Ecrit par Soubha Es-Siari I
Face à une sécheresse aigüe, le déficit de croissance dans la perspective d’une progression très limitée des principales composantes du secteur primaire ne pourra être que faiblement compensé par les activités industrielles, commerciales et de services. Une première raison : la limitation des marges de manœuvre budgétaire qui continuent de privilégier la stabilisation du cadre macro-économique au dépend de la relance.
Les configurations de l’activité économique s’annoncent en ce début d’année fort contraignantes. L’insuffisance des pluies depuis le lancement de la campagne agricole, jugée très sévère par rapport à une année moyenne, hypothèque, dès à présent, les performances du secteur primaire et un bon nombre d’activités de commerce et de services qui en dépendent. Un coup dur à la croissance économique n’est donc pas à écarter.
C’est que, compte tenu de cette sévère sécheresse qui affecte le Maroc, la production agricole enregistrerait, au mieux, un niveau comparable à celui de l’an passé, signifiant par la même occasion une stagnation de la valeur ajoutée agricole en 2024, après une progression de 5% relevée en 2023 (+5%), et une chute spectaculaire (-12,9%) de 2022. A cause de cette évolution très erratique, la valeur ajoutée accuse une baisse tendancielle évaluée à (-0,3%) sur la période 2019-2024.
Le déficit de croissance dans la perspective d’une progression très limitée des principales composantes du secteur primaire ne pourra, par ailleurs, être que faiblement compensé par les activités industrielles, commerciales et de services.
La raison à cela tient, en premier lieu, aux orientations de politique économique menée par l’équipe aux pouvoir qui, à cause d’une limitation des marges de manœuvre au plan budgétaire, continuent de privilégier la stabilisation du cadre macro-économique et la maîtrise de la dépense publique.
La demande intérieure aussi bien de consommation que d’investissement serait, dans la perspective de repli des revenus, de l’exacerbation des tensions inflationnistes importées et de la baisse du pouvoir d’achat, insuffisante pour soutenir l’activité et l’emploi.
En second lieu, même la demande des marchés extérieurs, aussi dynamique soit-elle pour les secteurs exportateurs ou stratégiques, ne pourra jouer qu’un rôle limité dans le soutien au cycle de production.
C’est que dans le contexte d’aujourd’hui marqué par la montée des incertitudes et des risques, les perspectives de relance de la croissance à l’échelon international en 2024 demeurent assez modestes avec des tendances nettement différenciées entre pays avancés et pays émergents et en développement. Le PIB mondial ne devrait augmenter que 2,4% en 2024 (0,9% pour la zone Euro ; 1,1% pour les USA ; 4,5% pour la Chine ), contre des progressions nettement supérieures en 2023.
Partant des nouvelles perspectives de la conjoncture au plan international et tenant compte des contraintes pesant sur les ressorts internes de l’activité, notamment au niveau du secteur agricole, le cycle de croissance pour l’économie nationale ne devrait, dans cette conjoncture morose, enregistrer au terme de cette année qu’une hausse limitée ne dépassant pas les 3% du PIB. D’ailleurs et eu égard aux évolutions très contrastées, la création de richesses par l’économie nationale n’a progressé en cinq ans, sur la période 2019-2024, que de 1,5% !
Cette perspective qui se révèle, en définitive, très contraignante eu égard aux objectifs visés au plan des revenus, de l’emploi et de la protection sociale appelle, une fois de plus, l’urgence de la mise en œuvre des programmes de restructuration permettant de faire face aux vulnérabilités de l’économie nationale et la replacer sur des sentiers de croissance plus soutenus et moins dépendants des aléas climatiques.
Autrement dit, la libération du potentiel de croissance de l’économie nationale passe par la maitrise de l’une des contraintes dirimantes qui a pour nom le stress hydrique dont la sècheresse est le corollaire fatal.