La Cour des comptes a procédé, pour la 2e année consécutive, à une revue des actions réalisées pour le la mise en œuvre de la réforme globale du secteur des établissements et entreprises publics (EEP), telle qu’elle a été tracée par le dispositif juridique qui la régit, en raison de l’impact attendu de cette réforme sur la dynamique économique post-crise Covid 19 et sur la soutenabilité des finances publiques. Cette revue a révélé les principaux résultats suivants :
Concernant le portefeuille public cible de la réforme, la Cour a relevé l’absence de visibilité le concernant, ce qui est préjudiciable à la dynamique de sa restructuration. Il convient de préciser, à ce titre, que le ministère de l’économie et des finances a initié la réflexion sur la restructuration du portefeuille des EEP depuis 2018, notamment pour réduire sa taille qui impacte fortement les finances de l’Etat. A ce titre, des dialogues stratégiques ont été engagés avec les EEP à forts enjeux et risques pour l’Etat, notamment la CDG, l’ONCF, la RAM, ADM et l’ONEE. De même, des études stratégiques, portant sur plusieurs secteurs, ont été réalisées.
Néanmoins, les efforts déployés n’ont pas suffi pour clarifier la vision relative au portefeuille cible des EEP, en termes de taille et de composition. Ce qui ne permet pas d’arrêter une feuille de route des opérations de restructuration, avec un échéancier précis, qui respecte la durée de déploiement de la réforme.
A ce titre, le MEF n’a toujours pas arrêté sa vision pour la restructuration du portefeuille des établissements publics à caractère administratif. De même, l’état d’opérationnalisation de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État (ANGSPE), chargée de porter la restructuration des EEP marchands relevant de son périmètre et leurs filiales, ne lui permet toujours pas d’impulser la dynamique de restructuration.
En outre, bien que la contractualisation pluriannuelle des relations Etat- EEP constitue le dispositif le mieux adapté pour piloter la refonte des modèles économiques des EEP, la restructuration de ceux présentant des enjeux stratégiques pour l’Etat n’a abouti, sur la période 2018-2023, qu’à la signature de deux contrats programmes avec la CMR et la RAM.
S’agissant de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État (ANGSPE), créée par la loi n° 82-20 en date du 26 juillet 2021, les trois administrateurs indépendants nécessaires pour compléter la composition du conseil d’administration, telle que prévue par l’article 13 de la loi n° 82-20 précitée, n’ont pas été désignés conformément aux dispositions du décret n°2-22-582 relatif aux modalités de nomination et de rémunération des membres indépendants siégeant au sein des organes délibérants des établissements publics.
Néanmoins, en dépit de sa composition incomplète, le conseil d’administration de l’agence a pris des résolutions importantes lors de sa première réunion tenue en date du 12 décembre 2022. En effet, il a approuvé la feuille de route pour l’élaboration de la politique actionnariale de l’État (PAE), le modèle de financement, le modèle organisationnel, le statut du personnel et le règlement des marchés.
En outre, l’ANGSPE a entamé l’élaboration du projet de la PAE. En effet, des réunions avec les ministères et institutions concernées, dont la Cour des Comptes, ont été tenues du 22 février au 20 mars 2023 aux fins de son élaboration. Néanmoins, les travaux ce projet ont commencé dans l’attente de l’adoption des orientations stratégiques de cette politique conformément à l’article 3 de la loi n° 82-20 précitée.
De plus, aucun établissement public relevant de l’agence n’a été transformé en société anonyme tel que prévu par l’article 28 de la loi n° 82-20 précitée, sachant qu’elle dispose d’un délai légal de cinq années, à compter du 26 juillet 2021, pour réaliser la transformation des quinze établissements publics relevant de son périmètre et ce conformément à l’article 60 de la loi cadre 50-21 précitée.
Concernant le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, son opérationnalisation nécessite la nomination des administrateurs indépendants de son conseil d’administration (CA) et la finalisation des procédures de sélection des sociétés de gestion et de création des fonds sectoriels et thématiques. En effet, après la nomination du directeur général du Fonds Mohammed VI pour l’investissement en octobre 2022, le CA du Fonds a tenu sa première réunion, en date du 29 décembre 2022, pour la présentation du modèle organisationnel du fonds, de ses principales règles de gouvernance ainsi que de son modèle de fonctionnement. En outre, le CA du fonds a tenu une deuxième réunion, en date du 16 mars 2023, pour valider la feuille de route du fonds pour les années à venir, notamment la nature des interventions et les règles générales d’allocation des ressources. De même, les comités d’audit et de stratégie et investissement ont été créés.
Néanmoins, les réunions précitées se sont tenues sans que la composition du CA, telle que prévue par l’article 7 de la loi 76-20 portant création du fonds, ne soit complétée. La nomination des quatre administrateurs indépendants est tributaire de la mise en œuvre de la procédure fixée par la loi n°40-22 relative au nombre des administrateurs indépendants, des conditions et de la procédure de leur nomination dans les organes délibérants des entreprises publiques.
Par ailleurs, les procédures de création des fonds sectoriels et thématiques prévus par l’article 4 de la loi n°76-20 précitée ont été entamées. En effet, le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement a lancé un premier appel à manifestation d’intérêt, en date du 08 Mai 2023, pour la sélection de sociétés de gestion appelées à créer et à gérer des fonds sectoriels ou thématiques. En outre, les séances d’audition des sociétés de gestion soumissionnaires ont également été réalisées dans le but d’achever la sélection initiale avant la fin de l’année, considérée comme une étape importante dans l’opérationnalisation des activités du Fonds liées au renforcement de l’offre de financement de projets d’investissement au profit des entreprises marocaines. Les sociétés de gestion retenues lèveront des fonds supplémentaires auprès d’autres investisseurs et effectueront les démarches administratives auprès de l’Autorité marocaine du marché des capitaux, lorsque cela sera nécessaire.
Eu égard à ce qui précède, la Cour réitère les deux recommandations émises dans son rapport annuel de 2021, en vue d’accélérer leur mise en œuvre, portant sur la détermination de la configuration projetée du portefeuille des EEP non marchands et la planification pluriannuelle des actions nécessaires pour y parvenir ; ainsi que le parachèvement de la composition des conseils d’administration et des comités spécialisés de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État et du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, conformément à la loi, et tenir régulièrement leurs réunions afin de leur permettre de remplir leurs fonctions d’orientation stratégique et de contrôle.
Elle recommande également de commencer le transfert au profit de l’ANGSPE de la propriété des participations détenues par l’Etat dans les EEP qui relèvent de sa compétence, et accélérer la mise en œuvre de la restructuration du portefeuille des EEP à caractère marchand ; et d’activer l’élaboration et la mise en approbation des orientations stratégiques de la politique actionnariale de l’Etat, avant de poursuivre les travaux de conception de cette politique.
En outre, elle recommande d’achever les procédures administratives de sélection des sociétés de gestion et de création des fonds sectoriels et thématiques du Fonds Mohammed VI pour l’investissement.