Ecrit par S. Es-Siari |
Le mode de financement du Fonds le distingue des autres fonds existants actuellement comme le Fonds Hassan II, le Fonds Ithmar ou le Fonds de Développement Industriel se trouvant actuellement limités dans leurs interventions. Mais jusqu’à quel degré, cette distinction garantira-t-elle son succès à savoir attirer un nombre important d’investisseurs dans les grands projets structurants ?
Il y a deux semaines, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement a tenu son 1er Conseil d’administration. La tenue du Conseil est intervenue 3 mois après la nomination de son directeur général, Mohammed Benchâaboun, soit le 18 octobre.
Rappelons que le Fonds Mohammed VI a été mis en place pour le soutien du programme de relance post-pandémie avec pour principal objectif le soutien au système de production et l’accompagnement des grands projets dans différents secteurs d’activité. Il est prévu que le Fonds mobilisera 15 Mds de DH du Budget de l’Etat qui seront complétés par la mobilisation des ressources auprès des institutionnels et du secteur privé à hauteur de 30 Mds de DH, soit au total une enveloppe de 45 Mds de DH. De cette manière, l’Etat partage le risque avec les investisseurs privés afin de faciliter leur implication dans des grands projets d’investissements dans le cadre des opérations de partenariats publics-privés.
Le succès du Fonds dépendra de sa capacité à attirer un nombre important d’investisseurs dans les grands projets structurants. Son mode de financement le distingue d’ailleurs des autres fonds existants actuellement comme le Fonds Hassan II , le Fonds Ithmar ou le Fonds de Développement Industriel.
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« Ces derniers dont le financement est assuré principalement par l’Etat se trouvent actuellement limités dans leurs interventions faute d’insuffisance de ressources et du fait de l’absence de dispositifs leur permettant de bénéficier de la participation du secteur privé », rappellent à juste titre les analystes du CMC.
D’après leurs propos, l’expérience vécue à l’international a montré la pertinence et l’efficacité du partenariat public-privé en période de crise pour engager des projets d’investissement stratégiques ou pour accompagner et soutenir les entreprises, petites et grandes, dans leurs programmes de développement en leur apportant un financement stable.
Mais rien n’est acquis. Des ingrédients sont toutefois nécessaires pour assurer la réussite du Fonds à accomplir la mission qui lui est dévolue et permettre à l’Etat de lever le pied sur la pédale de l’endettement compte tenu de son niveau actuel.
De prime abord, la bonne gouvernance du fonds, son efficacité et sa transparence requiert une importance cruciale du moins pour assurer la confiance des investisseurs institutionnels.
Il en est de même de la dotation de ce Fonds de ressources financières et humaines suffisantes pour saisir et gérer au mieux les opportunités d’investissement.
Aussi, l’adoption d’une forme juridique plus adaptée à l’environnement des affaires s’avère indispensable. Le leitmotiv étant bien entendu de se prévaloir de toute la souplesse nécessaire pour se conformer aux exigences d’un marché ouvert à des changements de plus en plus fréquents. A cet effet, l’adoption du statut de société anonyme (SA) comme forme juridique pour le Fonds semble la plus appropriée. Et pour cause : « Ce statut, régi par les dispositions de la loi 17.95, impose des mécanismes de contrôle selon les principes de transparence et d’intégrité permettant d’instaurer la confiance auprès des investisseurs ».
S’agissant du volet gestionnaire, les conjoncturistes mettent l’accent sur les principes et les meilleures pratiques internationales devant prévaloir à la fois dans les structures d’orientation stratégique, les décisions d’investissement et la sélection des partenaires.
Au-delà des prérequis, quid des périmètres d’intervention ?
La nouvelle tendance de relocalisation des activités industrielles apparues sous le choc pandémique offre également d’importantes opportunités pour le Fonds qui pourraient s’inscrire dans le cadre de la stratégie d’accélération industrielle mise en œuvre depuis quelques années. Outre la poursuite des programmes précédents intéressant notamment l’industrie automobile, l’aéronautique et l’électronique, les projets du Fonds pourraient investir les secteurs d’activité objet de relocalisation ou de la substitution aux importations.
S’agissant plus spécifiquement des relocalisations, les changements attendus dans les flux commerciaux à l’échelon international après le choc de la pandémie ouvriront de nouvelles possibilités de production et d’échanges sur les marchés de proximité du Maroc, comme celui de l’Europe. Le Fonds pourrait évidemment s’engager dans des projets d’investissement qui s’inscrivent dans la dynamique de relocalisation en Europe et dans son voisinage.
L’autre voie complémentaire est celle de la substitution à l’importation. Le Maroc a montré un potentiel réel de production au niveau local de nombreux produits importés, notamment d’Asie. Ce potentiel peut être exploité progressivement avec le concours du Fonds pour étoffer la base industrielle du pays, contribuer à plus grande intégration intrasectorielle de l’économie et atténuer le déficit commercial.