Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Certes la mobilisation des Marocains pour venir en aide aux victimes du séisme à travers la collecte des dons et des denrées alimentaires a ému aussi bien les Marocains que la communauté internationale qui a applaudi cet élan de solidarité. Nonobstant, dans ces situations de crise certains profitent de la générosité des personnes sensibles à la situation des victimes pour tirer des bénéfices. C’est pourquoi l’application de la loi, publiée dans le BO du 9-01-23, s’impose.
Bien que 4 jours soient passés du séisme survenu la nuit du vendredi 8 septembre dans la province d’Al Haouz, les Marocains sont toujours sous le choc de cette catastrophe qui a semé la peur, la tristesse, l’incompréhension et surtout l’appréhension.
Les équipes de secours se déférent certes sur le terrain pour sauver ce qui reste à sauver, mais beaucoup reste à faire. Bon nombre de victimes sont toujours sous les décombres, des centaines de personnes sans toit exposées à tous les aléas et plusieurs douars toujours inaccessibles.
Dans ce tableau noir, on y voit toutefois un peu de couleur grâce à la générosité et à la mobilisation des Marocains. Dès les premières heures du séisme, des bénévoles se sont mobilisés aussi bien pour apporter de l’aide aux populations affectées notamment pour les faire sortir des décombres qu’en acheminant les besoins de première nécessité.
Ainsi au lendemain du drame, les premiers appels aux dons ont envahi les réseaux sociaux. Associations, société civile et influenceurs se sont mobilisés pour faire acheminer les denrées alimentaires dans les zones les plus affectées bien que beaucoup de villages sont toujours, au moment ou nous mettons en ligne, complétement isolés voire inaccessibles.
Des appels auxquels les Marocains des 4 coins du pays et du monde ont répondu massivement en apportant des tonnes d’alimentation (laits, pains, eaux, boîtes de sardines, biscuits…) mais aussi des matelas, couvertures, médicaments, vêtements…. Les vidéos émouvantes sur la toile montrent la générosité sans limite des Marocains.
Des caravanes humanitaires formées par des centaines de voitures de particuliers, camions, motos ainsi que des remorques ont envahi les routes en direction des zones sinistrées.
Gare aux arnaques !
Cette solidarité des Marocains a certes ému le monde entier, mais il va bien falloir faire attention au désordre et surtout à l’escroquerie. Car si la majorité des bénévoles opère de bonne foi, certaines personnes malveillantes profitent pour détourner les fonds collectés auprès des Marocains d’ici et d’ailleurs mais aussi des étrangers.
Rappelons que plusieurs cas d’escroquerie ont été relevés durant le Covid où plusieurs personnes avaient collecté de l’argent sous prétexte de les reverser aux personnes touchées par la pandémie.
Et pourtant, l’appel à la générosité publique par les particuliers est régi par des lois que beaucoup de Marocains ignorent. Le cadre réglementaire a même été renforcé avec la publication dans le bulletin officiel du 9 janvier 2023 de la loi N°18.18 régissant l’organisation des appels à la générosité publique et la distribution d’aide à des fins caritatives, telle qu’elle a été adoptée par les Chambres des représentants et des conseillers.
Une loi qui vient renforcer un arsenal devenu obsolète qui datait de 1971 à savoir La loi n° 004-71 relative aux appels à la générosité publique, mettre les garde-fous nécessaires afin de couper court aux malveillants, de prémunir contre l’instrumentalisation des opérations à des fins politiques et de mieux organiser les opérations de distribution des aides à des fins caritatives.
Bien que cette fois-ci, les partis politiques aient brillé par leur absence sur le terrain. Encore moins notre chef du gouvernement, ni son équipe d’ailleurs, qui n’a pris la parole que 3 jours après le drame bien entendu en costume cravate à distance de la zone sinistrée.
Mais comme dit le proverbe arabe « Il y a beaucoup à dire mais il vaut mieux se taire ».
Cela dit, ladite loi stipule que les appels au public pour recueillir des dons ne peuvent être lancés que par une ou plusieurs associations dûment constituées. Toutefois, et à titre exceptionnel, cette loi autorise une ou plusieurs personnes physiques à faire appel au public pour collecter des dons si le but est d’apporter une aide urgente à un ou plusieurs individus en détresse, à condition d’obtenir une autorisation des autorités compétentes.
La partie organisatrice est tenue, après chaque opération de dons, de présenter un compte rendu détaillé en mentionnant le montant collecté dans un délai de 30 jours maximum.
La loi prévoit également une organisation des opérations de distribution des dons en nature en exigeant une autorisation au préalable auprès du gouverneur de la province qui va accueillir ladite opération. Le délai pour cela est fixé à 10 jours avant la date de la campagne.
Quant aux amendes, la loi prévoit des amendes de 50.000 à 100.000 dirhams pour les contrevenants, ainsi que des amendes de 100.000 à 500.000 dirhams pour les établissements de presse ou tout autre établissement faisant appel au public pour rassembler des fonds en violant les dispositions de cette loi.
Aujourd’hui, certainement en raison de l’urgence et par ignorance de la loi, les personnes organisent des opérations de collecte de dons (nature ou argent) notamment les influenceurs qui diffusent ces opérations à travers des lives sur les réseaux sociaux.
Les autorités devraient veiller sur l’application de la loi mais aussi traquer tous ceux qui profitent de ce drame pour s’enrichir. Car le plus dur reste à venir en matière d’aide aux populations touchées par le séisme.
C’est pourquoi il est important de bien orienter l’aide soit dans les canaux officiels notamment le Fonds spécial pour la gestion des effets du tremblement de terre ayant touché le Royaume du Maroc créé par le gouvernement ou les associations accréditées.