamisme-de-gouvernement_6094435_3212.html
[2] Le 24 septembre, lors de la session de vote pour la désignation du président du conseil de la ville de Rabat, le conseiller Hamid Fekhar, au moment de mettre son bulletin dans l’urne, saisit le micro, déclare qu’étant dans un pays musulman il fallait commencer la session par la lecture de versets coraniques, et psalmodie des versets de la Sourate « Les hypocrites ». https://www.achkayen.com/338086/.html
[3] « En effet, nous avons le tort de croire que le vrai et le faux concernent seulement les solutions, ne commencent qu’avec les solutions…
La vraie liberté est dans un pouvoir de décision, de constitution des problèmes eux-mêmes : ce pouvoir, « semi divin », implique aussi bien l’évanouissement des faux problèmes que le surgissement créateur des vrais. « La vérité est qu’il s’agit, en philosophie et même ailleurs, de trouver le problème et par conséquent de le poser, plus encore que de le résoudre. Car un problème spéculatif est résolu dès qu’il est bien posé. J’entends par là que la solution en existe alors aussitôt, bien qu’elle puisse rester cachée et, pour ainsi dire, couverte : il ne reste plus qu’à la découvrir. Mais poser le problème n’est pas simplement découvrir, c’est inventer. Gilles Deleuze, La philosophie de Bergson, PUF.
[4] François Gauthier, Religieux, religion, religiosité, La Découverte| « Revue du MAUSS », 2017/1 n° 49 | pages 167 à 184
[5] Le niveau macro constitue le niveau le plus élevé, le plus abstrait et le plus général. De même qu’on parle du politique ou de l’économique, on parlera de religieux (en substantivant l’adjectif) pour évoquer la manière dont les corps sociaux (par exemple les « sociétés ») sont en relation avec leur extériorité (l’Altérité) et leur fondement, et notamment avec l’Origine, l’infini et l’éternité. Si, comme l’écrit Alain Caillé [2009, p. 78], le politique est l’instance de mise en forme des sociétés qui trace la frontière entre le dedans et le dehors, entre les amis et les ennemis, le religieux est ce qui gère la frontière avec le dehors : avec l’altérité, l’invisible et l’infini.
[6] Abderrahim Berrada, Plaidoirie pour un Etat laïque, Tariq Editions, 2018, p. 184.
[7] IDEM, p. 191.
[8] « Aucune révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la religion musulmane, sur la forme monarchique de l’Etat, sur le choix démocratique de la nation ou sur les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux inscrits dans la présente Constitution ». Article 175 de la Constitution
[9] Au niveau meso, intermédiaire, on parlera de la religion comme on parle de la politique ou de l’économie. « Religion » réfère donc aux formes religieuses variablement autonomisées et institutionnalisées dans une société donnée à une époque donnée. Ce niveau est celui des religions dès qu’il est question de sociétés plurielles. Ce niveau est constitué par ailleurs d’un ensemble de phénomènes complémentaires et/ou concurrents : les religions officielles et les religions non-officielles, voire les hérésies, ainsi que, cela est important, la myriade de pratiques et de croyances composant la « religion populaire » et qui déborde souvent de l’emprise des religions officielles mais demeure institutionnalisées dans des traditions. Le tout de « la religion » à une époque donnée inclut donc un ensemble allant du plus au moins institutionnalisé, y compris les formes pouvant entrer en compétition avec la religion officielle ». François Gauthier, Religieux, religion, religiosité, op. cit.
[10] Au niveau micro, enfin, la religiosité réfère au religieux vécu, c’est-à-dire aux appropriations personnelles, aux comportements, aux significations subjectives et aux dimensions expérientielles de la religion. Les travaux des historiens ont démontré à quel point les religiosités pouvaient se situer à une certaine distance du religieux prescrit par les autorités et les institutions religieuses La religiosité est à ce niveau le plus souvent indifférenciée des autres dimensions de l’existence. Elle s’avère intriquée dans une toile de significations et de pratiques qui sont à la croisée des déterminations sociales (on ne peut pas inventer sa religion en dehors du spectre des possibles à un moment et à un endroit donné, c’est-à-dire au sein d’un régime particulier, une grammaire énoncée au niveau macro) et de la liberté et de la créativité des appropriations individuelles. Comme l’a démontré Raymond Lemieux, la cohérence de la religion à ce niveau ne doit pas être jugée en fonction des critères de la rationalité objective ni à l’aune des préceptes de la religion instituée mais bien par rapport à sa fonctionnalité dans la vie des personnes et leur capacité de construire une narration dans des « itinéraires de sens ». François Gauthier, Religieux, religion, religiosité, op. cit.
[11] Mohammed El Ayadi, Hassan Rachik et Mohamed Tozy, L’Islam au quotidien, Editions La Croisée Des Chemins, 2013.
[12] « Du point de vue substantif, Max Weber a construit sa sociologie des religions sur les significations subjectives, c’est-à-dire le sens que les individus donnent à leur action et la manière dont les doctrines religieuses influent sur les comportements. En ce sens, la religion intermédiaire peut se comprendre jusqu’à un certain point comme un idéal-type dérivé de la pluralité des religiosités individuelles. À ceci près que les religions (meso) acquièrent une consistance propre par le fait de leur institutionnalisation (en dur ou en mou). La religiosité (micro) est par ailleurs structurée en dernière instance par le religieux (macro), et les trois niveaux sont interreliés par un flux de processus de création et de structuration mutuels ». François Gauthier, Religieux, religion, religiosité, op. cit.
[13] عن أبي موسى الأشعري -رضي الله عنه- قال : دخلتُ عَلى النَبيِّ -صلَّى الله عليه وسلَّم- أنَا ورجلاَن مِنْ بَنِي عَمِّي، فَقَال أحدهما : يا رسول الله، أمرنا على بعض ما ولاك الله -عز وجل- وقال الآخر مثل ذلك، فقال: « إِنَّا وَالله لاَ نُوَلِّي هَذَا العَمَل أَحَدًا سَأَلَهُ، أَو أَحَدًا حَرِصَ عَلَيهِ » (متفق عليه).
[14] « Les islamistes défilent à Casablanca, les « modernistes » à Rabat », Libération, 13 mars 2000, https://www.liberation.fr/planete/2000/03/13/les-islamistes-defilent-a-casablanca-les-modernistes-a-rabat-au-maroc-les-femmes-reveillent-la-rue-l_318528/
[15] « Il est également suggéré de mettre en place des espaces de débat socio-théologique, en tant que cadre apaisé et serein permettant de faire avancer le débat sur les questions sociétales, telles que l’interruption volontaire de grossesse (IGV), le statut social des femmes célibataires, le mariage des mineures, et la tutelle des enfants, et ce avec la participation des représentants des instances religieuses, des acteurs concernés de la société civile et des experts ». Rapport sur le nouveau modèle de développement, p. 121.