Ecrit par Lamiae Boumahrou I
Depuis que le séisme Al Haouz a été décrété catastrophe naturelle en octobre dernier, c’est le silence radio au sujet de l’intervention du Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC) dans le dispositif déjà mis en place. Le gouvernement n’a-t-il toujours pas encore trouvé l’issue réglementaire et juridique pour opérer cette activation ? Quid des fonds du FSEC et de la prime de la réassurance ?
Bientôt 5 mois après le violent séisme qui a frappé le Maroc le 8 septembre 2023 et plus précisément la région d’Al Haouz causant près de 3.000 décès et plus de 5.000 blessés, et toujours pas de nouvelle sur l’intervention du Fonds de solidarité contre les événements catastrophiques (FSEC).
Et pourtant, l’intervention de ce mécanisme dédié aux catastrophes naturelles devait entrer en vigueur après que le tremblement de terre d’Al Haouz soit décrété par le Chef du gouvernement comme étant une catastrophe naturelle.
Rappelons que cette décision a été prise le 24 octobre soit environ un mois et demi après le séisme, dans les délais légaux (3 mois) comme le stipule l’article 6 de la loi 110-14, instituant un régime de couverture des conséquences d’événements catastrophiques.
Depuis, c’est le silence radio sur comment le Fonds sera-t-il mis à contribution dans le cadre du programme de reconstruction et de mise à niveau générale des régions sinistrées par le séisme d’Al Haouz. Un programme qui, faut-il rappeler, a été annoncé, suite aux orientations royales, bien avant que l’état de catastrophe naturelle ne soit décrété.
Ce qui avait suscité plusieurs interrogations sur le rôle du FSEC dont la mission principale est d’indemniser les victimes des dégâts corporels et/ou matériels qui sont la conséquence de catastrophes naturelles.
En consultant le rapport du Budget citoyen du PLF 2024, nous avons été interpellé par l’absence du FSEC comme source de financement dudit programme.
« Sources de financement : budget général, contributions des collectivités territoriales, compte spécial dédié à la gestion des effets du tremblement de terre, Fonds Hassan II pour le développement économique et social ainsi que la coopération internationale », lit-on dans le rapport.
Et pourtant, le FSEC doit intervenir, comme le stipule la loi, notamment dans le premier volet de ce programme à savoir la reconstruction des logements et l’indemnisation directe des familles. Selon la configuration initiale, le FSEC devait offrir une compensation partielle plafonnée à 250.000 DH pour la perte de la résidence principale et à 70% des indemnités offertes aux non-assurés pour le préjudice corporel.
Bien évidemment eu égard l’ampleur des dégâts, le FSEC n’aurait pas pu faire face à une telle catastrophe d’où l’importance dudit programme. Mais cela n’empêche pas la non implication de ce Fonds dans la gestion post-séisme. Sinon à quoi sert l’adoption de tel instrument qui rappelons-le est, en partie, financé par les contribuables. Dans la précipitation et dans une logique d’agir rapidement, le gouvernement a-t-il omis de prendre en compte le FSEC au moment d’établir le programme de reconstruction et de mise à niveau générale des régions sinistrées ?
Ce qui est sûr, c’est que ce n’est qu’après avoir lancé le programme que le gouvernement s’est rendu compte de l’impasse réglementaire dans laquelle il avait mis le Fonds. Une source proche du dossier nous a reconnu que l’Exécutif cherchait une sortie réglementaire et juridique pour associer le Fonds au dispositif déjà mis en place.
Autre zone d’ombre, les ressources financières du Fonds. Rappelons que le FSEC est financé principalement par une dotation initiale fixée par l’État et une taxe parafiscale fixée à 1% des primes relatives aux contrats d’assurances.
Les derniers chiffres publiés remontent à 2021 dans le rapport de l’ACAPS du secteur des assurances (exercice 2021) qui font ressortir que les ressources financières du FSEC au titre de l’année 2021 ont atteint 235,8 MDH (produits d’exploitation) en augmentation de 16,9% par rapport à 2020.
Lesdits produits sont constitués des recettes alimentées mensuellement par la taxe parafiscale dénommée la Taxe de Solidarité contre les Evènements Catastrophiques. Aucune mention n’est faite sur la contribution de l’Etat dans ce rapport. Nous avons également consulté le rapport sur les comptes spéciaux du Trésor, accompagnant le PLF2024, mais le FSEC n’y figure pas.
Le non-déblocage de la dotation de l’Etat est-il la raison du retard que le gouvernement accuse dans l’opérationalisation effective du Fonds ?
D’autant plus qu’outre les ressources propres du Fonds, l’Etat devait recevoir, avant fin septembre, une indemnité estimée entre 250 et 300 millions de dollars auprès de Gallagher Re, un courtier mondial en réassurance.
Cette indemnité rentre dans le cadre du contrat d’assurance paramétrique signé entre le FSEC et le réassureur Gallagher Re en 2020 et qui est destinée à couvrir les tremblements de terre.
Ces financements ont-ils été débloqués ? Seront-ils versés au FSEC ou directement au budget de l’Etat ? Autant de questions auxquelles malheureusement nous ne pouvons apporter de réponses. Espérons toutefois que le gouvernement revoie sa politique de communication pour plus de transparence dans la gestion de la chose publique et éviter les mauvaises interprétations.