Au lendemain du Séisme d’El Haouz, l’État a été acculé à parer à l’urgence et à lancer un plan de reconstruction des régions sinistrées. Pour contribuer à cette dynamique, OTED a engagé une réflexion à laquelle partenaires publics et privés ont contribué. Ainsi, une centaine d’experts se sont livrés à l’exercice proposant une quarantaine de solutions innovantes, durables et faciles à implémenter pour accompagner ce plan d’urgence. Détails.
C’est un travail titanesque que celui qui a été engagé au lendemain du séisme d’Al Haouz. L’ampleur des dégâts n’avait d’égal que l’élan de solidarité et de mobilisation tous azimuts pour parer à l’urgence et identifier la démarche à suivre pour la reconstruction de la région.
Dans cet élan, OTED, a édité un guide de la reconstruction, regroupant une quarantaine de solutions innovantes, durables et faciles à implémenter pour accompagner cet effort de mobilisation nationale à l’issue de la restitution des travaux des D.Days sous le thème « EcoDouars, entre souhaits des habitants, respect du patrimoine et exigence de la nature ».
Mis à la disposition des parties prenantes du chantier de reconstruction, ce guide est le fruit de la mobilisation de plus d’une centaine d’experts marocains et de l’implication de plusieurs partenaires majoritairement publics et privés.
Il faut noter que plusieurs critères ont été pris en ligne de compte dans ce brainstorming inédit, particulièrement offrir un travail à caractère pratique et réalisable, puisque répondant aux besoins urgents de la communauté tout en respectant les contraintes locales.
En effet, durant les différents ateliers, les experts ont produit des recommandations communes qui témoignent d’une vision partagée, destinée à appuyer le projet de reconstruction et à accroitre son impact sur le long terme.
Cette vision partagée est structurée autour de trois volets qui peuvent être menés simultanément tant qu’ils sont régulièrement alimentés et ajustés selon les données de la première phase « diagnostic, gouvernance et prérequis, jusqu’à la mise en œuvre puisque le guide détaille le modus operandi de l’implémentation de ces recommandations. Avec un accent mis sur la participation communautaire.
Ainsi, les experts ont souligné que l’engagement communautaire dans les communautés locale, accompagné par le tiers secteur, doit favoriser le développement endogène des écodouars par la co-construction d’un avenir souhaité, la promotion du génie du territoire, une gouvernance locale de la reconstruction réinventée et une mise en réseau novatrice.
Le guide recommande dans ce sillage, la formation de facilitateur territorial par écodouar, puisque pour la reconstruction, l’intervention publique devra composer avec une diversité d’acteurs et d’intérêts, confrontés à des enjeux de justice sociale et parfois de gestion des conflits.
L’approche participative, ancrée dans les traditions des douars, reste un moyen de prendre des décisions plus consensuelles, voire plus justes, concernant les orientations et les stratégies de développement local. Le guide détaille comment cette participation doit être organisée et outillée. De même que le Plan Intégré de Formation Professionnelle pour la Reconstruction et le Développement Endogène des communautés locales.
Il est recommandé dans ce sillage de valoriser le génie ancestral du territoire en mettent en ligne une plateforme digitale numérisant les différents patrimoines naturel, immatériel, archéologique des régions touchées. Ainsi que la mise en réseau entre douars et associations.
Pour ce qui est de la thématique de l’architecture et l’urbanisme, il y a lieu de rappeler qu’un institut d’Ecoconstruction a été lancé à Benguerir et différentes infrastructures ont déjà été réalisées.
Ainsi, il est recommandé de capitaliser sur cette avancée pour le lancement d’une formation d’urgence des architectes des provinces et communes touchées à l’écoconstruction.
De même qu’une formation des jeunes de villages. Dans ce sens, une action a déjà été lancée par OTED et l’OFPPT pour une formation accélérée en écoconstruction au profit des jeunes des douars. Elle devrait avoir lieu à Tahanaout et devrait débuter début novembre prochain.
Entre autres recommandations, le Guide propose un schéma synoptique d’intervention.
Pour une reconstruction durable
Selon le guide, il est recommandé de réaliser un diagnostic énergétique au niveau des douars, pour avoir un état des lieux précis (nombre de populations, liste des douars connectés ou non au réseau) et identifier les solutions adaptées. Ce diagnostic permettra de disposer d’une cartographie générale des douars, des familles, leur connexion au réseau ou pas, opportunités économiques et activités de chaque douar afin de pouvoir déterminer le besoin à court et moyen terme.
Si le douar n’est pas connecté au réseau, il est nécessaire de lancer une étude pour déterminer s’il serait plus intéressant de connecter le douar au réseau électrique ou bien de l’alimenter par le biais d’une installation solaire centralisée.
Une Enquête terrain pour recueillir et confirmer les besoins des habitants des douars est également déterminante.
Dans une démarche étudiée, il est impératif d’avoir une cartographie générale des capacités et options de valorisation des déchets (méthanisation, biocombustible solide/bois de chauffage, engrais organique…).
Aussi, afin de réussir ce projet de reconstruction et créer de l’activité économique durable, le groupe recommande de :
appuyer les Coopératives de Services opérant dans la filière de l’Energie, constituées de Jeunes des douars qui seront formés pour : réaliser les installations et les maintenances des équipements énergétiques de leurs douars ; et réaliser, à travers un système de monitoring le suivi de la performance des équipements ainsi que le niveau de consommation de l’énergie. Cela permettra d’assurer les continuités des services.
Ce projet nécessite un accompagnement avant, durant et après la reconstruction à travers une sensibilisation des populations sur l’utilisation et la maintenance des équipements et matériaux.
L’impératif d’une démarche durable passe également par les services publics avec l’importance de promouvoir les possibilités d’investissements privés pour ouvrir la porte de l’autoproduction, et donc réduire les factures énergétiques des Bâtiments (dans le cadre de la coopérative de service énergétique par exemple).
Pour ce qui est de l’activité économique, le guide suggère de préparer une banque d’idées regroupant les solutions recommandées. Cette liste pourrait être réalisée par des autoentrepreneurs et entrepreneurs de la région avec la possibilité d’être accompagnés par l’OFPPT pour la réalisation (Accompagnement des porteurs de projets).
La connectivité est également de mise puisqu’il est recommandé de mettre en place un socle digital de services : C’est une solution d’accès à internet associée à un service public qui offre une connectivité solidaire aux habitants du douar. Ce socle doit être géré par un agent formé pour accompagner les habitants et les assister à utiliser les ordinateurs connectés. Les habitants pourraient eux aussi bénéficier de la digitalisation de l’Administration par exemple.
L’Unité territoriale, un impératif
Dans une démarche durable, rien n’est laissé au hasard même la gestion des déchets. Après un tour d’horizon de la situation et des contraintes relevées, les participants ont relevé que la question de l’unité territoriale de base est la clé d’entrée pour une meilleure gestion du territoire. Cela a déjà été mis en exergue par des experts d’aménagement du territoire, géographes et urbanistes.
En matière d’eau et d’assinissement, les participants à l’atelier ont tenté d’amener des réponses à comment assurer une gestion de l’eau potable pour assurer la distribution dans les douars et éviter les pertes inutiles. Comment recycler les eaux usées pour un usage utile aux douars (réutilisation dans les maisons, arrosages) ? Et comment récupérer efficacement les eaux de pluie pour un usage utile aux douars (transformation en eau potable, arrosages) ?
Autre thématique explorée par le guide, celle de la formation professionnelle dans le sens où la reconstruction durable va faire émerger de nouveaux marchés, de nouvelles activités et transformer les métiers. Elle requiert et requerra plus encore des compétences spécifiques.
Cet enjeu concerne tant les entreprises que les pouvoirs publics et les acteurs de la formation professionnelle initiale ou continue. Si la nécessité d’adapter ses compétences tout au long de sa vie professionnelle est vraie dans tous les secteurs économiques, les activités de la reconstruction durable sous la bannière de la transition écologique et énergétique ont la particularité de souvent se confirmer et de s’appuyer sur des technologies émergentes.
Le D.DAY organisé par OTED en partenariat avec des acteurs institutionnels en charge de la transition écologique et énergétique et avec la participation des acteurs territoriaux, a permis de dresser une série de recommandations, détaillées dans le guide.
La question de la conservation, la restauration et la valorisation du parc de Toubkal a également figuré au menu des thématiques analysées par les experts à la faveur de la biodiversité, du tourisme Durable et de l’agroécologie.
Tous les experts ont été unanimes quant à la nécessité de passer par des étapes clés pour ce chantier, formulées en tant que recommandations générales.
Pour la mise en œuvre efficiente de ces solutions, le guide recommande de favoriser les échanges d’expertise entre les douars en mettant en place des plateformes conséquentes.
Et afin de permettre une meilleure application de ces solutions sur le terrain, avec un suivi efficace, les experts se sont entendus sur l’opportunité de les tester dans quelques villages pilotes avec l’intention d’ajuster les actions et d’offrir des benchmarks internes.
Ce guide présente un exercice d’intelligence collective pour mobiliser l’expertise nationale au service de la reconstruction.
Derrière ce travail, une dizaine d’organismes publics, d’institutions privées et de représentants du monde associatif qui ont été mobilisés par l’initiative citoyenne OTED.
Il s’agit notamment de la Société d’ingénierie énergétique, Agence Marocaine pour l’Efficacité Energétique, Laboratoire Public d’Essais et d’Etudes (LPEE), ONEE Branche Eau, Agence nationale des Eaux & Forêts, OFPPT, Cluster Efficacité énergétique des matériaux de construction, Association Marocaine d’Assistance et d’Accompagnement Psychologique et Association des lauréats de l’Ecole Mohammedia des Ingénieurs (AEIM).