En 2020, tout le monde est aux prises avec le stress et l’anxiété que la COVID-19 a fait entrer dans nos vies. Tout ce que nous faisons ou entreprenons comporte un risque de contamination, nous n’avons pas la maîtrise du monde qui nous entoure. L’information à propos du virus change constamment, nous surfons dans l’inconnu et cela fait peur…
Les malades atteints de cancer, doivent absolument suivre leur traitement, et rester en contact avec leur(s) médecin (s) traitant(s). Une étude récente de l’University College of London, estime que plus de 6000 décès supplémentaires pourraient survenir en Angleterre au cours de l’année prochaine en raison du retard des soins et à l’infection par le coronavirus. Des calculs similaires aux États-Unis estiment 34 000 décès supplémentaires seront dus à un retard dans le diagnostic du cancer au cours des 12 mêmes mois.
Les cancéreux ont 4 à 5 fois plus de risques de développer une forme sévère de la COVID-19, à cause de la fragilité de leur système immunitaire, aussi bien par la maladie que par certains traitements, dont la chimiothérapie.
La télémédecine constitue l’une des solutions, permettant un suivi médical plus sécuritaire. Ana Maria Lopez, oncologue médicale à l’Université Thomas Jefferson aux États-Unis, a déclaré au Lancet Digital Health que dans son centre de cancérologie, le nombre de visites de télémédecine en mai 2020 était équivalent à celui prévu pour toute l’année. «De nombreux centres sont passés de 40 visites de télémédecine par an à 4000 en un mois»[1]
En oncologie, plusieurs actes de télémédecine pourraient être pratiqués : la téléconsultation, la télé-expertise, le télé-suivi et la téléassistance médicale….
Le « télé-suivi cancérologique »
Grace à la téléconsultation, le malade peut solliciter rapidement l’avis de son médecin traitant, et d’assurer à domicile son suivi post chimiothérapie et thérapies ciblées, grâce aux objets connectés (thermomètre, tensiomètre, bracelets connectés…).
Les téléconsultations en oncologie dans les zones rurales se sont développées dans plusieurs pays, notamment aux USA et en Australie, avant même la crise sanitaire de 2020. Les preuves scientifiques démontrent une efficacité clinique, une rentabilité certaine de cette pratique et des taux élevés de satisfaction chez les patients qui en ont bénéficié. Même la prise en charge psychiatrique ou la psycho-oncologie[2] pourrait être assuré à distance grâce aux séances de télé-suivi avec un psychologue.
La télé-expertise
La télémédecine permet d’assurer et d’établir facilement la communication entre les différents professionnels de santé grâce à la pratique de la télé-expertise. Ainsi, le médecin traitant, l’infirmière, le nutritionniste et l’oncologue peuvent, à titre d’exemple, communiquer à distance et solliciter mutuellement leurs avis afin d’optimiser les soins délivrés aux patients.
La téléassistance médicale
Enfin, l’oncologue-radiothérapeute peut assister à distance l’infirmière dans le cadre de traitements des complications (brulures, œdème, irritations, douleurs…), omniprésentes après des traitements par radiothérapie et/ou chimiothérapie.
La Télé-éducation
Selon le rapport technique de l’OMS région Europe, l’éducation thérapeutique du patient est une partie importante dans le processus de soin, permettant aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie. Il s’agit, par conséquent, d’un processus permanent, intégré dans les soins, et centré sur le patient. La télémédecine peut également servir à soutenir l’équipe soignante à assurer cette activité d’une manière digitalisée. L’éducation implique des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage de l’autogestion et de soutien psychologique concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, aider les patients et leurs familles à comprendre la maladie et le traitement.
Ainsi, la pratique de la télémédecine apparaît de plus en plus comme étant une solution pertinente pour répondre aux défis d’accès aux soins de santé et représente une piste d’amélioration de la qualité et de l’offre de soins. Cette nouvelle manière d’exercer la médecine prend tout son sens dans cette discipline particulière qu’est la cancérologie avec des patients plus exposés au risque de la covid-19, fragiles et fatigués. Néanmoins, cette pratique ne dispense pas le professionnel de santé d’une présence physique pour l’examen clinique du patient et pour certains soins.
Toutefois, cette « cyber mutation » conduit à une utilisation massive de données de santé et d’informations sensibles, surtout avec la multiplicité des acteurs impliqués dans le processus (détenteur de l’application, professionnels de santé, patients). Cette utilisation massive engendre des risques importants d’atteinte à la sécurité et/ou confidentialité des données de santé. En effet, les données des patients se trouvent exposés aux risques de mésusage.
Ainsi, pour minimiser ces risques et en vue de protéger les données de patients, les instances internationales de la protection des données à caractère personnel, prônent pour la mise en place de :
- Un dispositif d’authentification forte pour reconnaître les utilisateurs et leur donner les accès nécessaires.
- Un dispositif de gestion des habilitations des utilisateurs du dispositif de télémédecine afin de limiter les accès aux données qui sont strictement nécessaires.
- Un dispositif de sécurité capable d’identifier un accès frauduleux, une utilisation abusive des données personnelles ou de déterminer l’origine d’un accident, afin de pouvoir réagir rapidement en cas de violation.
Dr GHANIMI Rajae
Médecin spécialiste en médecine du travail
Ecrivaine, chercheuse
[1] https://www.thelancet.com/journals/landig/article/PIIS2589-7500(20)30194-1/fulltext
[2] Un concept qui consiste à inscrire le souci du confort moral du patient et de la qualité relationnelle comme partie intégrante du processus de soin d’un malade cancéreux