Déjà dans son mémorandum de mai 2018, le parti de la balance avait fait parvenir un mémorandum au Chef de gouvernement pour faire face à la cherté de la vie, dans un climat de tension sociale. Aujourd’hui, c’est l’Alliance des économistes istiqlaliens qui appelle le gouvernement à adopter un PLF de rupture en ligne avec la nouvelle phase qu’enclenchera le nouveau modèle de développement.
Dans le cadre de la préparation du projet de Loi de Finances 2020, l’Alliance des Economistes Istiqlaliens vient de rendre sa copie de propositions à même de relancer la machine économique du pays, sans négliger le volet social.
Pour l’AEI, le gouvernement doit prendre en considération la réforme du modèle de développement en imprégnant à ce PLF 2020 une logique de rupture dans le sens d’opérer de grands changements dont les effets seraient palpables pour les particuliers et les entreprises dans une logique de renforcement de la confiance, un préalable pour le déploiement du nouveau modèle de développement.
Pour insuffler cette dynamique de changement évoquée à maintes reprises dans les discours du Roi Mohammed VI, qui a insisté sur l’importance de la classe moyenne. Dont celui du 20 août dernier : « Eu égard à la centralité de la classe moyenne dans le corps social, il convient d’en préserver les fondements et les ressources, en réunissant les conditions favorables à sa consolidation et à son élargissement, en ouvrant des perspectives de promotion à partir de- et vers elle ».
Dans ce sens, l’Alliance propose, outre les augmentations de salaires, l’amélioration du pouvoir d’achat nécessite aussi l’allégement des dépenses incontournables des ménages, l’élargissement et le relèvement de la valeur des tranches de l’IR pour aboutir à une plus grande progressivité et réduire ainsi la pression fiscale sur les classes moyennes et démunies.
Dans le même sillage, l’AEI réitère la proposition de déduction, de la base imposable au titre de l’IR, des dépenses destinées au financement de l’éducation des enfants à charge.
D’ailleurs, pour les économistes Istiqlaliens, le budget 2020 doit prioriser les réformes nécessaires de l’éducation et de la santé.
Dans le même ordre de propositions en faveur du renforcement du pouvoir d’achat, l’AEI appelle à la mise en œuvre de la réforme des marchés de gros pour maitriser les prix des produits alimentaires et mieux rémunérer les petits agriculteurs.
Enfin, elle propose l’exonération de TVA de tous les actes médicaux et les médicaments, notamment ceux concernant le traitement des maladies chroniques.
L’éducation et la santé, secteurs prioritaires
L’accès équitable et généralisé à une éducation de qualité est un souhait formulé par l’Alliance. Aussi, pour y parvenir, est-il préconisé de doter les départements concernés des ressources humaines nécessaires, formées aux nouvelles évolutions des contenus ; des méthodes et des outils pédagogiques. La loi-cadre sur l’enseignement s’assigne des objectifs importants donc apporterait d’une certaine façon une réponse à ces propositions.
Une proposition fortement inspirée du discours du Roi est celles de la valorisation et de la promotion de la formation professionnelle en adéquation avec les besoins du développement de l’économie marocaine.
Sur un autre plan, l’AEI appelle à la mise à niveau des programmes et de la pédagogie afin d’améliorer les capacités des élèves, renforcer leurs compétences et faciliter leur insertion dans la Société du Savoir.
Par ailleurs, et dans le cadre de la généralisation de la protection sociale au profit des différentes couches socioprofessionnelles, l’AEI souligne que cela passe par l’amélioration et l’élargissement de la couverture médicale ; l’accomplissement de la réforme globale des régimes de retraite et la formation de médecins et cadres de la santé de grande qualité et en nombre suffisant.
« Ces dispositions constitueront, globalement, un soutien au pouvoir d’achat des ménages qui augmenterait ainsi leur propension à consommer et à épargner, contribuant ainsi à relancer la croissance économique. Il en résulterait aussi de nouvelles ressources fiscales qui permettraient de compenser la dépense sociale envisagée », explique-t-on.
L’économie doit créer des emplois de qualité
Outre les particuliers, les propositions des économistes istiqlaliens ont énuméré une série de mesures que doit contenir la LF 2020 et qui sont de nature à rétablir la confiance des opérateurs économiques et les inciter à créer des emplois durables. Dans ce cadre, l’AEI appelle le Gouvernement à accélérer et généraliser la digitalisation des services des administrations et collectivités adressés aux entreprises. Là encore, le DGCL travaille d’arrache-pied sur ce chantier qu’est la Stratégie Maroc digital 2020. Dans ce sens, il est utile de rappeler que la généralisation du guichet numérique unique des autorisations d’urbanisme & des autorisations économiques est considérée comme étant un levier de simplification et de digitalisation des procédures, de renforcement de la traçabilité et d’amélioration du climat des affaires.
L’AEI s’attarde également sur l’épineuse question des délais de paiement. Elle appelle ainsi l’Exécutif à faire respecter ces délais et solder les arriérés des créances, fiscales et autres, au profit des PME et TPE. De même qu’il est proposé de réduire et régler, par une approche concertée, les tensions qui s’installent entre l’administration fiscale et les entreprises.
Autre proposition à souligner est celle de l’octroi des crédits d’impôts couvrant les dépenses des entreprises liées à l’éducation, au transport collectif, à la santé et au logement de leurs employés.
Afin d’encourager l’investissement dans la reprise des entreprises en difficulté, l’AEI estime qu’il faut aux repreneurs de ces entités les mêmes avantages accordés aux nouveaux investisseurs, y compris les conventions d’investissement.
Par ailleurs, l’Exécutif est appelé à introduire dans la Loi de Finances 2020 des soutiens financiers au profit des PME et start-ups innovantes.
Parmi les mesures également proposées, l’octroi d’un crédit d’impôt aux entreprises qui disposent d’un plan de recherche & développement et une politique de brevetage de leurs produits et services.
Aussi, l’AEI suggère-t-elle de réserver une partie des budgets publics d’investissement au financement de projets directement productifs de produits ou services, et créateurs d’emplois, dans le cadre de partenariats public-privé. L’Alliance explique dans ce sens que ces projets pourraient compléter et rentabiliser les investissements d’infrastructures déjà réalisés par l’Etat et précise qu’ils doivent être ciblés selon les secteurs et les régions à développer.
Collant parfaitement aux priorités telles que la régionalisation avancée, l’Alliance estime que le gouvernement doit mieux œuvrer à réduire les disparités territoriales, notamment à travers une politique de spécialisation économique de ces territoires qui permettrait d’améliorer leur attractivité et leur développement.
Cela passe par une accélération de nombreux chantiers en premier celui de la régionalisation avancée, en plus de celui de la déconcentration administrative et de déploiement de la réforme des CRI… De ce fait, l’Exécutif doit veiller à doter ces chantiers de moyens humains et financiers nécessaires pour répondre aux attentes des populations et aux exigences des entreprises.
Le gouvernement est sommé d’opérationnaliser les deux Fonds de soutien étatiques aux régions (Fonds de solidarité interrégional et Fonds de mise à niveau sociale).
La politique budgétaire à revoir
Les propositions de l’Alliance ne s’arrêtent pas à des mesures sectorielles uniquement mais bien au-delà. L’Alliance des Economistes Istiqlaliens invite le Gouvernement à repenser sa politique budgétaire, en passant d’une logique de moyens utilisés à une logique d’objectifs et de résultats réalisés, aussi bien dans l’établissement des priorités, dans l’octroi des moyens, que dans le suivi et l’évaluation. Le gouvernement est sommé d’adopter un meilleur ciblage dans l’octroi des dépenses fiscales, des aides foncières et des subventions budgétaires.
Mieux, des arbitrages doivent être opérés et obéir aux critères de création de valeur et génération d’emplois durables et valorisants, notamment dans les Régions reculées et présentant des atouts naturels et humains de compétitivité.
L’AEI fait d’ailleurs une piqûre de rappel concernant les lois qui traînent encore et souligne qu’en attendant le nouveau modèle de développement, au moins que soient adoptées la nouvelle loi cadre issue des dernières assises de la fiscalité, la nouvelle charte des investissements et la loi régissant les partenariats public-privé.
Aussi, faire adopter des textes préalablement à la Loi des Finances 2020.
Il faut préciser que nombre de ces propositions ne datent pas uniquement d’aujourd’hui puisque le parti de la balance n’a eu cesse exhorter le gouvernement à prendre son courage à deux mains et opter pour des mesures radicales à même de soulager le Marocain. Comme ce fut le cas en mai 2018, lors de la présentation d’un Mémorandum portant sur une Loi de Finances rectificative au chef de gouvernement.