Le discours royal du 29 juillet 2020 donner le top départ d’un ambitieux chantier de réforme du secteur public pour améliorer ses performances économiques et en faire un levier de relance après le choc Covid-19. Force est de constater la présence permanente de ce souci de réformer ce secteur qui n’en est pas à son premier essai.
L’année 2020 marque le démarrage d’un projet titanesque de réforme du secteur public. Et la LF 2021 a contenu des dispositions afin de concrétiser orientations royales telles qu’énoncées par le Souverain dans le discours du Trône du 29 juillet 2020, particulièrement la relance de la croissance, l’exemplarité de l’Etat et l’optimisation du fonctionnement du secteur public et la prise en charge de la question sociale.
Dans le sillage, le cadre réglementaire a été dépoussiéré avec deux principaux textes de loi notamment celui relatif à la création de l’agence nationale des participations stratégiques de l’Etat et celui portant réforme globale des EEP.
En 2022, ce chantier doit connaître un coup d’accélération avec plusieurs dispositions contenues dans la LF 2022 et pas plus tard qu’en décembre dernier, le Maroc a obtenu un prêt de 450 millions de dollars de la Banque mondiale, et d’autres financements, pour soutenir sa stratégie gouvernementale d’ambition visant à la modernisation du secteur public.
Ce dernier pèse pour 225 établissements publics et 43 administrations publiques à participation directe du Trésor. Ces organismes détiennent 492 filiales ou participations publiques indirectes (pour une population de plus d’un demi-million de fonctionnaires civils).
Cette réforme faut-il souligner ne part pas de rien, puisque le secteur public est en perpétuel restructuration depuis l’indépendance du Maroc et il a de tout temps figurer dans les priorités des différents exécutifs relayés au pouvoir depuis.
« L’histoire du secteur et les différentes phases de ses recompositions ont été jalonnées par de multiples réformettes fragmentaires. Elles ont abouti, avec plus ou moins de succès, à de légères améliorations du cadre juridique et institutionnel de quelques entités, à l’établissement des contrats-programmes avec les entreprises à vocation stratégique, à une révision du contrôle financier de l’État, et à une certaine modernisation de la gouvernance. Aujourd’hui et en dépit de ces actions, le secteur se trouve encore à la croisée des chemins et souffre de certaines déviations au niveau des bonnes pratiques de gouvernance et des faiblesses manifestes concernant ses fonctionnements en matière de gestion. La gestion publique est pointée du doigt et est considérée sur certains volets comme défaillante et nécessite une réforme globale profonde », analyse le Centre marocain de conjoncture (CMC).
Ainsi et tout en mettant en exergue le rôle capital que joue le secteur public dans la dynamique du développement économique et social du pays, le rapport de la Commission Spéciale sur le Nouveau Modèle de Développement ainsi que d’autres solides études récentes effectuées sur le secteur ont révélé bon nombre de ses dysfonctionnements découlant notamment d’une grande prolifération des entités, d’une redondance dans les missions et les activités, d’un manque de complémentarité et de synergie et parfois d’un mode managériale désuet.
Ces analyses ont montré que les déficiences énumérées seraient en grande partie à l’origine des contre-performances constatées tout particulièrement chez les entreprises et les établissements publics qui cherchent à assurer une rentabilité économique et en même temps répondre aux importantes exigences d’un service public de qualité.
Le CMC rappelle que pour palier cette situation et améliorer les rendements du secteur et le consacrer dans son rôle de locomotive de l’économie nationale, de stabilisateur et de stimulus de la compétitivité, une loi cadre relative à la réforme des établissements et des entreprises publics a été promulguée en juillet 2021.
Cette loi fera de l’exercice 2022 l’année de démarrage d’un processus de redéfinition et de restructuration du secteur des établissements et entreprises publics, elle est considérée comme l’une des plus importantes orientations stratégiques des pouvoirs publics après la généralisation de la protection sociale et la priorité accordée aux secteurs sociaux dans le budget.
Dans un pays comme le Maroc où le secteur public est prédominant face à un secteur privé relégué à un rôle secondaire, cette réforme tend à une exécution des politiques publiques plus efficiente et surtout moins budgétivore.
La valeur ajoutée globale du sous-secteur en 2021 est estimée à 93,5 milliards de dirhams affichant une évolution record de 36% par rapport à l’année 2020. Elle contribue avec environ 8% à la formation du Produit intérieur brut, estime le CMC.
Il est aussi le premier investisseur public avec 84 milliards en 2021 contre 71,6 milliards de dirhams en 2015 soit une augmentation substantielle de l’ordre de 18% en l’espace de six ans.
En raison de la couverture spatiale assez large des établissements et entreprises publics leurs investissements ont touché avec plus ou moins d’équité l’ensemble des régions et ont permis la réalisation des programmes de développement territorial.
L’autre aspect saillant de la configuration du secteur des établissements et des entreprises publics est la répartition de ses unités institutionnelles entre les différents secteurs d’activités.
Il exprime avec force les préoccupations stratégiques des pouvoirs publics et la priorisation qu’ils accordent au développement de certaines branches d’activités au détriment d’autres dans leurs politiques économiques.
Aussi peut-on constater qu’outre les domaines stratégiques notamment l’énergie, l’infrastructure et les transports, les politiques publiques ont été spécialement orientées vers les secteurs sociaux (l’enseignement, la formation, la santé…) et les activités liées à l’agriculture et à la pêche maritime.
Les établissements et entreprises opérant dans les secteurs sociaux représentent 23%, ceux ayant une activité liée à l’habitat, l’urbanisme et le développement territorial occupent la deuxième place avec 17%, les entités se trouvant dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche constituent une proportion de 15%. Le pourcentage des unités du secteur opérant dans des branches de l’énergie et l’eau, des mines et de l’environnement s’élève à 12%.
Toutefois, si le secteur des établissements et des entreprises publics (en partie pour certaines entités) dispose de véritables atouts pour jouer le rôle qui lui est dévolu, il n’en demeure pas moins que certaines failles et des fragilités subsistent et menacent ses performances économiques et ses offres de services non-marchands, estime le CMC.
Il s’agit entre autres de la duplication des missions entre les unités institutionnelles qui fait gonfler artificiellement les dépenses et altère la productivité ; de sa dépendance vis à vis de l’État , les transferts du budget de l’état vers ses unités ont doublé en l’espace d’une décennie passant de 16,8 milliards de DH en 2011 à 33,2 milliards de DH en 2020 ; de l’exacerbation de l’endettement qui met en cause la solvabilité du secteur et le rend vulnérable, l’encours des dettes de financement a culminé à 296,6 milliards de dirhams en 2020 ; des pertes de performances engendrées par des modes de management inadaptés…
C’est dire l’importance de la réforme en cours pour amorcer un changement en profondeur avec la mise en place de la loi cadre et l’installation de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État.
Un chantier qui ne se déroulera pas sans contrainte surtout la conjoncture actuelle où l’Etat est au four et au moulin.
Mais aussi, parce que cette réforme concernera également plus d’un demi-million de fonctionnaires civils, l’élément humain étant primordial pour porter cette réforme à bras le corps. Et là encore, un effort considérable doit être fait et ne pas négligé, celui de la réforme du Statut général de la fonction publique datant de 1958.
C’est dire la complexité de ce chantier qui devra aboutir en autres au renforcement du cadre général de la politique de gouvernance des EEP du Royaume du Maroc, leur performance et leur transparence.
Ce qui passe par l’implémentation d’une Politique Actionnariale de l’État, une première dans la région, pour libérer le potentiel de croissance de l’économie marocaine, promouvoir la participation du secteur privé via des partenariats public-privé et garantir la neutralité concurrentielle et des règles du jeu équitable pour les EEP et les acteurs privés, le tout au service du développement de l’économie mais surtout pour répondre aux attentes des citoyens.