Ecrit par L. Boumahrou |
Les prix des hydrocarbures continuent de peser lourd sur l’économie mais aussi sur le pouvoir d’achat des Marocains. Et pourtant, la corrélation entre les prix à l’international, notamment en cas de baisse, et le prix à la pompe continue de faire défaut.
Depuis la libéralisation du marché des hydrocarbures en 2015, ce sont les pétroliers qui font leur loi au vu et au su du gouvernement aux abonnés absents.
Bien que des voix se soient levées pour dénoncer des pratiques anti-concurrentielles dans ce secteur très sensible, le gouvernement de Akhannouch continue de faire fi de tout ce qui concerne ce dossier.
Et pourtant, les dépassements des pétroliers qui continuent d’amasser les bénéfices ne semblent pas déranger plus que ça l’Exécutif ni d’ailleurs le Conseil de la concurrence qui est censé jouer le rôle de garant du respect des pratiques concurrentielles du marché.
Il faut dire que nous attendons toujours les conclusions de la saisine contentieuse en cours portant sur des pratiques anticoncurrentielles et sur lesquelles le Conseil de la concurrence n’a toujours pas statué. Quant à la réforme de la loi, elle reste sans effet en attendant les décrets d’application.
En attendant, les prix à la pompe ne suivent pas la réalité de la fluctuation des prix à l’international. Selon, les dernières données, le prix moyen du baril de pétrole brut a baissé à 75,42 dollars américains soit 4,89 dirhams le litre au cours de la seconde quinzaine de mars 2023.
Quant aux prix de la tonne du gaz et de l’essence ils sont respectivement tombés à moins de 780 dollars et moins de 795 dollars américains. Une bonne nouvelle dirait ceux qui ne connaissent pas réellement le marché marocain. Malheureusement la baisse des prix du baril à l’international n’est pas automatiquement reflétée au niveau des prix à la pompe.
D’après Houcine Lyamani, président du front national de sauvegarde de la SAMIR, le prix maximum de vente d’un litre d’essence, selon la structure des prix de vente appliqués avant la libéralisation des prix, ne devrait pas dépasser 11,23 dirhams et 12,37 dirhams le litre d’essence du 28 mars au 14 avril. Or jusqu’au début de ce mois d’avril, les prix à la pompe dépassent les 12,60 dirhams (+ 1,40 dirhams) pour le gasoil et les 14,34 pour l’essence (+ 2 dirhams).
« La concurrence, et non l’entente, entre les acteurs associée à la baisse qu’offre de gasoil russe, devraient se traduire par une baisse des prix principalement au profit des petits consommateurs (qui ne bénéficient pas des réductions de la vente en gros). Il impose également une révision des prix à la pompe selon la date d’importation et non pas chaque 15 jours », a précisé H. Lyamani.
En effet, les baisses ne sont pas automatiquement appliquées par les importateurs contrairement aux hausses. Dans son avis n°A/3/22 sur la flambée des prix des intrants et matières premières au niveau mondial et ses conséquences sur le fonctionnement concurrentiel des marchés nationaux pour le cas des carburants (gasoil et essence), le Conseil de la concurrence avait soulevé ce constat.
« En général, les prix de vente des sociétés de distribution sont fixés par les opérateurs une fois tous les quinze jours. Toutefois, pendant certaines périodes, les opérateurs ont appliqué deux ou plusieurs changements de prix de vente à la hausse par quinzaine. Tel a été le cas durant les mois de mars, d’avril et de juillet 2022. Le décalage constaté entre les variations des cotations Platts des produits raffinés et les prix de vente sur le marché national peut être expliqué par le fait que les opérateurs répercutent immédiatement les hausses des cotations. Ceci dit, en cas de baisses, ils cherchent, d’abord, à écouler le stock des produits achetés auparavant à un prix plus élevé et sont même tentés de consolider leurs marges, voire de les augmenter », lit-on dans l’avis.
Cela montre bien que ce sont les opérateurs qui dictent leurs règles et leurs lois au détriment du citoyen qui lui ne fait que subir. Pour remédier aux risques liés aux fortes fluctuations enregistrées dans les marchés du gasoil et de l’essence à l’international et éviter ainsi ces pratiques, le Conseil de la concurrence avait recommandé d’encourager et d’accompagner les opérateurs, notamment les moyennes structures, vu que les grands groupes disposent des outils nécessaires pour mener ces démarches, pour l’utilisation des instruments de couverture des risques liés aux baisses des cotations des produits raffinés importés (la hausse des cotations est toujours bénéfique à l’opérateur en matière de stock), ainsi que ceux liés aux taux de change.
Environ 8 mois après la publication de cet avis, nous ignorons l’issue de cette recommandation. Ce qui est certain c’est que les baisses tardent à s’appliquer contrairement aux hausses. D’ailleurs ce lundi 3 avril, les prix du pétrole ont bandit après l’annonce surprise par plusieurs grands pays exportateurs d’une réduction de leur production dès le mois de mai, présentée comme une « mesure de précaution » pour stabiliser le marché.