Ecrit par Soubha Es-Siari |
Comme toute catastrophe naturelle, les effets dévastateurs d’un séisme ne se limitent pas uniquement aux dégâts humains et matériels constatés dans l’immédiat, mais bien à d’autres collatéraux pour ne citer que le tourisme. Pour le cas du séisme d’Al Haouz, sa particularité est qu’il est intervenu à Marrakech, une ville touristique par excellence. Le tourisme représente 7% du PIB du Royaume.
La question qui se pose d’emblée : le tourisme à la ville ocre fera-t-il les frais de cet évènement catastrophique qui a secoué toute la région d’Al Haouz ? L’ambition des professionnels d’atteindre 13,5 millions de visiteurs au terme de l’année en cours s’avère-elle in fine un vœu pieux ?
Face à cette tragédie sans précédent, le Syndicat des entreprises du tour-operating a appelé à la souplesse commerciale. Il a déclaré au journal Le Figaro que ceux qui avaient prévu de partir au Maroc et qui en raison du séisme ne le souhaitent plus, ont été amenés à demander l’annulation ou le report de leur départ jusqu’au 11 septembre inclus. Le cas de ce syndicat n’est pas isolé. D’autres professionnels du tourisme ont fait de même et des annulations sont enregistrées.
Contactée par nos soins, une agence de voyage à Marrakech a déploré des annulations de réservations pour les mois d’octobre, de novembre allant même jusqu’à janvier 2024. « Nous travaillons avec les touristes américains qui viennent découvrir justement dans la région d’Al Haouz des expériences culinaires, visiter les sites, la médina… », explique notre source. Donc du moment que la région d’Al-Haouz est sinistrée, les voyagistes annulent leur réservation.
La situation est trop délicate d’autant plus qu’elle intervient à un moment crucial où les recettes touristiques renouent avec la croissance suite à une période de vaches maigres causée par la crise sanitaire liée au Covid19. Elle risquerait de mettre un terme à l’euphorie constatée depuis la réouverture des frontières.
D’aucuns pensaient que le tourisme ne retrouverait son rythme d’avant la crise que pendant des années. Toutefois, les données enregistrées en 2022 et durant les premiers mois de 2023 montrent le contraire. Et pour cause, les mesures mises en place par les différents acteurs du secteur ont favorisé la reprise de l’activité touristique au niveau national.
Sur un an, les arrivées touristiques ont bondi de 92% au 1er semestre
Chiffres à l’appui : Le volume des arrivées aux postes frontières a atteint au terme du mois de juin 2023 près de 6,5 millions de touristes, soit 21% de plus par comparaison à la même période de 2019. Plusieurs marchés ont contribué à cette performance, notamment l’Espagne (+79%), le Royaume-Uni (+23%), le Portugal (+16%) et le marché israélien (+96%).
Parallèlement, en termes de productivité, le secteur a généré 41 Mds de DH de recettes de voyage en devises à fin mai 2023, enregistrant ainsi une progression exceptionnelle de 42% par rapport à la même période de 2019. Pour la seule saison estivale de l’année en cours, le Maroc compte attirer 2,8 millions de clients soit le double du volume mobilisé en 2019.
Concernant Marrakech, selon les derniers chiffres de la Délégation régionale du tourisme, le nombre d’arrivées touristiques au cours du mois de mai 2023 a atteint les 266.075 arrivées, en progression de 63% par rapport à la même période de 2019, année prise comme référence. Les nuitées ont quant à elles progressé de 51%, pour s’établir à 812.310 nuitées.
En nombre de touristes dans la ville ocre, les ressortissants français conservent toutefois la tête (26% des arrivées), suivis des nationaux (25%) et, petite surprise, des touristes anglais (12%).
La dynamique touristique à Marrakech a été accompagnée par d’importants investissements dans le secteur. À fin mai 2023, 159 projets dans l’hébergement touristique ont été autorisés, avec une capacité de 7.850 lits, pour un investissement total de 538,52 Mds de DH. C’est pour dire que l’ambition est grande en vue d’attirer plus de touristes aussi bien nationaux qu’étrangers.
Des professionnels étrangers du tourisme à Marrakech voire même des stars internationales ont lancé un appel qu’il ne faut pas laisser tomber le tourisme dans la région à un moment où le Maroc en a grandement besoin pour reconstruire les villages entièrement démolis.
D’autres sont plus confiants et considèrent que généralement les catastrophes naturelles n’ont pas un impact durable sur le secteur du tourisme. Ils corroborent leurs propos par l’exemple le plus récent celui du séisme en Turquie qui n’a pas empêché les millions de touristes de s’y rendre comme à l’accoutumée.
Toutefois, pour compenser un tant soit peu le manque à gagner, les professionnels du tourisme n’ont d’autre alternative que d’innover et de proposer des offres alléchantes en faveur des nationaux. On ne cessera jamais de le dire et de le répéter, les touristes étrangers jouissent d’offres moins chères que les touristes nationaux. Il est temps de changer de paradigme.
Lire également : Tourisme : la tendance haussière de 2022 se poursuit