Interviewé par Lamiae Boumahrou I
Les Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, tenues à Marrakech du 9 au 15 octobre, ont été une belle occasion pour le Maroc d’exhiber toutes les avancées et les réformes engagées pour faire du pays une terre d’investissement attractive.
Pour en savoir où en est le Maroc de sa stratégie de renforcement de l’attractivité de l’investissement, nous avons rencontré, en marge de cette messe de la finance et de l’économie, Ghali Skalli, Directeur Général de l’Investissement et du Climat des affaires. Ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques.
EcoActu.ma : Marrakech abrite l’un des plus importants événements économique et financier de l’année 2023 à savoir les Assemblées annuelles du FMI et de la BM. Comment ces Assemblées vont-elles se répercuter sur l’attractivité de la destination Maroc ?
Ghali Skalli : Les assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale sont un événement primordial à l’international et a fortiori pour le Maroc qui l’organise.
Il est primordial à deux titres. Premièrement, parcequ’il se tient dans un contexte très spécial. Un contexte malheureux pour le Maroc qui a été frappé durement par le séisme le 8 septembre. En maintenant ces assemblées, nos partenaires internationaux ont montré leur solidarité avec le Royaume du Maroc.
Le deuxième point qui ressort de ces assemblées annuelles, leur maintien est une preuve de confiance extrêmement importante.
La confiance dans la capacité du Royaume, avec à sa tête sa Majesté le Roi que Dieu l’assiste, à faire face à plusieurs crises (covid, inflation, sécheresse, séisme…). Aujourd’hui, le Maroc a démontré que nous sommes une nation souveraine, résiliante, solidaire, mature et crédible.
Deuxièmement, la confiance dans la capacité du Maroc à organiser des événements d’envergure internationaux à l’image de ces Assemblées annuelles BM/FMI, de la Coupe d’Afrique 2025 ou encore de la Coupe du monde de football en 2030.
Donc ce sont des victoires qui s’enchaînent pour le Maroc et qui sont une source de fierté pour tous les Marocains. Troisième point, plus directement lié au contenu des Assemblées annuelles, le Maroc ressort comme un partenaire financier crédible à nouveau.
Voir également : [Podcast] Assemblées FMI/BM : Ali Seddiki, DG de l’AMDIE « quand le Maroc s’engage, le Maroc délivre »
Le Maroc n’a jamais fait défaut de paiement des prêts contractés que ça soit auprès du FMI ou de la Banque mondiale. Ce qui est extrêmement important. Ceci étant, cette solvabilité est une preuve de la crédibilité du Maroc vis-à-vis des institutions financières mais aussi des investisseurs étrangers. A rappeler aussi, que le Maroc est le seul Etat africain qui a accès à la ligne de crédit flexible du FMI. Ce qui témoigne de la confiance dans le Maroc comme une destination privilégiée des investisseurs.
Depuis quelques années, le Maroc a placé la promotion de l’investissement en tant que priorité nationale. Plusieurs réformes, stratégies, programmes ont été mis en place pour promouvoir et renforcer l’attractivité de notre pays. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Vaste question. Beaucoup de choses ont été faites. La première et la plus évidente est l’adoption fin 2022 de la Charte de l’investissement. C’est une réforme majeure placée comme priorité du gouvernement dès sa nomination.
Les premiers dispositifs de cette Charte notamment ceux de soutien sont entrés en vigueur et les premiers projets ont déjà bénéficié de l’accompagnement. Aujourd’hui, nous témoignons d’un changement de paradigme extrêmement clair et significatif sur l’investissement. Les chiffres en attestent. Bien que nous soyons en phase de les compiler, le volume des investissement passés en commission nationale des Investissements a plus que triplé.
Mais ce qui est le plus important dans cette dynamique et nous le constatons dans ces projets, c’est l’orientation de ces investissements vers l’impact social.
Depuis l’instauration de la nouvelle Charte, 71% des primes accordées aux projets d’investissement le sont pour des projets qui sont en dehors de l’axe El Jadida-Tanger soit dans les régions les moins favorisées. Cela va dans le sens de l’équité territoriale tant voulue et c’est l’un des objectifs majeurs de la Charte.
Autre constat, de plus en plus de projets sont prêts à changer leurs prévisions en ressources humaines pour intégrer plus de femmes et ainsi bénéficier de la prime « équité genre ».
Aussi afin de bénéficier de la prime de localisation, des projets qui étaient quasiment engagés dans des régions comme Casablanca ou El Jadida mais ils ont changé de localisation pour aller vers des villes comme Guercif, vers Guelmim, vers Sous-Massa…
C’est cet effet d’orientation des investissements qui, aujourd’hui, nous satisfait le plus.
Vous avez soulevé les retombées de cette Charte sur le plan national, mais qu’en est-il du plan international ? Cette Charte est-elle assez séduisante pour attirer les investisseurs internationaux, les bailleurs de fonds…, nombreux à ces assemblées annuelles FMI/BM à Marrakech ?
La Charte est certes très importante. Mais vous avez tout à faire raison. Les assemblées annuelles sont une tribune privilégiée pour faire biper le Royaume dans tous les radars.
Nous avons tenu une session en marge de ces Assemblées sur « le Maroc, terre des investissements » lors de laquelle il a été question de présenter les avantages comparatifs du Royaume. Il y en a principalement quatre.
Le premier, c’est l’environnement institutionnel du Maroc. Le Maroc est aujourd’hui un îlot de stabilité dans un océan d’instabilité. Et c’est un constat relevé par les investisseurs étrangers eux-mêmes. Il faut dire que dans le contexte actuel, la stabilité politique, sociale et économique sont devenues une ressource extrêmement rare de par le monde.
Secundo, le Maroc est une destination compétitive. Rappelons que les facteurs de compétitivité à travers le monde ont changé. L’un de ces facteurs est la disponibilité d’une énergie verte peu coûteuse. Sur ce domaine, le Maroc est bien positionné, il est même leader. Autre facteur, une main-d’œuvre et un capital humain disponible et qualifié. Là encore, le Maroc a des avantages à faire valoir.
Au moment d’élaborer les business plans des investisseurs étrangers, et tenant compte de tous ces atouts, le royaume arrive parmi les deux ou trois premiers pays attractifs à l’investissement voire même en tête de la liste.
A noter aux que le Maroc est un marché non pas de 40 millions de Marocains seulement mais plutôt de 2,5 milliards de personnes.
Nous sommes un pays libéral à économie ouverte ayant signé plus de 50 accords de libre-échange. C’est même l’un des très rares pays dans le monde à avoir des accords de libre-échange à la fois avec l’Union Européenne qu’avec les États-Unis. Lesdits accords ne suffisent pas. Nous avons des infrastructures de niveau international qui donnent accès à ces marchés. Et tout cela fait que les investisseurs étrangers sont intéressés pour produire et pour exporter. au Maroc. Et enfin, il y a cette Charte qui encourage les investisseurs sur le plan financier mais pas que.
Cette Charte donne un signal fort de l’engagement du gouvernement marocain, de l’État marocain, à accompagner ces investisseurs. Je ne cesserai de le répéter notre mot d’ordre est la « confiance ». Aussi en dévoilant les priorités de l’État, en montrant son niveau d’implication dans les secteurs stratégiques et vitaux et en identifiant les budgets à mobiliser par l’État pour accompagner l’investissement, la Charte donne cette confiance aux investisseurs.
Comme vous dites, la confiance est le mot clé. Mais qui dit confiance dit amélioration du climat des affaires. Qu’en est-il de la gouvernance de la Nouvelle Feuille pour l’amélioration du climat des affaires à l’horizon 2026 ?
Bien sûr, comme vous l’avez si bien rappelé, le climat des affaires est un axe majeur. Il ne suffit pas d’attirer les investisseurs, il faut créer le bon environnement pour transformer cet intérêt en projets d’investissements. Je dois dire que le climat des affaires du Maroc n’est pas si mal que ça.
Mais notre ambition va bien au-delà. Aujourd’hui, nos pays de comparaison ne sont plus ceux en bas mais ceux en haut du tableau notamment les pays leaders en termes de climat des affaires.
Mais cela requiert aussi beaucoup de réformes pour ne citer que la lutte contre la rente et la corruption, la simplification des procédures administratives, le foncier, le conflit d’intérêt…
En effet, la première priorité est de faire face avec beaucoup de réalisme et de pragmatisme à tous ces problèmes.
Il y a la feuille de route pluriannuelle 2023- 2026 qui a été adoptée en mars de cette année dans laquelle une quarantaine de mesures ont été identifiées et qui listent toutes ces problématiques.
Mais la mise en oeuvre de cette feuille implique une priorisation des mesures qui est impérative pour atteindre les objectifs fixés.
Le foncier et la simplification des procédures administratives ont été identifiés comme étant les deux priorités majeures en termes de climat des affaires. Ce sont même des urgences. Quant à la gouvernance, la direction générale de l’Investissement et du climat des affaires, sous la tutelle du ministère délégué chargé de l’Investissement, de la Convergence et de l’évaluation des Politiques publiques, dont j’assure la direction, travaille en étroite collaboration avec le CNEA, qui relève directement du Chef du gouvernement. D’ailleurs, la feuille de route est le fruit d’un travail commun qui a mûri pendant plusieurs semaines.
Nous avons répartis les 40 mesures afin de pouvoir les adresser parallèlement. Et bien sûr, nous assurons un suivi commun.
Le Maroc s’est fixé comme objectif à l’horizon 2035, d’atteindre un objectif d’investissement 2/3 secteur privé et un 1/3 secteur public. Les réformes engagées sont-elles suffisantes pour atteindre cet objectif ?
C’est un objectif extrêmement important et extrêmement ambitieux. Ce que je peux affirmer, avec l’ensemble des projets que nous suivons et les projets en cours de développement, nous avons des raisons d’être confiants.
L’atteinte de cet objectif reste notre cible. A ce rythme, nous pourrions même atteindre la parité soit 50% privé et 50% public d’ici la fin du mandat soit durant 2026. C’est notre objectif à mi-parcours.
Je tiens à préciser aussi que la plupart des projets passés en commission d’investissement dans le cadre de cette nouvelle Charte sont marocains. Donc le principal effort de l’investissement privé reste l’investissement marocain.
En marge de ces assemblées annuelles, nous avons certes rencontré de nombreux investisseurs internationaux attirés par l’événement et par la destination Maroc, mais nous avons également rencontré de très nombreux investisseurs marocains.
A noter aussi que bon nombre d’investisseurs étrangers viennent accompagnés de partenaires marocains. Une mixité des capitaux qui est aussi importante. Cela dit, tenant compte de tout ce que je viens de citer, nous avons de bonnes raisons d’être confiants pour l’atteinte de l’objectif.