Ecrit par la Rédaction |
Les années passent et quand on aborde le marché du travail, on déplore amèrement l’inadéquation entre la formation et l’emploi qui prend en otage le développement dudit marché. La stratégie nationale pour la promotion de l’emploi et des compétences peine valeur aujourd’hui à produire des résultats concluants.
Le Maroc n’a de cesse de recourir à tous les moyens éprouvés, pouvant le conduire à une économie faisant partie de celles émergentes.
Un objectif qui semble réalisable à cause d’une population en âge de travailler, en croît constant et partant, susceptible de constituer une réelle opportunité pour porter la croissance économique.
Toutefois faire partie du lot des économies émergentes suppose la création d’emplois en nombre suffisant et en qualité satisfaisante. « L’élévation de la qualité des services publics, particulièrement en matière de formation et de santé, s’impose comme un premier défi qui consisterait à assurer la réhabilitation des importantes cohortes déscolarisées, à réduire les déperditions scolaires et élargir, par un encadrement approprié, leur accès aux filières répondants aux compétences et aux besoins du marché du travail », annoncent les conjoncturistes.
Le Nouveau modèle de développement (NMD) prône, en matière d’éducation, un plaidoyer en faveur de l’école publique, pour une amélioration, significative, de la capacitation des apprentissages.
Parallèlement, l’accessibilité à une offre de soins acceptable doit être assurée et confortée par une couverture sanitaire généralisée.
D’après les analystes du CMC, le pari, pris par le Maroc, d’adosser ses aspirations au développement et à une revalorisation du marché du travail, souffre d’une double infortune : une croissance économique caractérisée par des taux annuels à faible palier et une corrélation vaguement significative avec la génération de l’emploi.
On a eu à observer, ainsi, au cours des deux dernières décennies, que pendant que l’effectif de la population en âge de travailler grossissait, en moyenne, de quelques 372 000 individus annuellement, la capacité d’absorption de l’économie n’a proposé, en moyenne annuelle, que 112 000 nouveaux postes d’emploi, en abandonnant 262 000 personnes dans la case des laissés-pour-compte.
D’aucuns considèrent que le Maroc peine à tirer profit de ce qu’il est convenu de désigner par « la fenêtre d’opportunité démographique ».
Aussi, ils expliquent que la discrimination inhérente au marché du travail est responsable de deux larges exclusions qui frappent deux types d’actifs potentiels : les jeunes et les femmes. La promotion de l’égalité de genre et l’élargissement de la participation de la femme à la valorisation des atouts économiques figurent comme orientations primordiales du NMD.
Les projections du Département des finances, quant à eux, jugent que la croissance du PIB par habitant pourrait enregistrer un gain de 5%, sur la période 2022–2035, dans le cas où le taux de participation féminine, à l’activité économique, serait porté à 45% au lieu de 21% actuellement, après avoir été de 30% en 2000. Il va sans dire que l’émancipation de la femme transcende la sphère typiquement économique, pour s’inscrire dans un projet de profondes réformes des structures économiques, sociales et institutionnelles.
Le groupe de la Banque mondiale dans son rapport, établi en collaboration avec le HCP («Paysage de l’emploi au Maroc, Recenser les obstacles à un marché du travail inclusif», 2021), fait remarquer que l’exclusion, par le marché du travail, s’explique par le désabusement des jeunes et des femmes qui cessent de chercher activement un emploi, découragés, en cela, de ne pouvoir trouver des offres leur garantissant des revenus convenables dans une dignité protégée.
À cet effet, les priorités suggérées, par ledit rapport, conduisent à adopter quatre grands axes, dans la perspective d’une élaboration de programmes de génération d’emplois inclusifs.
Premièrement, il s’agit de lever une première contrainte par l’activation des réformes structurelles permettant de créer des emplois dans les secteurs à haute productivité. Il y est question, d’après-eux, de rectifier la déviance qui a fait passer le pays de l’agriculture aux services informels à valeur ajoutée réduite, au lieu de se diriger vers des emplois industriels productifs.
La transformation structurelle sous-entend, généralement, un réaménagement et une réorientation, sectoriels, dans un processus conduisant à un transfert des ressources des secteurs les moins productifs vers les secteurs qui le sont davantage et qui s’accompagne d’une migration des facteurs vers les nouvelles activités.
La neutralisation du second goulot consisterait à lutter contre l’informalité de l’économie, par l’assainissement de l’environnement des affaires et le développement des compétences stimulant les seuils de productivité. Le secteur informel, qui ne connaît pas de définition arrêtée, occupe une place importante dans le tissu économique national. Il n’est que partiellement saisi par la comptabilité nationale (informel localisé).
Parallèlement, une tolérance zéro doit être décrétée au sujet des activités illicites souterraines et à l’encontre de l’informel concurrentiel exercé par certaines entreprises formelles, par la manipulation des déclarations fiscales et des effectifs des emplois… s’il est admis que l’informalité contribue à la résorption du chômage, il n’en demeure pas moins qu’elle est fondatrice de précarité et promotrice de la concurrence déloyale au détriment du secteur formel et d’un manque à gagner pour la fiscalité.
La réforme fondamentale du système de protection sociale et d’assurance maladie, en cours de mise en place, arrive opportunément pour épauler la formalisation et permettre à l’ensemble des salariés et indépendants de jouir de contrats légaux, de bénéficier des allocations familiales, d’adhérer au régime de retraite et de souscrire à une assurance de valeur infaillible.
Un autre défi appelle, quant à lui, à une mise en place d’un ensemble de mesures pour faciliter l’accompagnement des jeunes dans leur changement de statut d’étudiant pour accéder au marché travail. Les mesures fortes seraient celles permettant d’assurer une formation professionnelle de qualité sur une grande échelle et une éducation de performance qui s’inspire des normes et indicateurs internationaux.
Dans ce contexte, le rapport élaboré en partenariat entre la banque mondiale et le HCP, évoqué ci-dessus, attire la sonnette d’alarme quant au nombre important de jeunes dits NEET (Not in Education, Employment or Training), qui se situe, pour les personnes de la tranche 15–24 ans, au niveau d’une proportion de 30%. Un pourcentage considéré parmi les plus élevés de la région MENA, où le Maroc est classé derrière l’Égypte (28%) et la Tunisie (25%), en enregistrant un léger mieux devant le Yémen et l’Irak.
La dernière série d’événements indésirables, incarnés par des crises ésotériques, a scellé les convictions, du Royaume, visant à opérer une restructuration du marché du travail.
Une étude d’identification de formes nouvelles et atypiques de l’emploi a été lancée, à travers le Plan national de promotion de l’emploi. Ses termes de référence chercheraient à déterminer, dans une implication des différents partenaires sociaux, les nouveaux enjeux du marché du travail.
Les agencements attendus du marché marocain, à l’image de ce qui se prépare dans le reste du monde, doivent être régénérés, pour tenir compte de l’émergence inopinée du télétravail et des nouveaux besoins pressants en nouvelles compétences, particulièrement en matière de literacy (utilisation et communication d’informations écrites dans la vie courante) et de Numeray (maîtrise de l’information quantitative et spatiale en vue d’être fonctionnel en société).
Une intervention, à double détente, pour réanimer, dans l’immédiat, les activités de proximité et pour dynamiser, à plus long terme les secteurs les plus affligés, avec pour leitmotiv de lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités. Les différents intervenants devraient s’atteler à assurer un accompagnement qui permet de promouvoir les compétences nécessaires au redéploiement économique. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.
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