Dans un contexte international très contraignant, il paraît judicieux, voire opportun, de booster l’épargne nationale pour financer l’investissement. Les revenus issus du reste du monde restent très aléatoires et évoluent au gré de la conjoncture.
Les derniers chiffres publiés par le HCP révèlent un indicateur de taille pour l’économie marocaine. Un indicateur scruté en permanence par les analystes aussi bien économiques que financiers. Il s’agit essentiellement de l’épargne nationale qui, depuis plusieurs années, se situe à des niveaux inférieurs à l’investissement. En effet, bien que les derniers chiffres publiés par le HCP attestent de son amélioration à 26,5% du PIB au troisième trimestre 2019 contre 25,9% à la même période de l’année précédente, l’épargne nationale demeure en deçà des attentes d’un pays dont les besoins vont crescendo pour des raisons liées à la démographie, à l’espérance de vie, à l’ouverture outrancière des frontières… Des besoins liés notamment à l’éducation et à la santé, les deux mamelles de toute économie. Le comble est que l’épargne nationale reste insuffisante pour financer l’investissement dont le pays a grandement besoin et ce à un moment crucial de son développement économique et social. Ce qui conduit ipso facto à un relèvement du taux de l’endettement.
Au troisième trimestre, donc, l’investissement brut a représenté 30,6% du PIB au lieu de 32,7% durant le même trimestre de l’année précédente. A ce titre, il est utile de rappeler que depuis plus d’une décennie, le taux d’épargne a commencé à baisser par rapport à celui de l’investissement. Alertant sur ce gap qui se creuse d’année en année, les économistes attirent l’attention sur la nécessité de lever le pied sur l’investissement en matière d’infrastructures qu’ils qualifient de peu créatrices de richesses. Un choix qui ne fait pas l’unanimité dans un pays en quête de développement et où l’infrastructure joue un rôle et pas des moindres en matière de territorialisation et de répartition des richesses.
A la même période, soit le 3ème trimestre 2019, le besoin de financement de l’économie nationale s’est inscrit en baisse passant de 6,8% du PIB à 4,1%. Toutefois, force est de constater que l’amélioration du besoin de financement est plus due à l’augmentation des revenus nets reçus du reste du monde de 9,5% au lieu d’une baisse de 24,7% un an auparavant. Le revenu national brut disponible ayant progressé de 3,4% au troisième trimestre 2019 au lieu de 1,8% l’an précédent.
PLF 2020 : Quels apports en faveur de l’épargne ?
Cela n’empêche pas pour autant de dire que dans un contexte international très contraignant, il paraît judicieux, voire opportun, de booster l’épargne nationale pour financer l’investissement. Les revenus issus du reste du monde restent très aléatoires et évoluent au gré de la conjoncture internationale qui chaque jour a son lot d’incertitudes. Or, en regardant de près les politiques publiques, on se retrouve avec des mesurettes en faveur de l’épargne nationale. La Loi de Finances 2020 ne déroge pas à la règle.
Après avoir constaté que les trois plans d’épargne (PEA, PEE, PEI) n’ont pas connu le succès escompté, il a été décidé dans le cadre de la LF 2020 de porter le plafond à 2 MDH (vs 600.000 DH) dans le cadre des plans d’actions et entreprise conclus à partir du 1er janvier 2020. Les revenus et profits de capitaux mobiliers réalisés dans le cadre d’un plan d’épargne en actions ou d’un plan d’épargne entreprise au profit des salariés sont exonérés de l’impôt dans la limite du plafond. A l’instar des précédentes Lois de finances, celle de 2020 demeure maigre en dispositions incitatives en faveur de l’épargne.
Au Maroc, les données disponibles sur l’épargne montrent que nous avons un grand défi à relever en la matière. Si l’on soustrait les transferts des Marocains résidents à l’étranger, l’épargne des ménages, qui se situe autour de 14% de leur revenu disponible brut, serait beaucoup plus faible en comparaison internationale.
Et pourtant, les économistes n’ont eu cesse de répéter que dans un pays engagé dans la bonne trajectoire de l’émergence, le taux d’investissement et d’épargne doivent être élevés. Dans une récente étude, il est estimé que pour atteindre l’émergence dès 2025, le niveau d’investissement au Maroc devrait être de 35%, ce qui correspond à un doublement des efforts actuels à travers la mise en place d’un ensemble de réformes d’amélioration du cadre des affaires et une dynamisation de l’investissement domestique (surtout privé). Or, vu l’état actuel de l’épargne, il serait difficile de financer l’investissement sans recourir à l’endettement.
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