Ecrit par la Rédaction I
10 SDL sont confrontées à des difficultés structurelles qui empêchent le démarrage de leur exploitation ou la préservation de sa continuité, provoquant, en conséquence, l’arrêt total ou partiel de leurs activités économiques pour des durées qui varient entre 4 et 30 ans.
Les sociétés de développement local, les sociétés de développement et les sociétés de développement régional (toutes désignées ci-après par SDL), créées respectivement par les communes, les provinces et préfectures, ainsi que les régions, présentent un outil de modernisation et de développement de la gestion territoriale.
Ce dispositif repose sur un large partenariat public-privé, aux niveaux institutionnel, organique et contractuel produisant, des structures appropriées pour la mobilisation et la canalisation des efforts, au profit d’un financement et d’une gestion optimales de la chose locale. Il offre également davantage d’efficacité et d’efficience pour atteindre les objectifs escomptés, plus de souplesse et de flexibilité dans la gestion, menant ainsi à une gouvernance intégrée et pérenne, à moyen et long terme, des installations et des équipements.
En 2022, le portefeuille des collectivités territoriales, en termes de SDL comprenait 42 sociétés réparties entre sept (7) sociétés de développement régional, 30 sociétés de développement local et cinq (5) sociétés de développement, avec un capital total d’environ 5,89 Mds de DH, dont 99% détenu par des organismes publics avec une part des collectivités territoriales représentant 55%. Il est à préciser que 23 sociétés, des 42 recensées au niveau national, opèrent dans les régions de Casablanca-Settat et Rabat-Salé-Kénitra, et cumulent à elles seules 97% du capital total mobilisé au niveau national.
Dans son dernier rapport 2022-2023, la mission de contrôle de la Cour des comptes a abordé les aspects liés au bilan institutionnel des SDL, aux réalisations et au degré d’atteinte des objectifs, ainsi qu’à la gouvernance de ces sociétés. Elle a à ce titre relevé plusieurs dysfonctionnements dont voici les principaux.
Il ressort ainsi qu’au niveau du bilan institutionnel, 10 SDL sont confrontées à des difficultés structurelles qui empêchent le démarrage de leur exploitation ou la préservation de sa continuité, provoquant, en conséquence, l’arrêt total ou partiel de leurs activités économiques pour des durées qui varient entre 4 et 30 ans.
Cette situation a engendré l’accumulation de pertes, ainsi que la diminution du capital avec la nécessité, dans certains cas, d’injecter des fonds supplémentaires, en l’absence de mesures préventives ou correctives à travers, le cas échéant, la dissolution des sociétés en difficulté. À noter qu’une seule SDL, des 10 sociétés en difficulté, a été dissoute. De plus, cinq autres SDL connaissent une situation financière fragile nécessitant un programme urgent de mesures correctives.
Par ailleurs, il a été relevé que la rentabilité des SDL reste limitée, puisque seules 5% ont pu atteindre un taux de rentabilité financière des capitaux investis (TRI) satisfaisant ou sont en passe de le réaliser. En outre, ces SDL souffrent d’un manque d’autonomie commerciale et financière, de la concurrence et de la fragmentation de leurs parts de marché.
S’agissant des réalisations et du degré d’atteinte des objectifs, alors que la contribution des organismes publics dans le capital des SDL a atteint 5 Mds de DH, avec une mobilisation additionnelle annuelle de 562 MDH, les SDL n’ont réussi à atteindre ni l’ensemble des objectifs assignés ni la valeur ajoutée escomptée. En effet, des retards conséquents (allant d’une à sept années) ont été enregistrés au niveau de la réalisation des projets, avec parfois un surenchérissement des coûts et la persistance des problèmes structurels observés avant leurs créations en qui concerne, notamment, la mobilisation du foncier dans les grandes villes, en plus des difficultés et parfois des contraintes sociales à l’instauration de l’ordre ou la libération du domaine public (comme c’est le cas des SDL chargées de la gestion des marchés de gros ou de l’exploitation du service de stationnement).
Concernant le montage institutionnel et financier, il a été relevé que plus de 90% des SDL ont été créées sans études préalables multidimensionnelles (juridiques, techniques, financières et économiques), et sans appréciation réaliste des différents risques associés. Cette situation a conduit à ce que les statuts des SDL ne comportent pas certains articles spécifiques à l’actionnariat, aux structures de la SDL, à ses fonds et actifs tout en prenant en compte les priorités et les spécificités des services et équipements publics et en garantissant les droits de toutes les parties.
Quant au montage financier, il manque d’équilibre et de rationalité au vu de la rareté des sources de financement public. En effet, il s’avère que 7 SDL ont été créées avec des capitaux qui dépassent leurs besoins en investissement, nécessaires à la constitution de leurs actifs immobilisés. De plus, quatre d’entre-elles ont vu leurs capitaux absorbés pour compenser les pertes cumulées, résultant de l’arrêt total ou partiel de leurs activités. En outre, la création des SDL, sans liberté d’accès au marché, ne leur permet pas de garantir une autonomie commerciale et financière. De ce fait, elles restent dépendantes des deniers publics pour assurer leur équilibre financier ou redresser leur situation.
Quant aux conventions conclues, elles n’incorporent pas le plus souvent des clauses et des engagements essentiels, à l’image des objectifs assignés et des résultats escomptés en détaillant leurs composantes, caractéristiques, conditions et modalités de leur atteinte.
Elles ne comprennent pas aussi des clauses déterminant les coûts des projets et des prestations objet desdites conventions, ainsi que la rémunération de la SDL de manière à garantir sa corrélation aux résultats escomptés. De plus, ces conventions n’intègrent pas des indicateurs de performance et d’efficience, les pénalités, la gestion des risques, les litiges et les cas de force majeure, ainsi que le régime juridique des biens acquis ou formés durant la convention, en plus de la non-spécification des mécanismes et modalités de contrôle et de suivi.
Par ailleurs, certaines conventions accordent de larges prérogatives aux SDL pouvant aller jusqu’à les charger, dans certains cas, de missions incompatibles, à l’exemple de la détermination du montant du contrat ou encore la réalisation des missions de contrôle, ce qui ne favorise ni la rationalisation des dépenses, ni le développement des ressources, ni encore la modernisation des outils et moyens de gestion.
Au niveau de la gouvernance des SDL, les collectivités territoriales ne se sont pas encore adaptées du régime de participation et n’arrivent pas à exercer pleinement leurs rôles de tutelle en tant que maîtres d’ouvrage. Par ailleurs, ses représentants au sein des SDL n’assurent pas convenablement les missions qui leur sont confiées, en matière de suivi des réalisations desdites sociétés. En effet, ces représentants n’établissent pas des rapports périodiques pour les soumettre à l’appréciation des conseils des collectivités territoriales concernées et leur permettre, par conséquent, de suivre l’exécution des projets programmés. En outre, les représentants des collectivités territoriales n’ont pas exigé l’évaluation du rendement des sociétés, moyennant l’examen des opérations réalisées et des résultats atteints, en vue d’analyser les difficultés et les problèmes rencontrés et partant proposer les solutions idoines.
Eu égard à ce qui précède, la Cour des comptes a recommandé au ministère de l’Intérieur d’inciter les collectivités territoriales à prendre les mesures nécessaires, dans les plus brefs délais, à l’égard des SDL en arrêt ou en situation financière difficile, en adoptant des plans de sauvegarde, de redressement ou de liquidation,le cas échéant. Elle a également recommandé de contrôler la solidité de la situation financière des SDL, en renforçant l’autonomie commerciale et financière ainsi que la rentabilité, et ce, en conformité avec les principes de gestion des services publics et en veillant à la rationalisation des dépenses. De plus, elle a recommandé de s’assurer de l’opportunité de recours au mode des SDL à travers des études financières et économiques et des études comparatives avec d’autres modes de gestion, tout en identifiant les besoins à long terme, tenant compte des moyens et capacités disponibles. Elle a aussi recommandé de réviser les statuts des SDL en veillant à la détermination de leurs activités avant leur création, et de maitriser le champ des domaines possibles, tout en offrant la possibilité d’un libre accès au marché chaque fois que des opportunités d’investissement y sont disponibles.
En outre, la Cour a préconisé de recadrer les conventions de manière à assurer un alignement avec les exigences de la gestion locale et de l’équilibre financier, tout en précisant les objectifs escomptés et les résultats attendus et en déterminant, de façon précise, les composantes, les spécificités et les modalités. Elle a également recommandé de fixer une rémunération convenable pour la société, basée sur les résultats et les indicateurs de performance et de rendement, tout en évitant des clauses contradictoires et celles qui peuvent attenter aux intérêts des collectivités territoriales concernées, à l’instar de charger la SDL de déterminer le montant du contrat ou de superviser le contrôle.
De plus, elle a préconisé d’accompagner les collectivités territoriales pour améliorer leurs performances au niveau des assemblées générales et des conseils d’administration des SDL, ainsi qu’au niveau de la rédaction et du suivi des conventions.