Capitale politique et administrative, Rabat a longtemps été épargnée des effets pervers de l’urbanisation accélérée qu’a connue le Maroc. Lieu du pouvoir, Rabat a été, pendant plus de six décennies, sous l’attention bienveillante de feu SM Hassan II et de la haute sollicitude de SM le Roi Mohammed VI.
Entre l’urbanisme régalien des années 1980-2000 et l’urbanisme de projet du troisième millénaire, la ville de Rabat a su garder les grands traits d’un urbanisme humain, généreux et durable. Rabat regarde désormais vers l’aire métropolitaine où se joue une part de son destin urbain.
Gelé depuis 2009, le temps de la réalisation de projets d’envergure, le plan d’urbanisme de Rabat est enfin soumis à la révision. Les enjeux de ce plan qui accompagne l’urbanisation de Rabat pour les années à venir se situent sur trois registres. Primo, il doit apporter des réponses aux quartiers connaissant des mutations urbaines (Logement Vs commerces/services). Secundo, si les affectations de certaines friches urbaines sont figées (zones de projet), le nouveau plan doit mobiliser à bon escient les réserves foncières des sites stratégiques. Tertio, le plan d’aménagement inscrit des quartiers, longtemps en dehors du radar de l’urbanisme, comme des zones à restructurer. Quelle que soit l’approche, le devenir urbain du grand Rabat devrait prendre en considération les atouts urbanistiques et la mixité sociale qui ont fait la spécificité de la capitale.
Rabat, une capitale à échelle humaine
L’une des caractéristiques de la ville à échelle humaine est la capacité à se mouvoir du centre à la périphérie sans encombre. Pour d’autres, la ville à taille humaine se matérialise par son système de transport public et la proximité de ses commerces et services. La ville de Rabat offre cette possibilité bien qu’elle assure une fonction supérieure de capitale politique et administrative du pays. Les pôles d’emplois et les équipements socio-éducatifs, culturels et sportifs sont à moins d’une demi-heure. Etalée sous la forme d’un demi-cercle concentrique la ville de Rabat est accessible pour ses habitants et pour ceux des villes limitrophes.
Par ailleurs, la ville de Rabat possède d’autres atouts d’une ville à échelle humaine : des parcs urbains, des coulées vertes, des terrains de proximité, des pistes cyclables (11km), un taux d’espace vert par habitant inégalé (30m2), et surtout des rues commerçantes vivantes.
De par son patrimoine architectural et urbanistique, Rabat offre en plus aux visiteurs et à ses habitants, un circuit touristique qui leur permet d’explorer les recoins de la ville, d’admirer ses sites historiques et ses merveilles architecturales. Ce qui fait de Rabat une ville accueillante.
Rabat, un urbanisme généreux
À la croisée des chemins de la planification réglementaire et de l’urbanisme de projet, l’action urbaine renseigne sur un cadre de développement urbain maitrisé. La capitale se distingue par son armature urbaine lisible et son urbanité nuancée dans son ensemble. Cet urbanisme généreux se lit à travers les formes urbaines, l’emprise des axes structurants et un réseau viaire hiérarchisé au service de la mobilité et de la fluidité du traffic.
L’empreinte de cet urbanisme ne peut laisser indifférent. Elle repose sur un récit urbain facile à lire et à raconter. De l’urbanisme de la période du protectorat à l’urbanisme contemporain, les récits urbains témoignent de l’art de produire la ville et de la volonté au plus haut niveau de l’Etat de positionner la capitale sur l’échiquier des capitales internationales. Avec son patrimoine architectural, son réseau de transport urbain en site propre (tramway), et ses équipements culturels à rayonnement international, Rabat est porteuse d’une ambition culturelle qui la conforte sur cette voie.
Rabat, une durabilité confortée par des choix stratégiques
D’une superficie de plus de 2000 ha, les espaces naturels représentent le poumon de la capitale. Composés de ceintures vertes, forêts urbaines, jardins et parcs urbains, ces espaces naturels sont accessibles à partir des différents quartiers de Rabat.
Au niveau du transport et afin de répondre aux attentes grandissantes de l’aire métropolitaine en constante mutation (nouveaux pôles urbains et universitaires), le tramway a depuis une décennie, non seulement rapproché les territoires, mais il a contribué à l’amélioration de l’accessibilité à 140000 usagers/jour, notamment pour les femmes, les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite. Quant aux pôles urbains non encore connectés, ils font l’objet d’un ambitieux programme étalé sur la période 2023-2030. A terme le réseau du tramway Rabat-Salé-Temara sera de 69 km linéaires et desservira une zone tampon dense allant du pôle universitaire et de recherche situé à Salé, à la gare ferroviaire de Temara.
Quant à l’aménagement et à la généralisation à l’échelle de la capitale de parcs urbains et des équipements sportifs, ils sont de nature à réduire les disparités territoriales entre les quartiers. Par ces aménagements, Rabat propose des environnements alliant force conceptuelle, souci du détail dans l’exécution, approche durable, mais surtout une mixité d’usages. En effet, des familles entières investissent les parcs et jardins. De jour comme de nuit, la sensation qu’expriment les habitants de Rabat est celle d’une ville qui incite ses habitants à la réappropriation de ces espaces. Pour saisir la réalité de cette réappropriation, il n’y a pas mieux qu’un détour du côté de la route côtière.
Rabat, une ambition métropolitaine
Dans un contexte d’urbanisation généralisée (99% à Rabat, 97% à Salé et 90% à Temara), l’échelle métropolitaine est l’espace par excellence pour relever les défis urbains du 21e siècle. Le logement abordable, l’accessibilité au transport public, la desserte en équipements sont des enjeux qui ne peuvent être pensés qu’à l’échelle métropolitaine.
L’actuelle dynamique que connait le continuum urbain Rabat-Salé-Temara ne manquera pas de peser lourd sur l’espace métropolitain. Elle génère de la création de la richesse au niveau des centralités urbaines ; cependant, elle canalise des externalités négatives sur d’autres territoires. L’actuel programme de l’éradication des bidonvilles illustre cette tendance. Il est impensable de nier que Rabat ait à jouer un moteur dans la construction de cette ambition métropolitaine. L’impératif premier est la solidarité entre les territoires.
La métropolisation a aussi ses effets pervers. Elle favorise la hausse des prix fonciers et immobiliers : processus déjà amorcé à l’échelle de l’aire métropolitaine. Elle est aussi un facteur d’inégalités pour ceux qui sont insérés dans l’économie métropolitaine et ceux qui sont excentrés. Ce qui peut déboucher sur une métropole à deux vitesses, où cohabitent des territoires connectés aux centralités urbaines et des territoires à l’écart de celles-ci.
Pour un nouveau contrat social et territorial
Un plan d’urbanisme est avant tout un outil de régulation. Il doit certes ouvrir des opportunités de développement urbain, mais il doit surtout réduire les inégalités territoriales. Il ne s’agit plus d’empêcher la croissance de l’agglomération, mais de l’accompagner pour éviter qu’elle ne se traduise par une urbanisation qui poserait d’insolubles problèmes, notamment en matière d’accès au logement et au transport urbain.
Eu égard aux efforts consentis par les pouvoirs publics dans les différents programmes de développement urbain qu’a connus la ville de Rabat (éradication des bidonvilles, réalisation des équipements et infrastructures, TCSP, etc.), le pire scénario est de dérouler le tapis à des promoteurs immobiliers peu consciencieux pour s’accaparer les dernières réserves foncières.
Ainsi, le nouveau plan d’urbanisme doit canaliser la plus-value foncière et immobilière pour financer le développement de territoires stratégiques et pôles économiques inscrits sur l’agenda urbain de la capitale (centre d’innovation, ville intelligente, incubateurs de startups, centre de congrès et expositions, plateforme des légumes, etc.). Au-delà de la portée des options stratégiques retenues par le plan d’urbanisme, l’important est de les rendre réalisables pour faire de l’aire métropolitaine un espace de création de la valeur économique, sociale et de la durabilité territoriale
Quelles options s’offrent au plan d’aménagement pour répondre aux défis de la ville métropolitaine ? Quelles affectations pour le foncier des équipements communaux délocalisés ? Quid des observations qui seront formulées par les citoyens ?
Espérons que les concepteurs dudit plan se sont posé ces questions pour y apporter les réponses idoines pour réussir l’ambition métropolitaine.
Ecrit par Mostafa Kheireddine, PhD
Urbaniste senior/Université de Montréal
et chercheur en sciences de la ville
1 comment
Tout ça c’est beau. Mais parfois en surface. Il faut savoir que des zones urbaines en plein centre ville exemple le cartier huppés de suissi il n’y a pas encore l assainissement liquide. Alors que dans des douas éloignés on en dispose. merci de transmettre