Le secteur des assurances a enregistré des réactions différenciées à la crise du Covid-19 selon les familles de produits. Après la modification de manière transitoire de certaines dispositions prudentielles, les discussions sont engagées avec l’ACAPS pour des mesures supplémentaires afin de maîtriser l’impact de la crise sur le moyen et le long terme.
Taoufik Lachker, Directeur général Délégué de La Marocaine Vie, revient sur les faits majeurs pour le secteur durant cette crise sanitaire.
EcoActu.ma : La crise sanitaire qui s’est abattue sur l’économie brille par un manque de visibilité et du coup de l’hésitation aussi bien chez les particuliers que chez les entreprises. Comment cela s’est-il répercuté sur l’aliment de La Marocaine Vie ?
Taoufik Lachker : L’épidémie de Covid-19, crise d’une ampleur sans précédent, a profondément bousculé de nombreux secteurs de l’économie. L’assurance ne fait pas exception.
Concernant La Marocaine Vie, nos gammes de produits prévoyance et santé ont accusé une baisse d’activité sensible.
A l’inverse, l’activité retraite complémentaire a montré une certaine résilience, le niveau de la collecte étant équivalent à celui de l’année précédente à la même période, une véritable performance si l’on considère les conditions opérationnelles exceptionnelles mises en place pour recueillir et traiter les demandes, avec en parallèle des dispositions fiscales légèrement moins avantageuses prévues dans la Loi de Finance 2020.
S’agissant de l’épargne bancassurance (versements programmés et patrimoniaux), nous sommes confiants dans notre capacité à rebondir en rattrapant une bonne partie du retard accumulé pendant cette période grâce à l’appui de notre partenaire Société Générale Maroc.
Dans la même foulée, avez-vous constaté durant la période de l’état d’urgence sanitaire un rachat excessif de produits d’assurance vie ?
Contrairement à ce que nous aurions pu anticiper, nous n’avons pas observé de rachats massifs. Nous avons même enregistré une baisse des demandes en la matière depuis le début de la crise.
Toutefois, nous restons vigilants en continuant à assurer un suivi quotidien des flux.
Le régulateur du secteur, l’ACAPS, a décidé d’assouplir certaines mesures (provision pour dépréciation des valeurs de placements, la provision pour risque d’exigibilité ainsi que les provisions pour créances et primes impayées…) pour permettre au secteur de faire face aux conséquences liées à cette pandémie. Quelle évaluation faites-vous de la portée de ces mesures ?
Les impacts de la crise sur le secteur de l’assurance sont principalement liés à la baisse du chiffre d’affaires et des produits financiers, avec un impact à court terme sur le résultat et le niveau des impayés qui affichent une augmentation par rapport à une situation« normale ».
Afin de réduire les effets pénalisants pour les entreprises d’assurance et de réassurance, l’ACAPS, en concertation avec le marché, a modifié de manière transitoire certaines dispositions prudentielles, notamment celles qui ont trait au risque du marché financier et au risque d’impayés.
Les compagnies d’assurance peuvent ainsi maintenir leurs positions d’investissement à moindre coût en matière de capital et de provisions.
Ces mesures de court terme, adoptées pour amortir l’impact du crash boursier sur le bilan des compagnies d’assurance et éviter un mouvement de panique, sont donc assurément bénéfiques mais leur portée est très limitée dans le temps.
Le marché a sollicité l’ACAPS pour se pencher sur des mesures supplémentaires permettant de maîtriser l’impact de la crise sur le moyen et le long terme. Des discussions sont notamment actuellement en cours sur la nécessité d’allonger la durée maximale de distribution des provisions pour participation aux bénéfices, actuellement fixée à 3 ans uniquement.
La crise sanitaire s’est traduite par une baisse du marché action. Jusqu’à quel degré, les résultats financiers de la Marocaine vie ont-ils été impactés ? Autrement dit, comment s’est comporté votre portefeuille durant cette période ?
A l’image des autres investisseurs, nous avons également été impactés par la baisse du marché boursier. Toutefois, notre exposition à l’action reste relativement limitée compte tenu de son faible poids dans notre portefeuille d’actifs. En effet, de part notre spécialisation dans les branches d’assurance de personnes et la gestion d’un portefeuille / retraite, nous avons toujours adopté une politique d’investissement orientée vers des actifs moins risqués avec un revenu récurrent et garanti (bons du trésor, obligations garanties par l’Etat, …).
D’autres éléments vont significativement impacter les résultats financiers en 2020. Il s’agit de la suspension par la banque centrale de toute distribution de dividendes par les établissements de crédit au titre de l’exercice 2019 et la révision à la baisse des dividendes à distribuer par certaines sociétés cotées.
La Marocaine Vie est la compagnie précurseur en matière de contrats en Unités de Compte. Depuis leur lancement, ces produits ont-ils suscité un engouement et de par leur mixité comment se sont-ils comportés en cette période de crise ?
Effectivement, nous sommes les premiers à avoir introduit sur le marché marocain les contrats libellés en unités de compte. Aujourd’hui, 13 ans plus tard, nous disposons d’une offre composée de16 types d’unités de compte différents répartis en 4 catégories (monétaire, obligataire, diversifié et actions), avec la possibilité d’arbitrer au fil du temps entre les différents supports. L’offre est distribuée principalement via le réseau Société Générale Maroc.
Entre 2017 et 2019, nos encours en unités de compte ont doublé et représentent aujourd’hui environ 5% des encours épargne.
Nous pensons que les produits en unités de comptes ont des placements qui doivent faire partie des portefeuilles, y compris dans le contexte actuel, parce qu’ils renferment des opportunités de rendement bien plus importants que le fonds en dirhams sécurisé. Il faut néanmoins avoir un horizon de placement à long terme (idéalement 8 ans au moins) et être prêt à prendre des risques mesurés pour générer des gains et plus-values (qui ne seront pas taxés pendant toute la vie du contrat).
Quels sont les principaux enseignements tirés de cette crise sanitaire inédite voire unique et comment vont-ils se traduire dans les produits commercialisés par la Marocaine Vie ?
Nous avons le sentiment que nos clients affichent une plus grande sensibilité aux besoins de protection de leurs proches à long terme et une plus grande volonté de proximité dans la relation avec leur assureur et de transparence sur la nature des couvertures.
En tant que tiers de confiance dans les moments qui comptent, nous devons les accompagner de façon personnalisée pour être au plus près de leurs besoins réels en matière de protection : l’éducation de leurs enfants, le financement de leurs projets, la préparation de la retraite, la protection de leurs proches en cas de coup dur, le financement des soins de la famille au Maroc ou à l’étranger, les impacts d’un décès dans la famille, avec un pourcentage des revenus consacré à ces couvertures qui pourrait progresser.
L’enjeu sera également d’une part, de démontrer à des clients de plus en plus sensibles à la valeur « perçue », notre capacité à tenir nos promesses en étant présents à leurs côtés en toutes circonstances (sur les aspects techniques et de service), et d’autre part, d’intégrer davantage la dimension sociétale et environnementale dans la conception de nos offres et services pour se positionner plus que jamais en tant qu’assureur responsable, en tant qu’acteur engagé au service de la société.
Parallèlement, il faudra sans doute repenser notre service après-vente en réfléchissant à un dispositif selfcare, pour permettre à terme à nos clients de réaliser des opérations à distance en toute sécurité.
A l’heure du déconfinement, quelles sont les mesures déployées par la compagnie d’abord pour reprendre l’activité dans les bureaux dans de bonnes conditions, ensuite pour renouer et conquérir de nouveaux clients ?
Il est tout d’abord important de préciser qu’il n’y a pas eu d’interruption d’activité nous concernant, avec un potentiel de télétravail proche de 100% à date.
Beaucoup de nos collaborateurs ont par ailleurs alterné travail en présentiel et à distance depuis le début de la crise. Le travail à domicile à temps plein n’est prévu que pour ceux dont l’activité le permet.
Nous avons défini une stratégie de déconfinement progressive continuant à prioriser la sécurité de nos collaborateurs. Elle prévoit de rester sur un rythme quasiment identique dans un premier temps. Nous la ferons évoluer en fonction de la situation de l’épidémie, des décisions administratives, des consignes du groupe Société Générale et des besoins opérationnels.
Il s’agit à ce stade de privilégier le travail au siège pour les collaborateurs ayant des difficultés à travailler à domicile et pour des besoins liés à des activités difficiles à opérer à distance et qui ont un impact sur la qualité de service clients.
Il s’agit également de faire varier le taux de présence en fonction de la charge de travail sur ces activités et d’éviter de faire revenir en priorité les personnes utilisant les transports en commun.
Le retour au siège des personnes à risque n’est pas planifié pour l’instant et sera soumis à l’accord préalable du groupe et du médecin du travail.
Suivant ces dispositions, un seuil cible maximum de 40% des collaborateurs présents en simultané devra être respecté.
Concernant les règles sanitaires, le respect strict des mesures barrières, très tôt mises en place à notre niveau, restent de mise. La prise de température est impérative à l’entrée et le port du masque est obligatoire pendant les heures de travail en présentiel.
L’organisation des locaux est également en place : mise à disposition de distributeurs de gel hydro alcoolique sans contact, distanciation sociale (avec un espace de 2 mètres entre chaque collaborateur), marquage au sol de sens de circulation, affichage des consignes, limitation de la présence à une personne dans les ascenseurs et de la capacité des salles de réunion.
Nous avons également désigné des référents parmi nos collaborateurs pour veiller au quotidien à l’application de ces règles de précaution par tous.
Pour nos clients, nous avons de la même manière aménagé un espace d’accueil respectant l’ensemble des mesures d’hygiène et de sécurité pour les recevoir dans les meilleures conditions tout en préservant leur santé, observant dans le même temps les restrictions de présence permettant de respecter la distanciation sociale en vigueur.
En parallèle, nous conservons pour l’heure les dispositifs déployés pour maintenir la relation de proximité tout en limitant les déplacements, notamment la dématérialisation du traitement des demandes de remboursement & prises en charge santé et le parcours de souscription des solutions d’épargne et de couverture santé (via des adresses mail génériques et via notre plateforme téléphonique).
Quels défis se posent-ils post-Covid19?
Le principal défi aujourd’hui est de capitaliser sur toutes les évolutions mises en œuvre durant cette période en digitalisant à long terme l’ensemble des processus front-to-back.
Plus globalement, pour améliorer l’expérience client, il est impératif de l’inclure dans la prise de décision, dans nos process, dans la conception et dans les ajustements des produits. Cette règle ne concerne pas uniquement les aspects techniques, mais également le modèle relationnel, c’est- à-dire la façon dont on doit le servir, par quel canal, à quel moment…Il faut l’écouter et répondre à sa demande. Il est notamment important de maintenir un flux courrier si un besoin est exprimé dans ce sens.
C’est précisément tout l’intérêt des enquêtes bimensuelles que nous avons mises en place depuis l’année dernière auprès des clients, dont les suggestions ont déjà orienté plusieurs de nos décisions.
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Il serait intéressant de procéder à une enquête de satisfaction en ce qui concerne la qualité de l’accueil que du Sav santé , auprès des assurés et du réseau de distribution