Lentement mais sûrement, l’écosystème du paiement mobile se met en place. Son impact sur l’inclusion financière n’est plus à démontrer. La mesure fiscale introduite dans la Loi de Finances 2020 dénote de l’intérêt de plus en plus important accordé par les pouvoirs publics à ce service financier.
Dans les économies prospères, l’adoption des services financiers mobiles s’est faite en douceur et plusieurs citoyens en font un usage régulier en matière de paiement, d’obtention de crédit… Dans les pays émergents, les services financiers mobiles ont connu un développement des plus extraordinaire. Si l’on prend l’exemple de la Chine, le pays est déjà en passe de devenir une société où l’argent liquide va quasiment disparaître. « Dans les grandes villes chinoises, il n’est pas rare que les commerçants n’acceptent ni l’argent en liquide ni la carte de crédit », explique Liwen Zhang, Associée de Mazars en Chine dans une récente étude sur les services financiers mobiles. Chaque jour qui passe des millions de personnes utilisent les services mobiles pour accéder à des services financiers pour la première fois dans leur vie.
Au Maroc, l’écosystème se met progressivement en place, mais il reste encore du chemin à parcourir. C’est au mois de novembre 2018 que la Banque centrale et l’Agence nationale de réglementation des télécommunications ont lancé le m-wallet. C’est un contrat entre de multiples acteurs tels que les banques, les opérateurs télécoms et les établissements de paiements. Le leitmotiv de cette initiative aussi prometteuse est d’aboutir à l’inclusion financière qui suscite des remous dans les différents pans de la société. Un an après, le bilan est mitigé.
Fiscalité : Un premier début
Conscient des enjeux du paiement mobile en matière d’inclusion financière, les pouvoirs publics ont instauré dans le cadre de la Loi de finances 2020 une disposition selon laquelle les contribuables vont bénéficier, au titre de l’impôt sur les sociétés, d’un abattement de 25% sur la base sur laquelle est assis cet impôt réalisé par paiement mobile. Celle-ci correspond au nombre de transactions qui ont été réalisées grâce à la performance mobile. Cette réduction vise à promouvoir le paiement via mobile et, par ricochet, le nombre de transactions financières. A rappeler que l’impact attendu sur la période 2019-2024 est le suivant : 6 millions d’utilisateurs et 51.000 agents commerçants au terme de la cinquième année. Aussi, est-il tablé sur 1,3 Md de transactions en paiement mobile par an. Le leitmotiv est de coopter une partie des 400 Mds de DH qui continuent qui continuent de circuler en cash. Des chiffres importants mais qui restent insignifiants par rapport aux transactions réalisées via le mobile dans d’autres pays notamment africains.
En Chine par exemple, le nombre de paiements mobiles a été multiplié par dix* depuis 2012, sous l’impulsion permanente des deux géants de la Tech, WeChat Pay de Tencent et Alipay d’Alibaba, qui modèlent le marché et le font évoluer.
La réduction de 25% est une initiative à saleur dans un contexte où les pouvoirs publics jouent aux équilibristes pour élaborer le budget. En revanche, sans pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain, des efforts sont encore à fournir pour faire adhérer le maximum d’acteurs. A juste titre, le gouverneur de BAM, à l’occasion d’une récente rencontre à Madrid, a révélé la faible adhésion des commerçants, ô combien nécessaire, pour que cette opération se déploie à grande échelle. Une grande partie d’entre-eux continue à opérer dans l’informel.
Autre point important sur lequel faut-il s’atteler est le cadre réglementaire qui demeure perfectible aux yeux de certains opérateurs. Un cadre réglementaire cohérent, plus souple conjugué à une fiscalité attrayante devraient permettre une dynamique à ce type de paiement, contribuer à une meilleure intégration dans l’économie formelle et la réduction de l’utilisation du cash.
D’aucuns considèrent que le développement du paiement mobile risque de se faire au grand dam du secteur bancaire. Ce n’est pas exclu. « Le Maroc connaît une situation hybride entre l’Afrique et l’Europe avec un ralentissement de la croissance du secteur bancaire, en volumes et en PNB (TCAM de 7,0 p.a entre 2012-2014 vs 1,7% p.a. entre 2014-2018) », explique-t-on dans le dernier rapport de Mckinsey. Les ROEs ont baissé de 120 points de base sur les 5 dernières années. Cette baisse de rentabilité est causée par des pressions sur les marges et une hausse des charges d’exploitation, et ceci malgré la stabilisation du coût de risque. Les banques sont ainsi appelées à différencier davantage leurs modèles de couverture et améliorer le niveau des services offerts tout en s’adaptant à un environnement en mutation continue. Autrement dit, les banques sont appelées à questionner en permanence leur modèle de développement. C’est tout le mal que nous leur souhaitons.