Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Alors que les coûts du raffinage s’envolent, le gouvernement marocain campe sur sa position concernant le redémarrage de la raffinerie la Samir. Quels sont réellement les dessous du niet de l’Etat ?
Le dossier de la Samir ne cesse de susciter le débat. Pour la énième fois, les députés de l’opposition interpellent le gouvernement au Parlement sur l’issue de la raffinerie marocaine qui d’année en année se dégrade et perd de sa valeur. Une interpellation qui intervient dans un contexte très critique du secteur de l’énergie marocain.
Les effets de la guerre en Ukraine plombent l’économie et frappent de plein fouet le pouvoir d’achat des Marocains. Les prix des hydrocarbures ont atteint des niveaux insoutenables.
Il faut dire que cette crise internationale a mis en évidence la face cachée de l’iceberg du marché des hydrocarbures au Maroc. Pis encore, elle a surtout mis a nu les dysfonctionnements qui gangrènent le secteur.
Jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement refusait toute possibilité de réouverture ou de renationalisation de la raffinerie. Interpellée sur le dossier la Samir ce lundi 18 juillet au Parlement, la ministre de la Transition énergétique et du développement durable, Leila Benali a une fois de plus précisé que « son département examine les scénarios techniques et économiques pour aboutir aux solutions appropriées au dossier de la société de raffinage du pétrole Samir ».
Une réponse sans plus qu’elle avait donnée il y a environ 4 mois lors de sa première sortie médiatique en avril dernier. La ministre avait aussi précisé que le raffinage n’intéressait pas le Maroc. Une annonce qu’elle réitérait le 29 juin sur la chaîne 2M en soulignant que le Maroc n’avait pas besoin d’une raffinerie de pétrole.
En d’autres termes, l’industrie du raffinage n’étant plus rentable vu que les installations de la Samir ne sont plus compétitives. Ce qui justifie donc la position du gouvernement. Ce dernier refuse donc d’investir dans la mise à niveau de la raffinerie de la Samir et de relancer l’industrie du raffinage qui est selon bon nombre d’experts une question de souveraineté nationale. Une réponse qui exaspère les défenseurs de la la Samir.
El Houssine El Yamani, président du Front National pour la Sauvegarde de la raffinerie la Samir (FNSS) nous a confiés que tous les indicateurs (financiers, techniques, humains…) démontrent que la Samir est en mesure de reprendre la production. « Il faut savoir que le coût du raffinage est le principal facteur de la flambée des prix des hydrocarbures au Maroc. Aujourd’hui ce qui manque réellement c’est la volonté politique du gouvernement actuel », a-t-il précisé.
Malheureusement, la nouvelle ministre de l’Energie semble convaincue que le raffinage n’est pas la solution. « Les raffineries mondiales ont des marges assez maigres. Les industries de raffinage en 2022, pas en 2016 (référence faite à la date d’arrêt de la raffinerie) sont très compétitives, complexes et intégrées à la pétrochimie », avait-elle déclaré en avril dernier.
Les coûts de raffinage ont triplé
Et pourtant, contrairement à ce que prétend la ministre, les marges de raffinage à l’échelle mondiale ont doublé voire triplé depuis le début de l’année.
Dans une note publiée le 15 juillet sur CercleFinance.com, TotalEnergies indiquait que sa marge sur coûts variables, raffinage Europe (marge de raffinage), a bondi à 145,7 dollars par tonne au deuxième trimestre 2022, contre 46,3 dollars au trimestre précédent et 10,2 dollars un an auparavant.
Bien que nous ne soyons pas des producteurs de pétrole, le Maroc aurait beaucoup à gagner en achetant du pétrole brut à raffiner sur place.
A noter que le gendarme de la concurrence britannique a récemment ouvert une enquête sur l’écart grandissant entre le prix du pétrole brut et celui de l’essence ou du diesel à la sortie des raffineries.
« Le gendarme de la concurrence britannique a annoncé vendredi l’ouverture d’une enquête approfondie sur le marché des carburants, dont les prix flambent, inquiet d’un écart grandissant entre le prix du pétrole brut et celui de l’essence ou du diesel à la sortie des raffineries », lit-on sur BFM Business.
C’est dire l’enjeu du raffinage aussi bien sur le plan économique que sur la sécurité énergétique du pays. Faut-il rappeler que le Maroc dispose d’un stock ne dépassant pas les 26 jours (chiffres d’avril) alors que la réglementation exige un minimum de 60 jours. Autre chiffre et pas des moindres, un mois de stock équivaut à 8 Mds de DH (chiffres avril). Une situation qui menace la sécurité énergétique du pays.
Donc comment peut-on prétendre que la réouverture de la Samir n’aurait pas d’impact sur le prix des hydrocarbures ? Quelles sont les vraies raisons pour lesquelles le gouvernement marocain s’abstient catégoriquement à envisager le redémarrage de l’activité raffinage au Maroc ? Pourquoi continuer à subventionner les distributeurs pour renforcer les capacités de stockage alors qu’ils ne respectent pas la réglementation e vigueur ?
Dans sa réponse la ministre a tenu à rappeler que le Maroc n’est pas un producteur de pétrole ce qui justifie que le raffinage ne soit pas un pilier de la stratégie nationale de l’énergie. Une réponse qui n’a pas convaincu ceux qui défendent cette cause.
La députée du PPS, Nadia-Touhami, a interpellé la ministre en l’accusant de cacher la vérité aux Marocains. « La raffinerie de la Samir est encore compétitive et nécessite seulement 2 Mds de DH pour une mise en service en 6 mois », a-t-elle précisé.
Des estimations qui nous ont été confirmées par El Houssine El Yamani qui a rajouté que ces estimations se concordent avec celles des due diligences faites par les investisseurs intéressés par l’acquisition de la SAMIR .
La réponse de la ministre était des plus surprenantes en affirmant qu’elle ne disposait pas de ces éléments invitant les parties concernées à lui transmettre un dossier avec ces chiffres. Affaire à suivre !